Sécheresse en Occitanie : Quand l’eau se met à manquer sous les ponts du célèbre canal du Midi

Dommage collatéral Le gestionnaire du canal du Midi vient de prendre la décision inédite de retarder sa réouverture à la navigation. En cause la sécheresse et l’eau qui manque dans les lacs qui servent de réservoirs à la célèbre voie d’eau

Hélène Ménal
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Les péniches ne pourront pas naviguer avant la 15 mars cette année. Illustration.
Les péniches ne pourront pas naviguer avant la 15 mars cette année. Illustration. — Fred Scheibe
  • Le canal du Midi, qui devait rouvrir à la navigation le 25 février, ne le fera que le 15 mars.
  • Une décision inédite pour Voies navigables de France et dictée par la sécheresse.
  • Les lacs, comme celui de Saint-Ferréol, qui servent de réservoir à la célèbre et touristique voie d’eau, ne sont pas au mieux de leur forme.

« Je ne l’avais jamais vu aussi vide en hiver ». En ce mardi de vacances, Agathe veille sur ses petits protégés scouts tout en arpentant les trop larges berges aux allures « lunaires » du lac de Saint-Ferréol, près de Revel (Haute-Garonne). Elle est plus inquiète qu’étonnée par niveau inhabituellement bas. « Ça fait mal au coeur. Tous les lacs sont à sec du côté de chez moi, dit la Castraise Il faut dire qu’il n’a pas plu de l’hiver ». Et encore, Agathe ne débarque pas à « Saint-Fé » au pire moment. A la fin de l’automne, la nappe d’eau était si réduite que la fameuse « pyramide », un intrigant petit bâtiment englouti qui n’apparaît en général que tous les dix ans lors des vidanges, avait ressurgi.

« Le barrage de Saint-Ferréol devrait être rempli à 80 % à cette période de l’année, il ne l’est qu’à 60 % environ », relève Christophe Beltran, le chef du service territorial Midi de Voies navigables de France (VNF), le gestionnaire du canal du Midi, qui utilise le lac comme réservoir officiel de la célèbre voie d’eau. Le Lampy, autre barrage situé plus haut dans la montagne Noire, ne va guère mieux et la Ganguise, sur la route de l’Aude, est carrément à la moitié de sa contenance habituelle. « Globalement, nos réservoirs sont à 55 % de remplissage contre 85 % à la même date en 2022 », précise le technicien.

Pas de navigation avant le 15 mars

Et ce manque d’eau précoce explique aussi le paysage à Toulouse, à une soixantaine de kilomètres de là : devant la gare Matabiau, le canal du Midi, qui aurait dû être « remis en eau » après une vidange pour nettoyage du bief [tronçon] Bayard ressemble plus à une mare qu’à un bijou du patrimoine. Et cette marée basse en plein coeur de la Ville rose va durer plus longtemps que prévu.

Car VNF vient de prendre la décision, inédite de mémoire d’éclusier, du moins pour une raison autre que purement technique, de retarder l’ouverture du canal à la navigation après son habituelle période de « chômage » hivernale. Elle aurait dû intervenir le 25 février, de Toulouse à Béziers. Les péniches devront patienter jusqu’au 15 mars. Il n’est pour l’heure possible de voguer que sur 30 % des eaux vertes du canal et les 23 biefs vidangés durant l’hiver ne vont se reremplir que lentement et naturellement, pour peu que la météo se montre enfin clémente, donc pluvieuse. Pas question de commencer si tôt à piocher dans des réservoirs si bas

Rester « groupés » au passage des écluses

« Nous avons cette décision afin de préserver au maximum nos réserves, assure Christophe Beltran. Notre objectif est d’avoir un niveau d’eau suffisant dans les biefs aussi longtemps que possible, mais aussi de satisfaire les autres usages du canal ». Car ce dernier n’est pas là que pour la plaisance et la quiétude des joggeurs. La moitié de son eau sert aussi à l’irrigation agricole et il vient même dans certains secteurs sécuriser l’approvisionnement en eau potable. Autant dire que VNF n’est qu’à l’orée d’un véritable « casse-tête ».

Pour anticiper les difficultés qui ne manqueront pas de se poser en cette année déjà historique de sécheresse, le gestionnaire a d’ores et déjà décidé d’appliquer dès le 15 mars une mesure déjà appliquée l’an dernier dans la torpeur du mois de juillet. Les bateaux devront passer les écluses en grappe. Car à chaque passage, chaque vidange éclusière représente 800 m3 d’eau. Et il n’y a plus de petites économies pour le canal du Midi.