Climat : La CEDH se penche sur « l’inaction » d’une trentaine d’Etats visés par des jeunes de 11 à 24 ans
jurisprudence La Cour européenne des droits de l’Homme s’est penchée sur le réchauffement climatique à la demande de six jeunes Portugais qui reprochent à 32 Etats leur « inaction » en la matière
C’est une audience inédite qui s’est déroulée à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Elle est invitée à définir sa jurisprudence quant à l’inaction climatique de 32 Etats, visés par six jeunes Portugais. L’audience de Grande Chambre, mobilisant 17 juges, a été ouverte par la présidente de l’institution, l’Irlandaise Siofra O’Leary, ce mercredi matin au siège de la cour à Strasbourg.
« L’affaire concerne l’impact du changement climatique que les requérants considèrent comme imputable aux Etats, en particulier les phénomènes de réchauffement climatique se traduisant par des vagues de chaleur et des incendies de forêt affectant leurs vies et leur santé », a exposé Siofra O’Leary.
Arsenal de défense
Plus de 80 avocats et juristes représentants les 32 Etats incriminés (les 27 membres de l’Union européenne, la Norvège, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et la Russie), étaient présents à l’audience. L’Ukraine, contre laquelle les six requérants ont abandonné leurs demandes, n’était pas représentée, pas plus que la Russie.
Les débats ont essentiellement porté sur la question de la recevabilité du dossier, fortement contestée par les Etats défendeurs. « On peut féliciter ces jeunes de leur engagement pour cette cause, que l’on ne peut ignorer », a indiqué Ricardo Matos, représentant du gouvernement portugais. « Mais dans cette affaire, ils n’ont pas prouvé de préjudice. Leurs arguments portent sur les impacts du changement climatique, mais ne prouvent pas qu’ils sont des victimes personnelles. De simples conjectures ne suffisent pas ».
Répercussions sur les jeunes générations
Les avocats des six Portugais âgés de 11 à 24 ans ont appelé la Cour à ne pas « détourner les yeux ». Refuser de leur accorder une protection « reviendrait à dire que le problème est trop grand, trop compliqué et que les droits de l’homme (…) sont en bout de course », a déclaré Alison Macdonald. Elle a souligné qu’une « tonne de gaz a effet de serre émise en France a le même effet qu’une tonne venant du Portugal », et que le Portugal n’avait « pas la capacité, à lui seul, de protéger les requérants ».
Sa collègue Amy Sander a soutenu que la démarche des plaignants était « essentielle pour garantir une protection effective » des droits inscrits dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, notamment le « droit à la vie » (article 2), et le « droit au respect de la vie privée » (article 8). « Ce sont les enfants qui paieront le prix de l’inadéquation des mesures » prise contre le changement climatique, a exposé la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic. « Il est crucial que les jeunes aient accès à la justice et soient entendus ».