Climat : Adopté par des milliers de foyers, le blob supporte mal la chaleur et c’est une mauvaise nouvelle
Blob l’éponge 3.500 volontaires en France ont élevé des blobs chez eux et suivi un protocole précis pour aider la recherche sur le changement climatique. Les premiers résultats sont éloquents mais pas réjouissants
- C’est l’heure des premiers résultats pour le projet de science participative « Derrière le blob, la recherche ». Après avoir envoyé 70.000 blobs à 14.000 volontaires en avril 2022, le bilan commence pour la chercheuse du CNRS Audrey Dussutour.
- 3.500 volontaires ont réalisé 6.900 protocoles, ont envoyé des jeux de données et déposé 900.000 photos de blobs – cet organisme unicellulaire, ni animal, ni végétal, ni champignon, capable de se régénérer et d’apprendre sans cerveau – sur la plateforme qui leur avait été ouverte.
- Le but de cette recherche : comprendre l’impact du réchauffement climatique sur les organismes vivants… Et les premiers enseignements sont déjà inquiétants.
900.000 photos prises en quelques mois. De vrais mannequins, les blobs ! Ces êtres vivants, unicellulaires, ni animal, ni végétal, ni champignon, n’aiment pourtant pas la lumière et préfèrent vivre leur vie tranquillement à l’ombre des arbres sans faire de bruit. Mais ces ermites se sont quand même laissés adopter par de milliers de foyers, au nom de la science.
Après plusieurs mois d’expérience chez 3.500 volontaires de 8 à 90 ans, les premiers résultats sont tombés. Le blob supporte mal la chaleur… Et c’est problématique. « Cette expérience participative avait pour but premier de sensibiliser les personnes au réchauffement climatique et de leur montrer que cela avait un impact. Il fallait qu’ils l’expérimentent d’eux-mêmes et qu’ils voient de leurs propres yeux ce que peut faire le réchauffement climatique sur un organisme vivant », explique Audrey Dussutour, directrice de recherche CNRS au Centre de recherches sur la cognition animale à Toulouse à la tête de l’opération « Derrière le blob, l’expérience ».
Des blobs au hammam
La survie de 41.000 blobs était analysée selon différents protocoles basés sur des pics de chaleur (entre 28 et 32 °C), plus ou moins longs, intenses et répétitifs. « Avec ces résultats, tout fait sens. Si on augmente la température, on a davantage de mortalité. Toutes les hypothèses se valident. Badhamia, l’espèce la plus répandue en France a énormément souffert de la chaleur. Il vaut mieux un pic de chaleur intense mais qui dure peu », détaille la scientifique, amoureuse de ces petites éponges vivantes.
Derrière l’expérience purement scientifique se cache donc un phénomène bien plus préoccupant. « Le changement climatique se traduit principalement par des changements de températures. L’idée c’était de montrer qu’un organisme vivant, même avec des petits changements de température, pouvait mourir et c’est déjà très problématique. Et on n’est pas monté jusqu’à 42 °C comme il a pu faire à Toulouse cet été », ajoute Audrey Dussutour. « Ce qui est important ce n’est pas l’augmentation moyenne qu’il va y avoir au fur et à mesure des années mais le profil de ces mutations de températures. Ce sont ces changements actuels qui importent, où le matin, il fait 10 °C et l’après-midi, 27 °C. Ça, pour un organisme vivant c’est extrêmement difficile. »
Le blob est un organisme important dans les écosystèmes, car il mange des bactéries et des champignons et rejette dans l’environnement des minéraux : calcium, potassium, etc. Les plantes récupèrent ensuite ces minéraux et la boucle recommence. La nature est bien faite. Si les blobs étaient amenés à disparaître à cause du réchauffement climatique « on perdrait beaucoup de choses. Mais, ça c’est vrai pour n’importe quel organisme vivant », insiste Audrey Dussutour.
Rassurez-vous, les blobs n’ont pas souffert
Des blobs qui meurent de chaleur ? Pas très fun a priori comme expérience. Mais, la spécialiste se montre rassurante. « On n’aurait pas pu faire ça sur des animaux. Le blob n’a pas de système nerveux, donc il ne ressent pas de souffrance ou de douleur, dit-elle. On pouvait monter cette expérience éthiquement et montrer l’effet du réchauffement climatique sans faire de mal. » De plus, cette petite éponge jaune, n’est ni allergène, ni invasive, ni toxique. Elle pouvait donc être accessible pour tous.
Un travail de fourmi attend encore l’ancienne myrmécologue : analyser les données des participants, trier les photos, faire des statistiques… « Pour le moment, j’ai vérifié les données de 2.450 volontaires sur 5.200 protocoles dont 2 % seulement ont été mis de côté », assure la chercheuse, fière de ses laborantins Ces résultats sont préliminaires et le projet n’est pas terminé. L’analyse des données se poursuit avec l’entraînement d’une intelligence artificielle pour identifier plus rapidement les blobs sur les photos faites par les volontaires. L’expérience « exploration », qui suivait la capacité des blobs à se déplacer, sera ensuite analysée par l’algorithme une fois les dernières photos collectées et validées.
La communauté formée autour de cette expérience continue de suivre l’actualité du blob et pourra participer de nouveau à de futurs protocoles. Le blob, lui, continue sa petite vie, tant qu’il ne fait pas trop chaud.