Canada : Entre sécheresse et pommes de pin, « tous les ingrédients sont là » pour des feux dévastateurs

Braises Le Canada, qui concentre 9 % de la superficie forestière mondiale, est en proie à des incendies historiques

Diane Regny
Un bombardier largue un mélange d'eau et d'ignifuge au-dessus de l'incendie près du lac Barrington, dans le comté de Shelburne, au Canada, le 31 mai 2023.
Un bombardier largue un mélange d'eau et d'ignifuge au-dessus de l'incendie près du lac Barrington, dans le comté de Shelburne, au Canada, le 31 mai 2023. — AFP
  • Le Canada est en proie à des incendies historiques, quelque 400 brasiers ont été décomptés sur le territoire et les fumées des feux colorent les Etats-Unis d’un brouillard orangé.
  • Le pays est de plus en plus touché par des épisodes météorologiques extrêmes car il se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète.
  • 20 Minutes se penche pour vous sur ces incendies massifs grâce à l’éclairage de Françoise Vimeux, climatologue à l’institut de recherche pour le développement.

Au Canada, les pins virent au rouge et, cette fois-ci, impossible d’accuser l’été indien. Le pays est durement touché par des incendies historiques. Quelque 400 brasiers ont été décomptés sur le territoire et, en suivant les vents, leurs fumées sont parvenues jusqu’aux Etats-Unis qu’elles recouvrent d’un brouillard orangé. Après les provinces de l’Alberta, dans l’ouest et de la Nouvelle-Ecosse, dans l’Est, c’est au tour du Québec de subir des incendies « jamais vus ».

Mais pourquoi le Canada est-il particulièrement touché par ces épisodes ? A quelles conséquences écologiques et sanitaires peut-on s’attendre ? Les feux sont-ils amenés à se multiplier dans les forêts boréales du Canada ? 20 Minutes fait le point pour vous, grâce à l’éclairage de Françoise Vimeux, climatologue à l’Institut de recherche pour le développement.


Le Canada est-il souvent touché par de vastes feux de forêt ?

Le Québec est actuellement en proie à 150 feux de forêt actifs dont une centaine sont jugés hors de contrôle. Avec près de 350 millions d’hectares de forêt, le Canada concentre 9 % de la superficie forestière mondiale. « Or, pour qu’il y ait des méga incendies, il faut des massifs forestiers sur de grandes superficies, c’est logique », souligne Françoise Vimeux, climatologue à l’Institut de recherche pour le développement. Chaque année, les flammes mordent un peu plus cette richesse luxuriante. En 2023, les feux de forêt sont toutefois exceptionnellement précoces et intenses. « Les conditions de sécheresse qu’on avait l’habitude de voir en été démarrent de plus en plus tôt », souligne l’experte du climat qui énumère les facteurs encourageant les départs et la propagation du feu.

D’abord, la sécheresse de la végétation qui « dans certains cas, s’embrase à la moindre étincelle », puis « des sols secs qui entraînent une propagation plus aisée des feux » et, enfin, « des températures élevées ». Ces dernières « viennent accentuer les processus d’évaporation de l’eau dans les sols et la végétation, ce qui exacerbe leur sécheresse ». « De plus, certaines essences d’arbres encouragent la propagation des feux. Les conifères, qui sont très nombreux au Canada, facilitent la propagation des flammes, notamment via les pommes de pin », décrypte Françoise Vimeux, ajoutant « tous les ingrédients sont là pour des incendies qui vont se maintenir, se propager et toucher une large superficie ».

Quelles sont les conséquences écologiques ?

Plus de 11.000 Québécois ont dû quitter leur logement, et la province francophone se prépare à évacuer 4.000 personnes supplémentaires. Mais au-delà de ces évacuations humaines, les incendies massifs ont des conséquences sur l’environnement. En brûlant, les forêts polluent l’atmosphère terrestre. Rien que dans les provinces de l’Alberta, du Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, 20,5 millions de tonnes de dioxyde de carbone ont été rejetées à cause des incendies entre le 1er et le 18 mai, d’après les données du programme européen Copernicus.

« L’effet net du rejet de carbone est moins dramatique que ce que l’on imagine », nuance toutefois Françoise Vimeux. En effet, c’est en grandissant que les arbres consomment le plus de carbone. « Une forêt à l’équilibre émet autant de carbone qu’elle en absorbe. Mais après un incendie, les arbres se régénèrent et, pour grandir, ils absorbent plus de carbone qu’ils n’en rejettent », explique la climatologue, ajoutant que c’est pour cette raison qu’il faut différencier ces incendies de ceux qui sont provoqués dans le cadre de la déforestation. « C’est dramatique en revanche quand la déforestation se fait par le feu parce que les terres déforestées sont utilisées pour d’autres usages », note-t-elle. Cette pollution est aussi dangereuse pour la santé. Aux Etats-Unis, les fumées étouffent 100 millions d’Américains qui respirent, à cause d’elles, un air de mauvaise qualité.

Est-ce que les saisons de feux de forêt sont amenées à se multiplier ?

Ces incendies et cette pollution de l’air sont « un autre signe inquiétant de la manière dont la crise climatique affecte nos vies », s’est alarmée la Maison-Blanche mercredi. Au Canada, la question climatique est particulièrement brûlante. Le pays se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. A cause de sa situation septentrionale, le pays est confronté à des évènements météorologiques extrêmes de plus en plus intenses et fréquents.

« Les régions continentales se réchauffent plus vite que la moyenne globale et, plus on va vers l’Arctique, plus le réchauffement augmente par rapport aux régions tropicales », explique Françoise Vimeux. En faisant monter le thermomètre, le changement climatique accentue la sécheresse de la flore et des sols. Et « dans certaines régions, il vient raréfier les pluies, exacerbant le risque d’incendies », souligne la climatologue.

Connu pour ses décors de carte postale, où l’été indien roussi les forêts de pins, donnant aux paysages des reflets mordorés, le Canada pourrait bientôt accueillir les touristes dans des forêts carbonisées.