Inondations à Lyon : « La végétalisation est la méthode la plus efficace pour faire face à la forte pluie »
RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE « 20 Minutes » a interrogé plusieurs spécialistes pour comprendre pourquoi certaines zones très localisées, notamment à Lyon, ont été inondées ce week-end
- Ce week-end, plus de 83 mm de pluie sont tombées dans la région lyonnaise en moins d’une heure et demie. Un phénomène rare et intense qui a entraîné des inondations localisées, notamment dans des stations de métro.
- Ces épisodes sont liés au réchauffement climatique. S’ils sont difficilement prévisibles, les villes peuvent « se préparer » pour éviter de nombreux dégâts.
- Pour des urbanistes interrogées par 20 Minutes, les villes doivent être réaménagées « dès maintenant » en incluant ces phénomènes à risque. « On n’a plus le temps d’attendre, il faut être dans l’anticipation et non pas dans la réparation », lance Amandine Richaud-Crambes, experte technique et scientifique environnement et urbanisme durable.
Samedi soir, 83 mm de pluie sont tombés en moins d’une heure et demie à Lyon et sa métropole. Un orage « exceptionnel » et « très localisé », selon Lyon Météo, qui a entraîné des inondations dans certaines rues et stations de métro. Selon le maire de Francheville Michel Rantonnet, dont la commune a également été touchée, interrogé sur BFM, les canalisations ne sont pas « adaptées au dérèglement climatique en cas de fortes pluies ». Alors, est-ce que les dégâts auraient pu être évités ? Que peuvent faire les villes comme Lyon pour appréhender ces événements ?
Pour répondre à ces questions, 20 Minutes a interrogé plusieurs spécialistes. À commencer par le directeur du cycle de l’eau de la métropole. « Ce n’est pas une question de tuyaux. Il y a eu tellement d’eau d’un seul coup que même s’ils avaient été énormes, on n’aurait pas réussi à réaliser les écoulements nécessaires », affirme Pierre Commenville, expliquant que cet événement « rare » est de l’ordre d’un phénomène qui ne survient « qu’une fois tous les cent ans ». « Nous n’aurions pas pu prévoir, ajoute-t-il. La zone était en vigilance jaune comme ça a été le cas cinq fois depuis le début de l’année. »
Un événement lié au réchauffement climatique
Ce phénomène météorologique est directement lié « au réchauffement climatique, qui provoque des événements plus forts », affirme Amandine Richaud-Crambes, experte technique et scientifique environnement et urbanisme durable. « Avec l’urbanisation, l’artificialisation et l’imperméabilisation des sols, notamment par le goudronnage des espaces publics, l’eau de pluie ne peut plus s’écouler. Comme les sols ne sont pas perméables, ils empêchent l’eau de s’infiltrer et elle ruisselle jusqu’à arriver dans les métros et déborder des réseaux de récupération d’eau. »
Au caractère exceptionnel du phénomène s’ajoutent effectivement des problèmes techniques. Le directeur du cycle de l’eau appuie : « Si on veut que les réseaux fonctionnent bien et que l’eau puisse circuler, tout le monde doit jouer le jeu et penser à ce qu’on jette. Les fleuves commencent à nos bouches d’égouts. » En résumé, comme l’explique Bérénice Journet, urbaniste lyonnaise, les réseaux de récupération de pluie nécessitent un entretien permanent pour éviter les amas de déchets qui peuvent boucher les grilles d’évacuation. « Avec un très fort courant d’eau de pluie, ces détritus sont amenés vers ces grilles et provoquent des bouchons », lance-t-elle.
Les canalisations n’avaient pas non plus « un dimensionnement suffisant d’absorption », confirme Amandine Richaud-Crambes. Mais l’ingénieure précise que c’est le cas pour toutes les villes et qu’il est « dur de bien les dimensionner ». D’autant plus que la région n’est pas habituée à ce genre d’épisodes, contrairement aux villes méditerranéennes. « À l’origine, les réseaux de récupération d’eau sont adaptés à des pluies régulières, pas à des fortes pluies comme celles qui sont tombées ce week-end », souligne l’urbaniste lyonnaise.
« Il faut rendre les villes plus respirables »
En clair, pour les urbanistes, il faut s’adapter le plus rapidement possible. « Ce sont des erreurs des cinquante dernières années qui nous ont menées là, où la modernité n’a plus réfléchi aux fonctionnements de la nature, comme celui du cycle de l’eau. On pensait que la nature pouvait être domptée. On voit bien que ce n’est pas le cas », lance l’experte technique et scientifique.
Avant d’ajouter : « Dans le futur, il y a un risque que ces événements augmentent en intensité et en fréquence. Que ça change ou non, il faut dans tous les cas, réaménager les villes et les rendre plus respirables. Il ne s’agit pas que de pollution. Il s’agit rendre à la nature cette possibilité de respirer, d’infiltrer l’eau. Il y a donc des pratiques nécessaires à changer. » Pour elle, ces changements doivent être réalisés « dès maintenant ». « Ça fait des années qu’on alerte sur le caractère urgent d’agir. On n’a plus le temps d’attendre, il faut être dans l’anticipation et non pas dans la réparation, argue-t-elle. Les actions de prévention coûteront toujours moins chères qu’un seul événement à risque. Arrêtons de réagir quand le mal est fait. »
Après les événements du week-end, le président de la métropole, Bruno Bernard a annoncé augmenter le niveau de protection des inondations à travers le système d’endiguement.
Débétoniser, enlever le bitume et végétaliser
Petits fossés végétalisés (noues) au bord des aménagements, planter des arbres, créer des jardins de pluie, revêtements perméables pour les voies cyclables… Les urbanistes imaginent des techniques depuis des années.
« La végétalisation est la méthode la plus efficace pour faire face à la forte pluie. Elle permet une meilleure infiltration des eaux et ainsi éviter les glissements de sols et les inondations, mais aussi de les conserver pour les épisodes de chaleur, et ainsi rafraîchir l’environnement urbain », affirme Bérénice Journet. En résumé, elle permet d’être à la ville d’être une éponge, image Pierre Commenville.
Amandine Richaud-Crambes conclut : « Sans oublier de débétoniser pour faire des espaces verts, enlever le bitume dès qu’on peut mais aussi arrêter de construire sans penser à la préservation des systèmes. »