Pesticides : Trois questions sur le S-métolachlore qui va bientôt être interdit
POLLUTION L’Agence nationale de sécurité sanitaire vient d’engager une procédure de retrait du marché de cet herbicide, accusé de polluer les eaux souterraines
- L’agence nationale de sécurité sanitaire vient d’engager une procédure pour interdire le S-métolachlore.
- Cet herbicide largement utilisé dans le monde agricole est à l’origine d’une pollution massive des eaux souterraines.
- Des taux de concentration de ses métabolites dépassant les normes européennes autorisées ont été fréquemment relevés dans l’eau du robinet.
La décision est rare et saluée par les associations environnementales. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a annoncé ce mercredi qu’elle comptait interdire l’usage des produits phytopharmaceutiques à base du S-métolachlore. Très utilisé pour la culture de maïs, de tournesol ou de soja, cet herbicide est accusé de polluer les nappes phréatiques. Des récents contrôles menés ont en effet démontré que les métabolites de cette substance contaminaient fréquemment l’eau du robinet avec des concentrations « dépassant les normes de qualité fixée par la législation européenne », souligne l’Agence, qui vient d’engager une procédure de retrait du marché du S-métolachlore. Pour tout comprendre à cette décision, 20 Minutes fait le point.
C’est quoi exactement le S-métolachlore ?
Moins connu que le glyphosate, le S-métolachlore est pourtant très largement utilisé dans le monde agricole. Avec 1.946 tonnes écoulées par an, c’est d’ailleurs le troisième herbicide le plus utilisé en France. Autorisé depuis 2005, le produit est commercialisé par Syngenta, l’un des géants du secteur de l’agrochimie installé en Suisse. Il est principalement utilisé pour la culture de maïs mais aussi pour celle du tournesol, du soja ou encore de la betterave.
Pourquoi l’Anses veut l’interdire ?
Très répandu, cet herbicide agricole est responsable d’une pollution massive des nappes phréatiques françaises. Une fois le champ pulvérisé, le produit se dégrade en métabolites qui migrent vers les milieux, venant polluer durablement les sols ainsi que les eaux de surface et les eaux souterraines. Des contrôles de l’eau du robinet ont ainsi prouvé la présence fréquente de ces métabolites « à des concentrations dépassant les normes de qualité fixée par la législation européenne », souligne l’Anses.
« Pour préserver la qualité des eaux souterraines », l’agence réclame donc l’interdiction de cet herbicide. Mais cela ne se fera pas tout de suite car un « délai de grâce » devrait être ouvert permettant la vente du S-métolachlore pendent encore six mois et son utilisation pendant un an. En 2021, après un premier rapport non satisfaisant, l’Anses avait déjà introduit « des mesures de restriction dans les autorisations de mise sur le marché des produits à base de S-métolachlore, en particulier une réduction des doses maximales d’emploi pour le maïs, le tournesol, le soja et le sorgho. »
Quelles sont les réactions à cette décision ?
Du côté des associations environnementales, on crie bien sûr victoire. « Notre association a enfin été entendue dans son combat contre le S-métolachlore, un pesticide qui a contaminé nos campagnes, » se félicite Dominique Le Goux, chargée de mission santé et environnement à Eau et Rivières de Bretagne. Depuis près de deux ans, l’association bataillait pour réclamer l’interdiction de ce pesticide. Non sans mal puisque ses demandes adressées au préfet de région ainsi qu’aux ministres de l’Agriculture, de la Santé et de la Transition écologique étaient à chaque fois restés sans réponse. « C’est un signal positif et une mesure qui va dans le bon sens », ajoute Arnaud Clugery, porte-parole de l’association bretonne, qui se montre toutefois prudent. « Le S-métolachlore va encore être épandu cette année, indique-t-il. Et à chaque fois que des molécules sont interdites, d’autres produits arrivent sur le marché avec les mêmes conséquences. »
Dans le monde agricole, les réactions se font pour l’heure attendre. Contacté par Reuters, l’office agricole FranceAgriMer a ainsi jugé qu’il était prématuré de se prononcer sur l’impact de cette décision sur la production céréalière. L’un de ses membres, chargé des grandes cultures, a également déclaré qu’il n’existait pour l’heure aucun traitement alternatif au S-métolachlore.