« J’ai des sensations de panique », « Je ne sais pas si j’aurai des enfants »… Ces ados qui souffrent d’éco-anxiété
TEMOIGNAGES Pour certains jeunes lecteurs de « 20 Minutes », les questions environnementales sont devenues une obsession au quotidien
- Certains adolescents s’inquiètent de l’avenir de la planète, fustigeant le manque d’action des pouvoirs publics en matière d’écologie. Et ce souci constant les hante au quotidien.
- Cette crainte pour l’environnement a aussi des répercussions sur la manière dont ils imaginent leur vie future. Certains ne veulent pas avoir d’enfant et s’interrogent sur l’utilité de faire des études.
- Leur conscience écologique les pousse à changer leurs habitudes quotidiennes, ce qui permet à certains de calmer leurs angoisses.
Leurs copains portent aux nues Kylian Mbappé, Billie Eilish ou Angèle. Mais ces adolescents ne jurent que par Greta Thunberg. Comme la militante écologique, ils se préoccupent de l’avenir de la planète, fustigent le manque d’action des pouvoirs publics en matière d’écologie, et ce souci constant vire parfois à l’obsession. Un intérêt qui s’est parfois manifesté de manière très précoce, comme pour Nicolas : « J’ai 16 ans et je me sens concerné par la question climatique depuis le CM2. Lorsque j’ai entendu parler de réchauffement, je me suis informé sur les désastres qu’il provoquait et cela m’a choqué ».
Comme lui, beaucoup ont développé une sensibilité pour l’écologie en découvrant les catastrophes climatiques. « L’affaire de l’eau contaminée par les rejets des centrales nucléaires qui a touché ma commune, ainsi que les fortes canicules de l’été 2019, m’ont marqué. Ce n’est qu’un avant-goût de ce qui se passera en 2040 ou en 2050 », déclare ainsi Briac, 17 ans. Pour Léa, 18 ans, le déclic a aussi eu lieu en regardant les infos : « J’ai commencé à m’inquiéter encore plus quand la forêt amazonienne a pris feu. Tous les jours, je stresse pour tout : le plastique dans les océans, les abattoirs, le réchauffement climatique, la pauvreté… ».
« Je n’ai pas envie que les enfants vivent avec des masques pour respirer »
Une conscience écologique forte qui finit par les faire souffrir lorsqu’elle se mue en éco-anxiété. « J’ai parfois des sensations de panique », témoigne Auréanne, 17 ans. « C’est une peur continue, souvent juste avant de dormir, et qui me tient parfois éveillé toute la nuit », confie Théo. Nathan ressent aussi ce malaise : « C’est en pensant aux espèces animales en danger que le stress vient ». Un sentiment d’impuissance les étreint aussi, à l’instar de Cyprien : « On se sent telle une goutte d’eau dans l’océan : que représente mon action quand des millions d’autres ne s’en préoccupent aucunement ? ». Et la crise du Covid-19 a encore ravivé leur conscience : « Depuis la crise sanitaire, c’est comme une double peine. Non seulement on n’arrive pas à résoudre la crise écologique, mais en plus on a attrapé (sans mauvais jeux de mots) une crise sanitaire. La nature nous jette en pleine face notre punition », lance Catherine.
Et certains croient mordicus à la théorie de l’effondrement, selon laquelle le réchauffement climatique va produire, à moyen terme, des effets dominos (crise de la société industrielle, mise en péril de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles, famine, conflits…) « J’ai peur que les ressources naturelles viennent à manquer et que nous nous battions pour nous nourrir », exprime Auréanne. « Je n’ai pas envie que les enfants vivent avec des masques pour respirer parce qu’il n’y aura plus d’arbre pour aspirer le CO2 », s’inquiète aussi Evann, 14 ans. Des inquiétudes qui génèrent des tonnes de questions chez Thomas, 17 ans : « Est-ce que je pourrais vivre sans avoir à payer l’eau une fortune et me nourrir à prix convenable ? », interroge-t-il. Chloé, 20 ans, est encore plus pessimiste : « Je me persuade qu’en 2050, tout sera terminé ». Théo, lui, essaye de voir le verre à moitié plein : « J’espère que l’effondrement n’arrivera pas trop tard, que je puisse essayer de reconstruire le monde d’après », espère-t-il.
« Je ne sais pas du tout si j’aurai des enfants »
Cette crainte a des répercussions sur la manière dont certains imaginent leur vie future. « J’ai perdu confiance en l’avenir, et donc en moi », déclare Jean. Difficile aussi pour Ambroisine de se projeter : « Travailler et étudier n’a plus aucune espèce de sens. C’est comme continuer à être aveugle, à emprunter le même chemin », déclare-t-elle. Même remise en question pour Nathan : « Je me demande si ça vaut vraiment la peine de faire des études et d’essayer d’avoir un travail alors que je risque de mourir d’une quelconque manière dans un futur plus ou moins proche », se désespère-t-il. L’angoisse d’une mort précoce taraude aussi Auréanne : « Vais-je mourir à 50 ans d’un cancer à cause de la pollution et des pesticides ? », interroge-t-elle, avant de poursuivre : « Je ne sais pas du tout si j’aurai des enfants. Je ne veux pas qu’ils m’en veuillent de les avoir mis au monde ».
L’éco-anxiété les conduit même à changer leurs projets : « Ça remet en cause mon ambition d’être actrice. Car ce métier implique beaucoup de voyages », confie Auréanne. « Je veux me lancer dans la politique pour être plus à même de protéger l’avenir de notre génération et de celles futures », déclare de son côté Marine. En attendant, beaucoup s’engagent, à l’instar de Briac : « J’ai la chance d’avoir été élu au conseil de la vie lycéenne et je peux proposer des projets comme la généralisation des poubelles de tri, l’installation de ruches… Ce sentiment de faire quelque chose m’aide », affirme-t-il. Tout comme Nicolas : « J’ai participé à toutes les mobilisations mondiales, j’ai fondé avec des amis un collectif et nous organisons des clean walks », indique-t-il.
« Je m’empêche de boire de l’eau provenant de bouteilles plastiques »
Ce besoin d’action se manifeste aussi auprès des proches : « Voyant que ma famille ne faisait absolument aucun effort, je l’ai convaincue de faire plus attention », confie Gaël, 17 ans. Beaucoup d’adolescents ont en effet adapté leurs comportements en accord avec leurs idéaux : « J’essaye d’user les affaires le plus possible et de ne pas m’acheter le dernier vêtement à la mode. Je fais attention à ma consommation d’eau, d’électricité, de viande », indique Auréanne. Idem pour son frère, Evann : « Je ne mange plus de Nutella, je modère mes demandes de cadeaux à Noël et je donne les choses dont je ne me sers plus à la Ressourcerie ».
Lilly, 16 ans, a de son côté changé sa manière de s’alimenter : « Je suis devenue végétarienne, je ne consomme plus de fruit ou d’aliment qui ne soit pas local ». Nicolas applique aussi ses principes à la lettre : « Je m’empêche de boire de l’eau provenant de bouteilles plastiques et réduis au maximum les déchets. Tous mes déplacements se font à vélo ou en transport en commun. Le but est d’atteindre l’empreinte carbone la plus faible possible ». Idem pour Salomé : « Je n’achète plus de vêtements neufs, je ne jette pas les restes, je ne prends pas de bain ni de douche longue. Je ne consomme que du bio, je nourris les oiseaux, je donne aux associations, je recycle… ». Pour elle, comme pour Antoine, agir est une forme de thérapie : « Je sais qu’en agissant ainsi, il y a un impact positif », analyse-t-il.