Strasbourg : Une brasserie artisanale investit pour laver elle-même et réutiliser ses bouteilles de bière

DECHETS En Alsace où deux grands acteurs industriels misent toujours sur la consigne, une petite brasserie veut aussi laver et réutiliser ses bouteilles en verre par elle-même. Pour « la planète ». Mais pas sans galères

Bruno Poussard
Née en 2015, la petite brasserie artisanale alsacienne La Narcose, passionnée d'expérimentations, a déjà commercialisé une douzaine de bières, toujours localement.
Née en 2015, la petite brasserie artisanale alsacienne La Narcose, passionnée d'expérimentations, a déjà commercialisé une douzaine de bières, toujours localement. — B. Poussard / 20 Minutes.
  • Impliquée dans le domaine environnemental, la brasserie artisanale alsacienne La Narcose a bossé sur un système de lavage de bouteilles pour les réutiliser.
  • Basé à Scharrachbergheim (Bas-Rhin), le couple de brasseurs ne veut toutefois pas contraindre ses clients avec une consigne mais mise sur leur volonté.
  • Pour eux, la démarche ne sera pas financièrement rentable vis-à-vis du temps de travail supplémentaire, mais à leurs yeux, l’avenir de « la planète » compte.

« Nous recyclons les bouteilles ! Merci de les laver deux fois avant de les ranger. » Depuis de longs mois, ces mots se sont invités sur les étiquettes de La Narcose. Au cœur du bourg de Scharrachbergheim (Bas-Rhin), un couple de brasseurs veut réutiliser ses bouteilles en verre. Le nouveau système de lavage de ce pompier et de cette ex-aide-soignante n’attend plus que les dernières pièces pour être lancé.

« Ça nous dérangeait de jeter les bouteilles à la benne, justifie Olivier Bernard, 35 ans. Et puis des clients nous demandaient si on les récupérait. » Avec sa compagne Agathe Blaise, leurs convictions écolos ont fait le reste. Née en 2015 et passée de brassins de 100 à 500 litres, la brasserie artisanale (membre de l'association Nature et progrès) s’est toujours engagée. « La planète est dans la m… », souffle la maman de 30 ans.

Les bières de la brasserie La Narcose comportent une petite phrase sur leur étiquette pour encourager ses clients à ramener leurs bouteilles pour les réutiliser.
Les bières de la brasserie La Narcose comportent une petite phrase sur leur étiquette pour encourager ses clients à ramener leurs bouteilles pour les réutiliser. - B. Poussard / 20 Minutes.

Une jeune et petit brasserie à la démarche environnementale

Devenus brasseurs professionnels « un peu par hasard » et « pour des raisons familiales » après un stage au départ suivi pour le plaisir, les Alsaciens apprécient avant tout de « faire par (eux)-mêmes » et le « côté artisanal » de leur activité nouvelle. Leurs expérimentations les ont amenés à vendre plusieurs types de bières, aux plantes, entre autres. Mais sans jamais oublier l’impact de leur activité sur l’environnement.

Olivier Bernard, 35 ans, et Agathe Blaise, 30 ans, se sont lancés ensemble dans l'aventure de la brasserie artisanale La Narcose en Alsace.
Olivier Bernard, 35 ans, et Agathe Blaise, 30 ans, se sont lancés ensemble dans l'aventure de la brasserie artisanale La Narcose en Alsace. - B. Poussard / 20 Minutes.

Outre les matières premières bios, la vente locale, les économies d’eau, leur réflexion s’est aussi portée sur la limitation des déchets. Bouteilles (certes recyclées mais donc détruites après une seule utilisation), en tête. D’autant qu’à quelques dizaines de kilomètres de là, en Alsace, la bière Météor et l’eau Carola disposent d’un système de consignes et de lavage efficace. Ce que le gouvernement aimerait remettre à la mode.

Sauf que pour un petit acteur loin de ces industriels, tout est loin d’être facile. D’abord, La Narcose a donc cherché un acteur spécialisé dans le nettoyage. Comme Distro, association bretonne de producteurs de bière, cidre, vin et jus de fruits. Le similaire Bout' à bout autour de Nantes. Ou la toute jeune société La Bouteille Lorraine dans les Vosges. Mais pour l’heure, il n’y en a (plus) aucun en Alsace. Agathe Blaise regrette :

« Le lavage s’est perdu, et une génération est même passée à l’as dans cette technologie. »

 

La brasserie artisanale La Narcose est situé au cœur du petit village de Scharrachbergheim (Bas-Rhin).
La brasserie artisanale La Narcose est situé au cœur du petit village de Scharrachbergheim (Bas-Rhin). - B. Poussard / 20 Minutes.

Pas de contrainte avec une consigne mais un pari sur la bonne volonté

« Les transporter loin pour les laver n’aurait plus rien d’écolo, estime Olivier Bernard. Alors on s’est dit que si on veut que ça se fasse, il faut le faire nous-mêmes. » Sans contraindre leurs clients (particuliers ou revendeurs locaux) par une consigne, mais en misant plutôt sur leur volonté. Tout en récupérant des bouteilles (déjà rincées pour faciliter le nettoyage), ils ont carrément imaginé une machine à leur échelle.


Spécialement conçu à l’aide de plusieurs petites entreprises du coin, il s’agit d’un socle doté de tiges visant à recevoir 12 bouteilles (de 33 ou 75 cl) aux goulots fins, et alimenté par une pompe. Seules les buses restent à installer sur les tiges. Mais elles viennent d’être postées. « Manuel » et « rustique », ce prototype a néanmoins coûté entre 3 et 4.000 euros, qu’ils ont en partie financés par un crowdfunding.

Le petit système de lavage conçu spécialement pour la brasserie La Narcose fonctionne manuellement grâce à une pompe à eau.
Le petit système de lavage conçu spécialement pour la brasserie La Narcose fonctionne manuellement grâce à une pompe à eau. - B. Poussard / 20 Minutes.

« On voulait que les gens puissent mettre leur pierre à l’édifice, explique Olivier Bernard. On ne fait pas ça pour nous mais pour la planète. » Vis-à-vis d'un coût à l’achat de 14-15 centimes pour une petite bouteille neuve et de 37-38 centimes pour une grande dans leur cas, la démarche ne leur sera pas rentable, vis-à-vis du temps de travail supplémentaire. « Mais ce sera plus rentable écologiquement », conclut Agathe Blaise.