Ces aquariums s’échangent leur poisson-scie dans l’espoir qu’ils fassent des petits
Voyage Voyage Une femelle de plus de trois mètres va quitter Océanopolis à Brest pour rejoindre Montpellier et rencontre un mâle
- Une femelle poisson-scie va quitter l’aquarium Océanopolis de Brest pour rejoindre un mâle établi à Montpellier.
- Un mâle quittera quant à lui Montpellier pour aller à Valence afin de former un couple dans l’espoir de procréer.
- Victimes collatérales de la pêche ces espèces sont en danger d’extinction et sont particulièrement protégées.
Si les poissons-scies avaient Tinder, il en serait certainement autrement... Mais à défaut de pouvoir utiliser une appli de rencontres, il y a d'autres moyens d'encourager la reproduction de poissons. Avec seulement quatre spécimens en vie dans des aquariums français et espagnols, l’espèce Pristis pristis est progressivement vouée à disparaître des bassins artificiels. Protégée car en voie d’extinction, la plus grande espèce de poisson-scie du monde ne peut plus être pêchée pour être introduite en captivité. A Brest, Montpellier et Valence (Espagne), les trois aquariums qui ont la chance d’en posséder ont donc décidé de se « prêter » leurs animaux dans l’espoir de voir des bébés arriver. Car si l’espèce n’est pas très courante en Europe, elle profite d’un petit coup de bol : elle est constituée de deux mâles et de deux femelles. Vous devinez la suite.
Un convoi vraiment exceptionnel. En octobre, le centre Océanopolis de Brest va voir partir un imposant camion aquarium dans lequel nagera l’un de ses plus célèbres représentants. Longue d’environ 3,10 mètres, cette femelle poisson-scie vit à Brest depuis 2001 où elle est progressivement devenue le plus grand spécimen du centre de culture scientifique. Avec son joli rostre dentelé, cette raie a ébloui des centaines de milliers de visiteurs depuis plus d’une vingtaine d’années. Mais elle va bientôt partir avec la lourde tâche de participer à la sauvegarde de son espèce. En octobre, elle rejoindra Planet Ocean Montpellier où l’attend un mâle un poil plus jeune qu’elle.
« C’est quelque chose qui n’a jamais été fait »
L’aquarium de l’Hérault, qui possède deux mâles, enverra quant à lui son deuxième spécimen à Valence, où une femelle poisson-scie l’attend avec le même objectif : que les deux nouveaux couples parviennent à se reproduire. « C’est quelque chose qui n’a jamais été fait en captivité donc on ne sait pas si cela va marcher. On en espère beaucoup, mais il est possible qu’il ne se passe jamais rien », prévient Dominique Barthélémy.
Avant de faire voyager son grand poisson, le conservateur en charge du milieu vivant à Océanopolis a commencé à l’habituer à la présence humaine et au changement. « Depuis plusieurs mois, on l’approche plus régulièrement. On a ouvert un deuxième bassin dans lequel on la fait venir manger. On veut la préparer, pour qu’elle ne se sente pas stressée ou en danger le jour du départ ». Ce n’est pas la première fois qu’un tel transfert est réalisé. Océanopolis peut notamment s’appuyer sur le voyage d’un poisson-scie transporté sans encombre de Göteborg (Suède) à Valence (Espagne). « Ce n’est pas sans risque mais nous sommes préparés à toutes les éventualités », assure Nicolas Hirel. Le conservateur de Planet Océan Montpellier est impatient d’accueillir la femelle, mais il doit aussi se préparer à se séparer d’un des deux mâles qu’il héberge depuis 2007 et l’ouverture de l’aquarium. « Ils étaient arrivés d’Australie un 31 décembre. Le lendemain, leur transport était interdit. Ce sont les derniers poissons-scies à avoir transité de manière légale », se souvient le conservateur.
« Un jour, on s’est dit : et si on les mariait ? »
D’ici quelques semaines, il ouvrira son bassin à la femelle, après une courte période d’observation. Après trente années à exercer, le conservateur aussi nourrit d’importants espoirs. « Cela fait des années que l’on réfléchit à la possibilité de les rapprocher. Un jour, on s’est dit : et si on les mariait ? Ce n’est pas une petite opération mais elle nous permet d’augmenter singulièrement les chances d’accouplement ».
La question de l’insémination artificielle a été assez rapidement évacuée, faute de connaissances solides sur le cycle de reproduction de ces animaux qu’il est difficile d’observer sur la longueur en milieu naturel. Inscrit à l’annexe 1 de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), le poisson-scie a vu ses populations être décimées par la surpêche. Sur les trente dernières années, on estime que 80 à 95 % des individus ont disparu. En réussissant à voir naître puis à élever ces grandes raies, les aquariums français et espagnols réussiraient un véritable exploit. « En tant qu’aquarium public, c’est notre mission de participer à la conservation de ces espèces en danger. La captivité permet aussi de mieux les connaître », rappelle Dominique Barthélémy. Reste à savoir si les deux couples vont matcher.