La vie presque tranquille d'habitants de Soma à 45 km de Fukushima

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Japonais, ils vivent à Soma, à une quarantaine de kilomètres de la centrale nucléaire accidentée Fukushima Daiichi, mais préfèrent adapter leur vie quotidienne à la radioactivité ambiante que de déménager.

Enfants galopant derrière leurs parents, adolescents faisant les imbéciles à vélo, lycéennes en plein lèche-vitrine, pères de famille désoeuvrés, les allées et venues sont incessantes aux abords d'un hypermarché de cette ville située sur la côte Pacifique, au nord des six réacteurs du complexe atomique.

En ce début septembre encore chaud, les habitants de Soma se promènent en tenue estivale, polo à manches courtes, bermuda ou mini-jupe, sans masque et sans presser le pas.

Leur ville, à 45 km de la centrale, n'est pas dans la zone interdite des 20 kilomètres autour du site, ni sur la liste des autres localités plus distantes soumises à évacuation à cause de radiations trop fortes, ni dans la bande de 20 à 30 kilomètres où pourrait être décidé un départ précipité de la population en cas d'urgence.

De ce fait, et malgré les importants rejets radioactifs dus à l'endommagement de plusieurs réacteurs de Fukushima Daiichi à la suite du séisme et du tsunami dévastateur du 11 mars, beaucoup ne se sentent pas en danger.

"Depuis l'accident nous ne buvons plus l'eau du robinet, nous faisons attention à la provenance des fruits et légumes que nous mangeons, mais à part cela, notre vie est redevenue normale", témoigne anonymement une habitante, accompagnée de son plus jeune fils.

"Certes nous ne sommes pas totalement tranquillisés, mais nous ne voulons pas nous miner l'existence", justifie-t-elle tout en disant ne faire qu'à moitié confiance aux informations plutôt rassurantes du gouvernement.

Et de préciser: "je ne sais pas trop comment juger, d'autant que les experts sont aussi divisés. J'essaie de faire la part des choses en prenant quelques précautions".

Cette mère de famille d'une quarantaine d'années avoue avoir songé à déménager dans la préfecture de Saitama, limitrophe de celle de Tokyo, où réside son plus grand fils, mais sa fille de 16 ans s'y est opposée, de peur de perdre ses amis.

"Nous redoutons aussi les discriminations envers les personnes qui viennent des environs de la centrale", confie-t-elle.

Le jeune Ketsuke Kikuchi, 14 ans, lui, "adore sa ville et ses potes" et ne s'imagine pas une seconde partir ailleurs.

"Dans le premier mois qui a suivi le séisme et l'accident, beaucoup de magasins étaient fermés, les distributeurs de boissons plus approvisionnés, c'était triste, mais désormais tout est redevenu normal", se réjouit-il.

"Au collège, le revêtement de la cour a été changé à cause des dépôts radioactifs, mais sinon, rien n'est vraiment différent d'avant. On se gorge même d'eau du robinet. Aucun problème", se vante l'adolescent, sous le regard approbateur de ses quatre copains.

"Plusieurs élèves sont partis, mais nous, on reste !", promet-il, même s'il ne croît pas à ce que raconte le gouvernement japonais.

Tout sourire, Yukie Abe, 18 ans, a elle aussi retrouvé ses habitudes: "je fais juste plus de vélo à cause de la fermeture de gares et lignes de train détruites par le séisme et le tsunami", nuance-t-elle.

"Pour la nourriture, je suis un peu inquiète, mais je ne vais pas jusqu'à en vérifier systématiquement la provenance. En revanche, je ne bois pas l'eau du robinet", reconnaît-elle.

"A l'avenir, je préférerais certes habiter loin de cette centrale nucléaire, par sécurité, mais quitter la région n'est pas forcément très simple. Alors je m'adapte".

Le salarié quadragénaire Yoshikawa, lui, a du mal. "Depuis le 11 mars ? Mais tout a changé !", soupire-t-il. "J'ai plein de problèmes, mon travail est totalement bouleversé. Mon employeur, une société d'assurance-vie, n'a pas mis la clef sous la porte mais a décidé de ne reprendre que lorsque l'accident à la centrale sera résolu", explique-t-il.

"Partir ? Je ne peux pas. J'ai un fils en bas âge et mes parents vivent avec nous depuis que leur maison a été entièrement détruite par le séisme".

Quant aux soucis de radioactivité, "c'est compliqué, alors je me contente des informations des journaux", tandis qu'un autre père de famille, M. Funayama, lui, assure "croire sincèrement ce que disent les autorités".