Les attaques de loup désemparent les bergers

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Perché sur les montagnes surplombant Grenoble, le troupeau d'Yves Vignon a subi en un mois 4 attaques de loups, dévorant 17 brebis. Désemparé, le berger n'a que peu de moyens de défense face à ce prédateur furtif dont le territoire s'étend chaque année un peu plus.

«Je suis arrivé le 24 juin, et le 2 juillet j'étais attaqué», raconte Yves, attablé à quelques mètres de son chalet, au sommet d'une montagne du Grésivaudan dominant la cuvette grenobloise.

Voilà 6 ans que le berger drômois de 62 ans amène ses 900 brebis paître à 2.000 m d'altitude sur les pentes herbeuses et embrumées de la commune de Sainte-Agnès, en Isère. «L'été dans la Drôme, c'est tout rôti, il n'y a rien à manger pour les bêtes», explique-t-il.

Sauf que cette année, Yves doit vivre avec la menace du loup. Sur le chemin de randonnée montant à l'alpage, un cadavre de brebis ensanglanté dégage une odeur pestilentielle, témoignage de la dernière attaque du prédateur.

Loup protégé

Sur l'ensemble de l'Hexagone, le loup a fait 1.329 victimes au 22 juillet, essentiellement des moutons, selon le ministère de l'Agriculture.

«Tous les matins, quand je me lève, je me demande ce que je vais trouver sur le lieu où les brebis ont passé la nuit», raconte Yves. «Je ne suis pas là pour nourrir cet animal», proteste-t-il.

Face à un loup furtif et protégé par la Convention de Berne de 1979, le berger est démuni. Les services de l'Etat lui ont suggéré d'installer des filets électrifiés autour du cheptel. Mais la solution lui semble impraticable dans cet alpage aux zones de pâturage dispersées et au sol trop rocailleux pour y planter des piquets.

«Je crois que je vais commencer avec des patous», un chien de montagne des Pyrénées réputé pour sa capacité à protéger un troupeau, dit-il. Mais cela ne sera pas possible avant l'été 2013, le temps que le patou s'habitue aux brebis de Yves  Vignon.

«Et puis le problème du patou, c'est qu'on est dans une zone touristique», pointe-t-il. Très protecteurs, ces chiens peuvent parfois mordre les randonneurs passant à proximité du troupeau.

Indemnisation des bergers

«Cela peut compromettre mon commerce», s'inquiète Lisa, qui tient le refuge Jean Collet, à quelques centaines de mètres au-dessus des brebis d'Yves Vignon.

Quant à quitter Sainte-Agnès pour un autre alpage, ce serait comme «quitter la gueule d'un loup pour se mettre dans la gueule d'un autre loup», lâche le berger.

Depuis sa réapparition en 1992 dans le parc du Mercantour (Alpes-Maritime), le loup n'a cessé d'étendre son territoire, atteignant la Savoie en 1997, les Pyrénées en 2006 et les Vosges et le Doubs en 2011.

La population de loups était estimée à 164 membres en 2010 par l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage.

Cohabitation difficile

A partir d'observations américaines, «on commence même à se poser des questions sur l'existence de loups +sans gêne+», qui n'ont plus peur de l'homme «vu que l'homme de ne leur fait rien», note Pascal Grosjean, référent National Pastoralisme et Loup pour le ministère de l'Agriculture. Dans les Hautes-Alpes en novembre 2010, des loups ont ainsi attaqué en pleine journée et par beau temps un troupeau défendu par deux bergers et cinq chiens.

Yves Vignon n'en reste pas moins philosophe. Les crocs du loup ne l'empêchent pas de dormir et «plus on est attaqué, plus on gagne des sous», plaisante-t-il, en référence aux indemnités versées par l'Etat après chaque attaque.

Le montant des indemnités dues aux éleveurs français s'élevait à plus de 364.000 euros au 22 juillet. Une cagnotte que le berger préférerait ne pas toucher, si on le débarrassait du loup: «Sarko dit qu'il veut faire des économies, il faudrait peut-être commencer par ça».