Tour d'Europe des réserves de gaz de schiste

ENERGIE Quel avenir pour les gaz de schiste en Europe? Si ça coince en France, de nombreux pays européens se sont lancés dans la course au nouvel «or blanc», souvent dans la plus grande discrétion. Zoom sur la Suède et la Pologne, deux pays à fort potentiel…

Mathilde Goanec
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Un puits d'exploitation de gaz de schiste, dans le Colorado, aux Etats-Unis.
Un puits d'exploitation de gaz de schiste, dans le Colorado, aux Etats-Unis. — D.ZALUBOWSKI/AP/SIPA

Il était censé révolutionner notre approvisionnement en gaz naturel... En France, Le gaz de schiste a surtout pour le moment suscité la polémique, entre les partisans de cette nouvelle ressource énergétique et ses détracteurs, inquiets de son impact sur l'environnement. Mi-avril des milliers de personnes ont à nouveau défilé dans toute la France pour protester contre l’exploration de gisements. En réponse le Premier ministre François Fillon a annoncé l'annulation des permis déjà accordés, tout en laissant la porte ouverte à une exploitation future des gisements, avec d'autres techniques moins polluantes. L'examen d'une proposition de loi sur la question, selon la procédure d'urgence, est prévu le 10 mai.

Mais la France est loin d'être le seul pays concerné par le sujet. Selon certains experts, les réserves mondiales en gaz de schiste seraient quatre fois plus importantes que les ressources en gaz conventionnel. Aux États-Unis, le gaz de schiste représente aujourd'hui 12% de la production locale de gaz contre seulement 1% en 2000. Et pour l'IHS-CERA, un institut d'analyse sur les énergies, proche des milieux industriels, le vieux continent pourrait bien renfermer le même potentiel

La Pologne, futur "Qatar" de l'Europe?

En Allemagne et au Royaume-Uni, des plans d'extractions sont examinés, et l'opinion publique n'est pas encore mobilisée sur ces questions. En Autriche, en Hongrie, en Pologne, les forages pour détecter le niveau des ressources ont d'ores et déjà commencé, sans que cela n'émeuve plus que cela la population civile. La Pologne, surtout, posséderait selon certains experts des ressources phénoménales, qui pourraient en faire le «Qatar de l'Europe». Malgré les mises en garde d'associations écologistes, comme WWF Pologne, qui s'inquiète de la «dévastation» de la terre, la société civile est peu mobilisée. 

Le gouvernement, lui, voit d'un bon très œil cette manne énergétique inattendue, dans un pays très dépendant du gaz naturel russe. «Pour le moment, nous tirons notre énergie du charbon, expliquait récemment  le ministre des affaires étrangères polonais, sur France 24. Mais si nous commençons à utiliser du gaz de schiste, nous serons à même de remplir les critères de l'Union européenne en termes de diminution de nos rejets de CO2». Le député européen José Bové souligne lui que l’extraction de ces gaz génère énormément d’émissions.

La Suède a "intérêt à se concentrer sur de vraies sources d'énergie verte, comme les bio-gaz."

En Suède, qui serait aussi assise sur l'une des plus grosses réserves d'Europe, le sujet du gaz de schiste a permis au Parti vert de monter au front. Actuellement, deux plans d'extractions sont en cours dans le sud du pays, à Skåne et Östergötland et mobilisent contre eux une partie de la population, effrayée par les conséquences sur l'environnement. «L'opinion est contre les gaz de schiste, à cause des émissions de CO2 que cela va générer, mais aussi car elle a peur des risques locaux sur l'environnement et la santé», explique Lise Nordin, responsable des questions énergétiques au Parti vert suédois. «Plus largement, le développement des gaz de schiste retarde la transition de notre pays vers les sources d'énergie alternatives. Il n'y a pas besoin de se lancer dans l'extraction de ce type d'énergie, polluante et passée de mode. La Suède a plus d'intérêt à se concentrer sur de vraies sources d'énergie verte, comme les bio-gaz.» Le parti de Lise Nordin a d'ailleurs déposé une proposition de loi pour interdire les gaz de schiste dans le pays et pour donner aux municipalités un droit de veto, proposition de loi qui devrait être débattue et voté à la fin du mois d'avril.

«L'expérience des États-Unis, qui a relevé des incidents liés au gaz de schiste, montre que nous avons à prendre très au sérieux les aspects environnementaux de l'exploitation du gaz de schiste, accorde Marlene Holzner, porte-parole en charge de l'énergie pour la Commission européenne. C'est aussi dans l'intérêt de l'industrie de donner des réponses crédibles pour emporter l'adhésion des populations. Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'en Europe nous en sommes encore dans une phase exploratrice, et très loin d'une production à usage commercial.» 

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