Pour être écolo, faut-il être végétarien?

SALON DE L'AGRICULTURE Les éleveurs veulent relancer la consommation de viande mais les préoccupations écologiques poussent beaucoup de gens à devenir végétariens...

Audrey Chauvet
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Une activiste de Peta, association pro-végétarienne, lors d'une manifestation en Malaisie en septembre 2009.
Une activiste de Peta, association pro-végétarienne, lors d'une manifestation en Malaisie en septembre 2009. — Lai Seng Sin/AP/SIPA

Quel est le point commun entre Léonard de Vinci, Voltaire et Albert Einstein? Ils étaient tous végétariens, bien avant que le réchauffement climatique ne jette l’opprobre sur l’élevage, source de 18% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Le végétarisme est un choix qui ne repose pas toujours sur des motivations écologiques: santé, défense des animaux ou simplement par goût, on peut être végétarien sans être écolo. Mais peut-on réellement être écolo sans être végétarien?

Des calories qui se perdent

Pour produire de la viande, il faut nourrir des animaux, et donc faire pousser des aliments: plus d’un tiers de la production mondiale de céréales est destinée à l’alimentation animale. Une aberration pour certains, quand près d’un milliard d’humains ne mangent pas à leur faim: on estime qu’il faut trois calories végétales pour produire une calorie de poulet et jusqu’à neuf calories pour une seule de bœuf.  Une perte sèche de calories vitales.

Mais avant que ces végétaux ne soient transformés dans les estomacs animaux, il faut les planter, ce qui se traduit souvent par la déforestation, les arroser (entre 500 et 2.000 litres d’eau sont nécessaires pour produire un kg de blé), les traiter avec des produits chimiques qui polluent les nappes phréatiques, puis les expédier dans le monde entier. Toutes ces activités fortement émettrices de gaz à effet de serre ont un impact bien plus grave sur l’environnement que les rots et les pets des vaches, souvent montrés du doigt pour leurs émissions de méthane.

Il est néanmoins possible de consommer de la viande peu polluante, à condition de bien savoir la choisir. Bio ou simplement issue d’un élevage raisonné, à l’image de la viande de bœuf produite par Bruno Dufayet dans le Cantal: «J’utilise la fertilisation organique issue du cheptel pour mes pâturages. L’alimentation des vaches est à base d’herbe et de foin et céréales en hiver. Je fais moins d’une intervention aux antibiotiques par an. J’ai bonne conscience de mes pratiques, qui étaient déjà celles de mon grand-père, et je ne me sens pas obligé de dire que je suis bio», explique l’éleveur de vaches Salers.

Le «morceau de cadavre» dans nos assiettes

Une viande peu polluante est donc possible, mais l’argument environnemental, même s’il pèse dans la décision, n’est souvent pas la première motivation des végétariens: «Je suis devenue végétarienne du jour au lendemain, quand j’ai réalisé que le morceau de cadavre qui était dans mon assiette était un animal qui aurait voulu vivre, témoigne Brigitte Gothière, de l’association L214. C’est une objection de conscience, pas un dégoût.»

L’association, qui porte le nom de l’article du code rural reconnaissant le caractère «sensible» des animaux, milite pour l’égalité entre hommes et bêtes: «Je n’aime pas spécialement les animaux, mais je ne veux pas qu’on leur fasse du mal, comme aux autres êtres. Une fois qu’on a admis que les animaux souffraient, étaient des êtres sensibles, les manger devient intolérable», explique Brigitte Gothière.

Des huiles essentielles pour les veaux qui finiront en côtelettes

Pourtant, des associations se battent pour le bien-être d’animaux qui finiront dans les assiettes. Ainsi, à la PMAF (Protection mondiale des animaux de ferme), on pense qu’il est possible de consommer de la viande sans avoir mauvaise conscience: «Nous voulons que le consommateur ait un choix qui prenne en compte le bien-être des animaux d’élevage. Nous mettons en avant les produits labellisés et nous popularisons les modes d’élevage alternatifs, comme les élevages porcins sur paille ou en plein air, explique Cédric Kuc-Blaising, chargé de campagnes à la PMAF. Mais lorsqu’il n’existe pas de méthode alternative, comme pour le foie gras qui impose le gavage, nous conseillons de ne pas en manger.»

Une aberration pour Brigitte Gothière: «Dire qu’un élevage est meilleur qu’un autre, c’est comme dire qu’une forme d’esclavage est meilleure!», s’exclame-t-elle. Aux yeux des végétariens qui, comme elle, ont renoncé à la viande pour des raisons éthiques, voire philosophiques, ce ne sont pas les huiles essentielles diffusées par Bruno Dufayet dans le parc de ses veaux qui les feront changer d’avis.