Un million de pompes à chaleur par an ? « Attention à ne pas vouloir aller plus vite que la musique »

coup de pompe Emmanuel Macron a dévoilé le projet de produire en France un million de pompes à chaleur par an en 2027, un objectif difficilement réalisable

Cécile De Sèze
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Une pompe à chaleur est installée dans une maison à Francfort, en Allemagne, le jeudi 7 septembre 2023.
Une pompe à chaleur est installée dans une maison à Francfort, en Allemagne, le jeudi 7 septembre 2023. — Michael Probst/AP/SIPA
  • Emmanuel Macron a annoncé, lundi, sa volonté de tripler le nombre de pompes à chaleur produites sur le sol français d’ici à 2027, à un million d’unités par an, dans le cadre de la planification écologique du gouvernement.
  • La pompe à chaleur est considérée comme une « filière industrielle stratégique » par l’Union européenne, où le marché est estimé à cinq millions d’unités par an d’ici à 2030.
  • L’ambition du président de la République semble toutefois compliquée à atteindre dans les conditions actuelles, selon plusieurs acteurs du secteur.

C’est une nouvelle promesse d’Emmanuel Macron. Celui qui voulait « Make Our Planet Great Again » (« Rendre notre planète à nouveau formidable ») a dévoilé son projet de planification écologique dimanche et lundi. Parmi ses engagements, celui de produire en France un million de pompes à chaleur (PAC) par an dès 2027. Une annonce en grande pompe qui risque toutefois de se heurter à plusieurs obstacles. « Attention à ne pas vouloir aller plus vite que la musique », alerte ainsi Nicolas Moulin, fondateur de Primesenergie.fr.

2027 non, 2030 oui, mais pas en France

« Avoir un marché d’un million de pompes à chaleur par an d’ici 2030, c’est une ambition importante et réaliste, partagée par la filière », s’enthousiasme Arnaud Kautzmann, secrétaire de l’Association française des pompes à chaleur (Afpac). En revanche, pour 2027, c’est un peu tendu. D’autant plus si on parle d’une production sur le sol français. Si on compte environ 170 sites de productions en Europe, 32 sont en France appartenant à une dizaine de fabricants. Parmi ces derniers, trois sont des entreprises françaises. L’objectif d’installer un million de nouvelles pompes à chaleur par an, oui, « mais sans tenir compte de l’origine des PAC et pas d’ici 2027 », insiste Arnaud Kautzmann car « une usine, ça ne se construit pas en quelques mois ».

Si le projet est d’avoir des pompes à chaleur produites en France, alors il faut « attirer les investissements pour les industriels », souligne le spécialiste des PAC. Pour le moment, la France est moins attractive que certains pays d’Europe de l’Est comme la Pologne ou la République tchèque. Et même si le marché français des PAC est leader en Europe, la concurrence s’annonce rude avec un marché allemand qui « progresse très vite », souligne Arnaud Kautzmann. La production doit de plus être accompagnée de l’installation. La question de la main-d’œuvre entre alors en jeu. Il y aura un besoin de 20.000 installateurs et 10.000 mainteneurs, selon Arnaud Kautzmann qui se montre néanmoins optimiste assurant que « la filière est capable de s’organiser et de répondre aux besoins du marché », notamment en formant les installateurs aguerris sur les chaudières. « Ils ont déjà les compétences », justifie-t-il.

Pas de PAC sans isolation

Les pompes à chaleur sont un réel atout pour dépenser moins de CO2. Sa technologie « permet de capter de l’énergie dans le sol ou dans l’air, et d’en élever le niveau de température pour que cette chaleur soit utilisable pour chauffer les logements », explique Thierry Rieser, ingénieur spécialiste de la performance énergétique des bâtiments et membre de l’association NégaWatts. Elle fait baisser les émissions et aussi la facture d’énergie, à condition qu’elle soit bien installée. Pour cela, Thierry Rieser insiste sur l’importance de l’isolation du logement car « le travail de la PAC est de remonter la température de la chaleur. » ainsi, « plus l’écart est important entre le côté froid (l’air extérieur par exemple) et le côté chaud (les radiateurs), plus le coefficient de performance sera mauvais ».

Or, le rythme des rénovations n’est pas encore atteint pour pouvoir accueillir de manière performante les PAC. Si la France doit viser entre 600.000 et 1 million de logements par an à rénover, aujourd’hui on en compte entre 30 et 50.000 par an, selon Thierry Rieser. L’Etat va alors ajouter 1,6 milliard d’euros aux aides à la rénovation énergétique, portant à 5 milliards d’euros le budget de la rénovation énergétique des logements. Il vise au moins « 200.000 rénovations d’ampleur l’an prochain », c’est-à-dire avec isolation et chauffage, indique-t-on au ministère de la Transition énergétique. « Il faut avoir une vision globale sur le bâtiment, on ne peut pas oublier l’isolation, et même tout simplement la sobriété énergétique, les choses basiques », argumente encore Nicolas Moulin.

Avec quels financements ?

Pour un particulier qui veut doter son logement d’une pompe à chaleur air-air, il faut compter entre 60 euros et 90 euros/m², soit entre 7.200 euros et 10.800 euros pour une maison de 120 m², selon Hellowatt. Pour une PAC air-eau, il faut prévoir un budget total entre 8.000 euros et 16.000 euros, d’après Engie. Cela représente donc un investissement important, encore plus s’il est couplé aux travaux d’isolation thermique. C’est pourquoi des aides sont prévues, notamment par des organismes comme Primesenergie.fr ou Maprimerénov'. Aujourd’hui, selon Nicolas Moulin, environ 330.000 foyers sont équipés par an de PAC par sa société d’aides à la rénovation. Pour multiplier par trois les demandes, il faut rendre les PAC encore plus attractives « mais c’est déjà très subventionné aujourd’hui, je ne vois pas ce qu’on peut faire de plus », constate-t-il.

Pour « cette politique ambitieuse » annoncée par Emmanuel Macron, « il faut une hausse significative des subventions ou une hausse des contraintes, c’est alors soit payé par l’Etat soit par le consommateur », calcule Nicolas Moulin. « Comment on fait concrètement ? Comment on finance ? Qui va payer ? C’est le nerf de la guerre », assure-t-il. D’autant que les aides à la rénovation sont gangrenées par les fraudes selon Nicolas Moulin. « On donne trois fois plus d’aides qu’il y a trois ans, mais parfois il n’y a même pas de travaux, et il y a zéro contrôle », prévient-il. C’est pourquoi le ministre de la Transition énergétique a assuré que les contrôles vont être renforcés et « augmenter de 40 % en 2024 ».