Train : L’appel à l’aide de la dernière chance pour Railcoop et son projet de ligne Bordeaux -Lyon

MOBILITE Lancée en 2019, la coopérative voulait profiter de l’ouverture du rail à la concurrence pour lancer une ligne de train directe Lyon-Bordeaux, aujourd’hui non-desservie par la SNCF. Mais le chemin est bien plus sinueux que prévu

Fabrice Pouliquen
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Lancée en 2019 dans la perspective de l'ouverture à la concurrence du rail, la coopérative Railcoop espère, depuis cette date, lancer une ligne de train directe entre Lyon et Bordeaux.
Lancée en 2019 dans la perspective de l'ouverture à la concurrence du rail, la coopérative Railcoop espère, depuis cette date, lancer une ligne de train directe entre Lyon et Bordeaux. — SYSPEO
  • Railcoop lance ce jeudi un nouvel appel à la mobilisation citoyenne, alors que la coopérative a un besoin urgent de fonds à trouver d’ici la fin du mois.
  • L’espoir est de pouvoir parer à ses frais de fonctionnement au moins jusqu’à la fin de l’année. Et ainsi continuer à rêver à son projet de ligne de train Lyon-Bordeaux, que la coopérative veut relancer.
  • Si le chemin pour y arriver est bien plus sinueux que prévu, tout n’est pas noir. Railcoop est entré ces dernières semaines en discussion avec un fonds d’investissement européen. Surtout, elle vient d’obtenir de la SNCF des sillons ferroviaires qui lui permettraient de lancer sa ligne l’an prochain.

Ça ressemble fort à la tentative de la dernière chance… Ce jeudi, Railcoop, créée en novembre 2019 dans la perspective de l’ouverture du rail à la concurrence et pour relancer des lignes de train délaissées comme le Lyon-Bordeaux, lance un appel à la mobilisation citoyenne. La coopérative a un besoin urgent de lever des fonds d’ici la fin du mois pour parer à ses frais de fonctionnement – ne serait-ce que payer les salaires – au moins jusqu’à la fin de l’année.

En juin dernier déjà, Railcoop faisait part de ses difficultés financières en se disant au bord de la cessation de paiements. La coopérative disait avoir besoin de réunir 500.000 euros d’ici au 30 septembre. L’échéance approche « et il nous manque toujours un peu moins de 200.000 euros », indique Romain Tord, responsable communication de Railcoop.

Besoin urgent de fonds

Pour éviter de mettre la clé sous la porte, la coopérative se tourne donc une nouvelle fois vers ses 14.500 sociétaires, qui ont déjà acquis des parts sociales depuis 2019. Et espère, surtout, en accueillir de nouveaux. Le ticket d’entrée est à 100 euros minimum. En échange, il donne droit à une voix à l’assemblée générale de la coopérative et la possibilité, via « le Cercle des sociétaires », de participer à la réflexion autour de la création de cette ligne Lyon-Bordeaux et de celles qui pourrait suivre. Toujours dans cette optique de décloisonner les territoires ruraux, relier les grandes villes régionales sans avoir à passer par Paris, ou proposer des alternatives à la voiture et à l’avion… Un projet en phase avec la transition écologique.

Railcoop joue cartes sur table ce jeudi : « Sans même commencer à envisager de futurs bénéfices à long terme, il y a des chances significatives que Railcoop n’existe plus dans quelques mois, et donc que cet argent soit perdu », prévient la coopérative. « Il ne faut pas voir cette souscription comme un investissement mais un soutien militant », ajoute Romain Tord. « On veut être très transparent sur ce point », insiste Nicolas Debaisieux, président de Railcoop.

Un chemin bien plus sinueux que prévu

Depuis sa création, la coopérative a déjà connu des déconvenues. En avril dernier, faute de rentabilité économique, elle a suspendu l’activité de train de fret qu’elle avait lancé en novembre 2021 entre Viviez-Decazeville (Aveyron) et Saint-Jory (Haute-Garonne). Dans la foulée, Railcoop annonçait vouloir se consacrer aux transports de passager et à sa ligne Bordeaux-Lyon, son projet phare. La coopérative vise un lancement entre mi et fin 2024 et veut, en rythme de croisière, assurer un aller-retour quotidien sur cette ligne longue de 626 km et desservant dix gares. Le tout à un tarif qui devrait être équivalent à celui du covoiturage, s’engage Railcoop.

Mais là encore, ce dossier se révèle plus compliqué que prévu. La mise en service de cette ligne était prévue à la mi-2021 avant d’être reportée plusieurs fois. Ce jeudi encore, Railcoop insiste sur le manque de soutien financier de l’Etat. « Ce qui fait qu’une nouvelle fois, nous sommes contraints de nous tourner vers les sociétaires », explique Nicolas Debaisieux. Il regrette aussi « un manque une volonté politique forte pour faire du système ferroviaire français un outil industriel performant, présentant moins de barrières à l’entrée ». La preuve : « voilà quatre ans que le marché est ouvert et il n’y a aucun acteur indépendant qui exploite une ligne sur le réseau », pointe-t-il.

Mais la coopérative balaie aussi devant sa porte. Interrogée par 20 Minutes, en février dernier, Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée, reconnaissait sans mal « un excès d’optimisme ». « On a sous-évalué les difficultés telles que l’accès au réseau, au matériel roulant et le financement, développait-elle. On a aussi sous-estimé la frilosité des banques à s’engager. » « Cette ouverture du rail à la concurrence est toute récente encore, tient à rappeler Tom Ford. Il reste des barrières à l’entrée, des freins institutionnels à lever… Et puis lancer une entreprise ferroviaire en partant de zéro, sous une forme coopérative en plus, est forcément un projet complexe. »

Deux bonnes nouvelles tout de même en septembre

Mais tout n’est pas sombre. C’est tout le paradoxe d’ailleurs. « D’un côté, il y a cette urgence à lever des fonds, mais de l’autre, on n’a jamais autant avancé sur l’ouverture du Bordeaux-Lyon que ce mois de septembre », assure Romain Tord. Railcoop dit être tout récemment entrée en négociations officielles avec un fonds d’investissement européen intéressé et prêt à partager le coût et les risques du lancement de cette future ligne. De quoi sécuriser l’avenir de la coopérative, donc. « On a reçu une lettre d’intention fin août et les négociations ont commencé, précise Nicolas Debaisieux. Mais le processus est long, Railcoop n’imagine pas sa conclusion avant janvier.

Autre bonne nouvelle : après de longues discussions commencées mi-2022, Railcoop avait déposé une demande officielle de « sillons » auprès de SNCF Réseau. En clair : des créneaux d’utilisation du réseau. « On a au moins la certitude de pouvoir y accéder à partir du 6 juin », dit Nicolas Debaisieux. Mais les sillons obtenus ne permettraient à la coopérative qu’une ouverture partielle de la ligne les premiers mois. Seulement les week-ends et jours féries, et seulement entre Lyon et Limoges. Le lancement complet de la ligne, 7j sur 7, ne serait possible qu’à partir de mi-décembre.  « Démarre-t-on dès juin, au risque d’être déficitaire mais en nous faisant connaître ? Ou attend-on décembre ?, expose le président de Railcoop. C’est justement une question qu’on aimerait poser à nos sociétaires. »