Grande-Bretagne : Le Premier ministre Rishi Sunak veut ralentir le rythme de la transition écologique

CLIMAT La fin de la vente des voitures à essence ou diesel sera ainsi reportée de 2030 à 2035, tandis que les contraintes pour remplacer les vieilles chaudières à gaz seront assouplies

20 Minutes avec AFP
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Le Premier ministre britannique Rishi Sunak prononce un discours sur l'objectif zéro émission nette, lors d'une conférence de presse à Downing Street,  le 20 septembre 2023.
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak prononce un discours sur l'objectif zéro émission nette, lors d'une conférence de presse à Downing Street, le 20 septembre 2023. — JUSTIN TALLIS / POOL / AFP

Le virage était pressenti… Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a annoncé mercredi ralentir le rythme de la transition écologique au Royaume-Uni, en adoptant une approche « plus pragmatique, proportionnée et réaliste » pour atteindre la neutralité carbone en 2050. La conférence de presse a été hâtivement organisée à Downing Street après que ses intentions ont fait l’objet de fuites dans les médias.

L’annonce la plus emblématique concerne les voitures neuves roulant à l’essence et au gazole, qui seront désormais interdites à la vente en 2035 et non en 2030. Avec cette mesure, le Royaume-Uni « aligne son approche » sur le calendrier prévu dans l’Union européenne ou dans d’autres pays, a défendu Rishi Sunak.

Il a aussi annoncé l’assouplissement des conditions d’élimination progressive des chaudières à gaz à partir de 2035 et l’abandon d’une mesure sur l’efficacité énergétique des logements qui prévoyaient de fortes contraintes sur les propriétaires.

Donner des gages aux électeurs conservateurs ?

Les ambitions climatiques du Royaume-Uni, qui vise la neutralité carbone en 2050, semblent ainsi faire les frais de la crise du pouvoir d’achat qui touche les Britanniques et de ses possibles répercussions électorales pour le parti conservateur. Au pouvoir depuis treize ans, il est désormais à la peine dans les sondages face aux travaillistes, en vue des élections législatives attendues l’an prochain, et certains en son sein appelaient de longue date le gouvernement à réduire la voilure en matière environnementale.

Fin juillet, Rishi Sunak avait déjà provoqué un tollé en promettant des centaines de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures en mer du Nord.

Ce nouveau revirement survient alors que l’organisme indépendant chargé de conseiller Downing Street sur ses politiques climatiques avait déploré en juin la « lenteur inquiétante » de la transition dans le pays, en particulier pour atteindre les objectifs légalement contraignants pour 2030.

Autre mauvais signal : l’échec d’un récent appel d’offres d’éolien offshore, source d’énergie sur laquelle le pays mise beaucoup pour décarboner son énergie.

« La plus grosse erreur du mandat »

Si cette annonce a ravi l’aile droite des conservateurs, sans attendre le discours du Premier ministre, les critiques se sont multipliées, y compris dans son propre camp.

« Nous ne pouvons pas nous permettre de faiblir maintenant ou de perdre de quelque manière que ce soit notre ambition pour ce pays », a taclé l’ancien Premier ministre Boris Johnson, qui avait fixé l’objectif de 2030 pour la fin des voitures roulant à l’essence et au gazole.

Cette décision est « la plus grosse erreur » du mandat de Rishi Sunak, a regretté Chris Skidmore, un conservateur, ancien secrétaire d’État à l’Energie. « Je ne crois vraiment pas que cela puisse aider électoralement quelque parti que ce soit de décider de s’engager dans cette voie », a estimé le député conservateur Alok Sharma et président de la COP26 de Glasgow en 2021.

Le député du parti d’opposition travailliste chargé des questions d’énergie Ed Miliband a, lui, moqué une « farce », d’un gouvernement « qui ne sait littéralement pas ce qu’il fait au jour le jour ».

Le secteur automobile dénonce de la « confusion » et de l'« incertitude »

Le milieu économique est aussi monté au créneau. L’Association des constructeurs et des vendeurs automobiles (SMMT) a dénoncé « la confusion » et « l’incertitude » générée par cette décision, alors que les pouvoirs publics soutiennent et subventionnent largement l’installation d’usines de batteries électriques dans le pays. « Sous le gouvernement conservateur, la Grande-Bretagne est passée du statut de leader à celui de retardataire en matière de changement climatique », a étrillé l’ONG Greenpeace, prédisant l’accélération du « déclin » de l’influence du pays sur la scène internationale.

Le gouvernement Sunak semble avoir amorcé un virage en juillet sur la politique climatique, après la défaite surprise du Labour face aux conservateurs dans une élection locale de l’ouest de Londres. Ce résultat a été mis sur le compte de la défiance des électeurs face à l’extension d’une taxe sur les véhicules polluants à l’ensemble du Grand Londres, soit neuf millions d’habitants, et voulue par le maire travailliste Sadiq Khan.