New York : La ville qui ne dort jamais va-t-elle devoir éteindre ses lumières ?

POLLUTION LUMINEUSE Selon le gouvernement américain, l’éclairage extérieur aux Etats-Unis consomme assez d’énergie pour alimenter 35 millions de foyers pendant une année

20 Minutes avec agences
L'intensité lumineuse de la Grosse Pomme est particulièrement nuisible aux oiseaux, le jour comme la nuit. (Photo d'illustration)
L'intensité lumineuse de la Grosse Pomme est particulièrement nuisible aux oiseaux, le jour comme la nuit. (Photo d'illustration) — danielleteychenne / Pixabay

La Semaine du climat de New York rassemble chaque année militants, politiques et personnalités du monde des affaires pour des centaines d’événements visant à réfléchir aux moyens d’affronter la crise environnementale. Mais les lumières éblouissantes, qui font de la « ville qui ne dort jamais » ce qu’elle est, sont depuis longtemps une source de frustration pour les militants, qui notent une contradiction avec l’esprit de sobriété énergétique incarné par cette réunion au sommet.

Trop de gaspillage

« Je pense qu’il y a encore du chemin à faire avant que nous ne voyions une ville très éclairée pour ce qu’elle est, à savoir une déperdition flagrante d’énergie et une chose qui a un impact direct sur la nature », a déclaré à l’AFP Ruskin Hartley, directeur de l’International Dark-Sky Association (IDA), qui milite pour que les cieux restent sombres la nuit. Selon le ministère américain de l’Energie, l’éclairage extérieur aux Etats-Unis consomme assez d’énergie pour alimenter 35 millions de foyers pendant une année. Les estimations par ville sont difficiles à obtenir, mais il est clair que New York est l’une des plus mauvaises élèves en la matière aux Etats-Unis, pays qui, selon les chercheurs, gaspille beaucoup plus que l’Europe.

Au moment où les participants à la Semaine du climat de New York discutent d’un éventail de sujets liés à l’environnement, de la réduction de l’empreinte carbone des aliments au rôle de l’art dans le militantisme, la pollution lumineuse devrait être abordée, soutient Ruskin Hartley. « Je pense que les gens cherchent des moyens d’avoir un impact rapidement, au vu de l’étendue de la crise à laquelle nous faisons face. Et l’une des choses les plus simples que nous puissions faire, c’est de regarder autour de nous et voir où nous pouvons réduire le gaspillage », a-t-il ajouté. L’IDA estime que l’éclairage extérieur qui se voit jusque dans l’espace représente 1 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre.

Les oiseaux victimes de la lumière artificielle

Ce n’est pas qu’une question de gaspillage d’énergie. New York est en effet située le long d’une route de migration d’oiseaux qu’empruntent des millions de volatiles chaque année, a expliqué à l’AFP Dustin Partridge, un responsable de New York City Audubon, association militant pour la protection des oiseaux. La lumière artificielle attire les oiseaux vers la ville. Le jour, ils s’écrasent contre des immeubles parce qu’ils voient des reflets de végétation dans les vitres. La nuit, ils volent directement dans des fenêtres éclairées.

« A New York, nous avons environ 250.000 oiseaux qui meurent chaque année dans des collisions », a affirmé Dustin Partridge. Or les graines qu’ils disséminent sont vitales pour la santé des écosystèmes qui piègent le carbone du Canada, où ils commencent leur voyage, jusqu’à leurs diverses destinations en Amérique du Sud. « Vous pouvez sortir le soir à New York et voir qu’il y a une solution simple pour protéger la biodiversité et contribuer à la lutte contre le changement climatique », a fait valoir Dustin Partridge.

Lumières éteintes une partie de la nuit pendant les migrations

Autre victime de la pollution lumineuse : l’observation des étoiles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’IDA a été créée. « La lumière qui a parcouru des millions d’années-lumière est absorbée et cachée au cours de la dernière nanoseconde. Quelle perte pour la société », a regretté Dustin Hartley. D’autres recherches ont mis en évidence des impacts potentiels sur la santé humaine comme une augmentation des cas de cancer, qui pourraient être liés à des perturbations du rythme circadien. Et parce que la lumière attire les insectes, un article de 2020 a découvert un lien entre la lumière artificielle et une transmission accrue du virus du Nil occidental, transmis par les moustiques.

New York a adopté une loi en 2021 exigeant que tous les bâtiments appartenant à la ville éteignent les lumières non essentielles de 23 heures à 6 heures pendant les migrations du printemps et de l’automne. Mais ceux-ci ne représentent qu’un faible pourcentage de tous les bâtiments. Un projet de loi plus récent présenté en mai, qui étendrait les mêmes règles aux bâtiments privés et industriels, est toujours devant l’assemblée de la ville. Ses détracteurs soulignent que la « skyline » nocturne emblématique de New lumi est essentielle à l’identité de la ville. A cela, les militants répondent en citant les villes européennes qui ont commencé à éteindre leurs lampes lorsque dort la majorité de la population. Comme Paris, la « Ville lumière ».