Entre espoirs et craintes, l’agrivoltaïsme va redessiner le visage des fermes de demain
ÉNERGIES RENOUVELABLES Avec la flambée des coûts et les défis que pose la transition, de plus en plus d’agriculteurs sont tentés d’associer production agricole et énergétique sur leurs parcelles
- Dans un monde en pleine transition énergétique, la tendance est à l’agrivoltaïsme dans le monde agricole.
- Elle consiste pour les agriculteurs à concilier production agricole et énergétique à travers l’installation de panneaux solaires dans leurs champs.
- Suscitant à la fois des espoirs mais aussi des craintes, l’agrivoltaïsme était au coeur d’un débat organisé mercredi au salon international de l’élevage à Rennes.
Il a installé ses deux premiers trackers en 2017. L’an dernier, en pleine crise énergétique, Olivier Bouchonneau a de nouveau sorti le chéquier pour un de ces nouveaux panneaux solaires qui pivotent en permanence pour suivre la trajectoire du soleil. Depuis, cet éleveur porcin installé à Saint-Christophe-du-Bois, près de Cholet (Maine-et-Loire), ne regrette pas du tout son investissement. Ses trois trackers produisent aujourd’hui 25 % de la consommation électrique de son exploitation. De quoi lui alléger drastiquement sa facture. « Elle était auparavant de 40.000 euros chaque année, explique-t-il. Elle est désormais de 30.000 euros, et ce malgré les hausses. »
Comme Christophe Bouchonneau, de plus en plus d’agriculteurs se tournent depuis quelques années vers le photovoltaïque pour leur autoconsommation. Certains en ont même fait une nouvelle source de revenus en revendant l’électricité qu’ils produisent sur leur ferme. Selon une étude de l’Ademe, la contribution de l’agriculture à la production d’énergies renouvelables était ainsi de 20 % en 2020. Un chiffre qui pourrait être multiplié par trois à l’horizon 2050.
« Un enjeu pour notre souveraineté énergétique et alimentaire »
Cela passe par le développement de l’agrivoltaïsme, un concept permettant de concilier production agricole et énergétique à travers une installation massive de panneaux solaires dans les champs. C’est d’ailleurs déjà une réalité sur le territoire avec environ 200 projets en cours selon l’Ademe. Face aux enjeux de la transition énergétique, la tendance devrait encore s’accélérer dans les prochaines années même si tous les acteurs attendent toujours un cadre réglementaire. « C’est un vrai enjeu pour notre souveraineté énergétique et alimentaire », assure Arnaud Rousseau, le patron de la FNSEA, présent mercredi au salon international de l’élevage (Space) à Rennes pour débattre sur l’agrivoltaïsme.
Car si l’énergie solaire est porteuse d’espoir pour les agriculteurs, elle suscite aussi beaucoup de craintes. La Confédération paysanne voit ainsi dans l’installation de ces centrales solaires au sol une vraie menace pour les terres agricoles. « Nous sommes favorables à l’installation de panneaux sur les toits des fermes et des bâtiments agricoles mais on n’en veut pas dans les champs », indique Charlotte Kerglonou, éleveuse laitière en Ille-et-Vilaine et porte-parole du syndicat dans le département.
Agriculteur et non pas producteur d’énergie
L’agrivoltaïsme aiguise il est vrai l’appétit des gros acteurs de l’énergie et des investisseurs qui se ruent de plus en plus sur les terres agricoles. Une menace qui inquiète aussi Louis Maurice, président du groupe OKwind, leader français des trackers solaires installé à Torcé en Ille-et-Vilaine. Dans un manifeste, il plaide pour « une approche locale et des installations de taille raisonnable » et estime que l’agrivoltaïsme « doit d’abord profiter aux agriculteurs. »
La Confédération paysanne considère aussi que le métier de paysan n’est pas de produire de l’énergie. « Nous voulons vivre de nos productions plutôt que du loyer de nos terres pour la production l’énergie et ou de l’entretien des panneaux », clame le syndicat. Rarement sur la même ligne que la Confédération paysanne, le patron de la FNSEA les rejoint cette fois sur ce point. « Nous ne voulons pas d’une agriculture qui ne produit plus et ne nourrit plus avec seulement quelques moutons qui broutent dans des champs sous des panneaux solaires, prévient-il. Mais l’agriculture a aussi un rôle primordial à jouer en matière de décarbonation pour équilibrer le mix énergétique français. »