Autoroute A69 entre Castres et Toulouse : Piste cyclable, vergers communs, bocages… L’autre projet des opposants

la méthode douce Les opposants à l'A69 entre Castres et Toulouse ont dévoilé un projet alternatif, plutôt bucolique, mais qu’ils ne jugent pas plus utopique que de construire une autoroute écologique

Hélène Ménal
L'A69, longue de 52 km entre Toulouse et Castres, doit être achevée fin 2025. Illustration.
L'A69, longue de 52 km entre Toulouse et Castres, doit être achevée fin 2025. Illustration. — FRED SCHEIBER
  • Le chantier de l’autoroute Castres-Toulouse a commencé et suscite une très vive contestation.
  • Les opposants ont présenté ce mardi leur projet alternatif à la voie rapide, qui prévoit un réaménagement « ponctuel » de la route actuelle, la RN126.
  • Il repose aussi sur la construction d’une très longue véloroute cyclable, sur une redistribution des terres agricoles et sur des projets coopératifs.

Cette fois, ils attaquent à coups de crayon. Après avoir grimpé aux arbres, organisé une manifestation géante et saisi la justice, les opposants à l’autoroute A69 entre Castres (Tarn) et Toulouse (Haute-Garonne) dégainent l’arme du projet alternatif et citoyen. Avec l’aide du jeune urbaniste paysagiste Karim Lahiani – un Toulousain à la rescousse de « la route de [son] enfance » qu’il parcourait pour visiter ses grands-parents tarnais –, ils ont présenté ce mardi « une autre voie possible ». Comme étudié en 2016 par les collectivités locales, ils proposent tout simplement un « aménagement ponctuel » de la route existante, la RN126. En sécurisant des carrefours, en plantant un tas d’arbres et en créant quelques zones de dépassement.

Pas de quoi gagner les quinze minutes de trajet que promet l’autoroute A69 du concessionnaire Atosca. « Mais avec des bretelles gratuites et sans péage à 17 euros l’aller-retour », rétorquent les membres du collectif La Voie est libre (LVEL) qui rappellent que, pour l’heure, « seulement 7.600 voitures » par jour empruntent l’itinéraire. « A l’utopie d’une autoroute qu’on nous dit écologique », ils préfèrent une autre « vision », plus réjouissante pour les riverains et dont ils savent à l’avance que certains ne vont pas manquer de se moquer.

Faire baisser le trafic de 25 %

Car, dans le grand corridor de l'A69, où 366 hectares de terres ont déjà été expropriés, ils proposent tout simplement de construire une véloroute, la « nationale 1 » : 52 kilomètres de piste dans un premier temps, permettant de développer le cyclotourisme dans cette belle plaine mais aussi de sécuriser de courts trajets entre bourgs. « L’idée est de faire baisser la circulation automobile de 25 % d’ici 2030 et d’atteindre les 5.500 véhicules par jour », précise Karim Lahiani. Et comme personnes n’a l’intention, de faire Castres-Toulouse à vélo pour aller travailler, le collectif propose de muscler les transports en commun : en augmentant la fréquence des bus liO du conseil régional et en créant cinq nouvelles haltes ferroviaires plus au nord, sur l’axe Castres/Vielmur/Saint-Sulpice/Toulouse, avec « de simples voies de dégagement pour que les trains longs puissent doubler les trains courts ».

Sur l’axe de la RN126, plutôt qu’un développement anarchique que ne manquerait pas de susciter une autoroute, le projet suggère de « densifier les zones d’activités » qui existent déjà. En lisière des communes traversées, Karim Lahiani a imaginé des paysages de bocages, avec des jardins partagés et des vergers publics, et de petites parcelles agricoles où de jeunes agriculteurs pourraient s’installer.

Une Cité du vélo et une « Centrale des fertilités »

Enfin, pour créer « 1.000 emplois directs », autant que le chantier de l’autoroute, les opposants, qui planchent en secret depuis des mois, ont imaginé sept grands projets gérés par des coopératives : Une « Cité du vélo » dans la zone de Chartreuse à Castres où, en autres, des créateurs réfléchiraient aux nouvelles mobilités à deux roues ; une « base aérienne et météorologique » à Bourg-Saint-Bernard, déjà paradis des planeurs ; ou une « Centrale des fertilités » à Gragnague qui accueillerait compost des alentours et terres d’excavation pour revendre ces dernières une fois « enrichies ».

Ce projet alternatif va être distillé et illustré sur les réseaux sociaux dans les jours et semaines qui viennent. Il est estimé à 100 millions d’euros dont 30 millions pour la route cyclable et 85 % de financements publics, hors réaménagement de la RN126 et indemnisation éventuelle du concessionnaire. Les anti-autoroute le mettront en « open source », « à disposition du ministre des Transports Clément Beaune ou de la présidente de la région Carole Delga (PS) ». Après avoir été déboutés de leur premier recours judiciaire contre l'A69 début août, ils ont fait appel devant le Conseil d’Etat. Et ils restent persuadés que, « comme le barrage de Sivens », de triste mémoire, l’autoroute A69 finira par être jugée illégale. D’où leur appel, lancé une énième fois, à décider d’un moratoire sur le chantier. Le temps de purger les recours judiciaires et pour ne pas rendre les choses « irréversibles ».