Bordeaux : Chez « Les Nouvelles fermes », ce sont les truites qui font pousser les salades
agriculture Depuis un an, le groupe teste la culture maraîchère en se servant comme fertilisant des déjections de truites, élevées aussi pour leur chair. La production est installée sous une serre de 5.000 m2 à Mérignac, près de Bordeaux
- « Les Nouvelles fermes » ont installé il y a un an environ un site de production maraîchère sur 5.000 m2 à Mérignac, près de Bordeaux, en utilisant les déjections des truites comme engrais.
- Les porteurs du projet expliquent que cette ferme aquaponique urbaine permet de faire une culture intensive en dépensant peu d’énergie et d’eau.
- L’entreprise veut se développer aux portes d’autres grandes villes pour commercialiser ses produits dans un périmètre réduit et envisage aussi un développement à l’échelle européenne.
Pas de terre sous les chaussures ni d’odeurs bucoliques en passant sous la serre en structure métallique et habillée de bâches en plastique qui abrite la production de « Nouvelles fermes » mais un bon coup de chaud. Depuis environ un an, douze sortes de végétaux (aromates, salades, tomates, etc.) poussent hors sol, sur 5.000 m2 à Mérignac près de Bordeaux, après que les cinq amis fondateurs de l’entreprise ont testé leur idée au préalable, sur 1.000 m2 à Lormont.
Ils n’utilisent pas d’engrais de synthèse mais se servent des déjections de leurs 4.000 truites arc-en-ciel pour apporter à leurs plants 90 % des nutriments dont ils ont besoin. Un complément en engrais biosourcés, de l’ordre de 10 %, est ajouté dans l’eau dans laquelle baignent les racines des plants fixés sur des sortes de radeaux. Le groupe rassemble 30 employés dont neuf travaillent directement sur le site de Mérignac.
Quand on entend les coassements de grenouilles, Thomas Boisserie, l’un des cofondateurs de « Nouvelles fermes », se sent obligé de préciser que ce n’est pas un enregistrement. « On n’est pas dans une salle blanche », glisse-t-il. Sous la serre, l’ambiance ressemble vraiment plus à celle d’une start-up florissante qu’à une ferme traditionnelle.
« On répond à 1 % des besoins en salades de Bordeaux Métropole »
Le site de Mérignac produit 60 tonnes de produits frais et 12 tonnes de truites en utilisant seulement 1.200 m 3 d’eau, contre dix fois plus dans une culture maraîchère en terre. « On répond à 1 % des besoins en salade de Bordeaux Métropole et à 4 % de ses besoins en truite avec seulement 5.000 m2 », souligne Thomas
Cette ferme aquaponique (contraction d’aquaculture et d’hydroponie) urbaine, située aux portes de Bordeaux, près de l’aéroport de Mérignac est présentée comme très productive tout en étant peu consommatrice d’énergie et ne nécessitant pas de produits de synthèse. « On utilise cinq fois moins d’énergie qu’une culture en pleine terre », pointe Thomas Boisserie. Elle enregistre 30 % de pertes environ sur ces plants (maladies, attaques de champignons, etc.) quand cela peut aller jusqu’à 50 % pour les exploitations maraîchères classiques.
Les truites sont élevées dans quatre bassins disposés en forme de U dans une partie opaque de la serre. Venues de Normandie, elles arrivent avec un poids de 300 grammes environ et sont nourries avec 80 % de croquettes végétales et 20 % de croquettes animales, produites en Gironde. Les bassins contiennent 20 à 25 kg de poissons par m3. « On a trouvé un juste équilibre [sur cette densité] pour éviter que les truites ne deviennent territoriales et qu’il y ait des prédations », précise le cofondateur. Les déjections des truites sont transformées naturellement par un passage en cuve pendant lequel l’azote ammoniacal est dégradé en nitrate. L’eau chargée de nutriments est envoyée dans les bassins des plantes après un passage dans une petite cascade pour l’oxygéner, un trajet qui prend environ trois heures.
Une rentabilité dès 2024
En général, cela varie selon les saisons, les prix des produits de cette ferme aquaponique urbaine sont 15 à 20 % en dessous de ceux des légumes bio et ils sont commercialisés, pour les plantes fraîches, dans un rayon de 20 kilomètres du lieu de production. C’est un peu plus pour la chair des truites élevées sur place.
Pour installer le site, bâti sur-mesure pour ce projet aquaponique particulier, 1,2 million d’euros ont été investis dont un quart a été subventionné par des acteurs publics. La même somme a été investie en amont en recherche et développement, grâce notamment à des levées de fonds auprès d’entreprises privées. « Le site va commencer à être rentable et on espère un chiffre d’affaires de 900.000 euros dès 2024 », précise Thomas Boisserie.
Le site girondin est l’une des plus grandes fermes aquaponiques d’Europe mais « Les Nouvelles fermes » ne veulent pas en rester là. « On vise aussi un développement dans certaines des dix plus grosses villes de France prochainement et on réfléchit à un essor au niveau européen », conclut Laura Gaury, cofondatrice. A en croire « Les Nouvelles fermes », les légumes de pleine serre, c’est l’avenir.