Bretagne : Le dernier espoir des proches de Thierry Morfoisse, mort en transportant des algues vertes

Espoir Le chauffeur était décédé d’un infarctus en 2009 alors qu’il travaillait pour la société Nicol Environnement, qui conteste la piste de l’accident du travail

Camille Allain
Un tracteur ramasse les algues vertes sur la plage de la Grandville, à Hillion, ici en juin 2021.
Un tracteur ramasse les algues vertes sur la plage de la Grandville, à Hillion, ici en juin 2021. — C. Allain / 20 Minutes
  • La cour d’appel examinait le dossier de la mort de Thierry Morfoisse, mort en 2009 alors qu’il transportait des algues vertes dans sa remorque.
  • Sa famille réclame que son employeur soit reconnu coupable de manquements notamment concernant l’absence d’équipement de protection.
  • La société Nicol Environnement estime quant à elle que l’infarctus auquel son salarié a succombé n’est pas dû aux algues vertes.

C’est dans une petite pièce reculée de la cour d’appel de Rennes que l’un des dossiers les plus emblématiques de la lutte contre les algues vertes pourrait trouver son épilogue. C’est là, dans l’obscurité d’une salle d’audience du resplendissant parlement de Bretagne que la famille de Thierry Morfoisse livre ce qui ressemble à son dernier combat. Ce chauffeur de poids lourd était décédé au volant de son camion le 22 juillet 2009 à Binic, dans les Côtes-d’Armor.

Salarié de la société Nicol Environnement, l’homme âgé de 48 ans était chargé de transporter des algues vertes ramassées sur la plage pour les emmener jusqu’à l’usine de traitement. Pendant plusieurs années, sa mort n’avait pas éveillé de soupçons particuliers. Mais au fil des drames impliquant des chevaux, des sangliers et même un joggeur, la question de la responsabilité des algues vertes s’est posée. Depuis 2015, la famille de l’ancien chauffeur se bat pour faire reconnaître son décès comme accident de travail, ce que conteste son employeur. Mercredi, c’est devant la cour d’appel du tribunal des affaires de Sécurité sociale que les avocats ont dévoilé leurs arguments.

Pas de masque, ni de détecteur dans le camion

Ce jour de juillet 2009, Thierry Morfoisse est mort d’un infarctus. Même l’avocat de sa famille le reconnaît. « Il ne serait pas mort ce jour-là s’il n’avait pas eu un cœur fragile. Je ne le conteste pas. Mais il ne serait pas mort ce jour-là s’il n’avait pas été exposé aux algues vertes. Ou s’il avait été formé, s’il avait été équipé », lance Me François Lafforgue, qui défend les consorts du défunt. A bord de son camion, le chauffeur n’avait ni masque, ni cabine étanche, ni appareil de mesure de la toxicité de l’air. Les jours précédant sa mort, plusieurs symptômes troublants avaient été constatés : des yeux qui brûlent, des vomissements, des maux de tête.



Selon l’avocat, la société Nicol qui employait le défunt « ne pouvait pas ignorer la dangerosité » du transport d’algues vertes. Lorsqu’elles entrent en putréfaction, les ulves dégagent de l’hydrogène sulfuré. Un gaz très toxique qui peut s’avérer mortel. Thierry Morfoisse en avait-il inhalé ? Le refus de sa compagne d’autoriser une autopsie avait compliqué la quête de vérité mais l’analyse de sang réalisée après l’accident avait montré une concentration de 1,4 mg par litre de sang. « Ce qui est énorme », relève son avocat.

Problème ? Le flacon n’a pas été conservé dans de bonnes conditions, ce qui pourrait avoir faussé le résultat. « On n’est que sur des suppositions dans ce dossier, c’est là le problème. Il ne manipulait pas de l’H2S, il ne manipulait pas des algues vertes, il ne faisait que les transporter. La réalité, c’est que monsieur Morfoisse, il était tabagique et fumait deux paquets par jour, il avait du cholestérol et faisait de l’hypertension », tacle l’avocat de la société.

« Sa fille ne veut pas que ce drame reste sans suite »

Toujours déboutée de ses demandes, la famille avait vu le tribunal des affaires de Sécurité sociale reconnaître « le caractère professionnel » de la mort de Thierry Morfoisse en 2021, le considérant comme un accident du travail. Mais sans reconnaître la « faute inexcusable » de la société Nicol Environnement, poussant la famille à faire appel. Réunie mercredi, la cour d’appel de Rennes a mis sa décision en délibéré et rendra ses conclusions le 4 octobre. Une date qui sera sans doute le dernier espoir de la famille d’obtenir réparation. « Sa fille ne veut pas que ce drame reste sans suite. Ce n’est pas une question d’indemnités. C’est une question beaucoup plus large. Est-ce qu’il est mort à cause des algues vertes ? », interroge Me François Lafforgue.