Faut-il rendre le télétravail obligatoire les jours de pollution ? A Rennes, on y réfléchit

C’est à la maison Dans son nouveau plan de protection de l’atmosphère, Rennes métropole étudie la possibilité de limiter les déplacements lors de pics de pollution de l’air

Camille Allain
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Porte d'entrée de la Bretagne, Rennes et sa rocade voient chaque jour passer des dizaines de milliers de véhicules.
Porte d'entrée de la Bretagne, Rennes et sa rocade voient chaque jour passer des dizaines de milliers de véhicules. — C. Allain / 20 Minutes
  • Une partie de la France souffre en ce moment d’une forte concentration de particules fines, notamment aux PM2,5.
  • A Rennes, la métropole réfléchit à mettre en place le télétravail les jours où la pollution de l’air est élevée.
  • La réduction du trafic routier pourrait permettre de réduire les pics de pollution aux particules fines.

Il fallait s’y attendre. Après plusieurs journées de froid et le net fléchissement du vent de nord-est qui dispersait jusqu’ici les particules, une bonne moitié de la France s’est réveillée ce jeudi matin dans un nuage de pollution. Chargé de particules fines PM10 et PM2,5, l’air est nettement dégradé de Paris à Bordeaux, en passant par la Normandie et la Bretagne. Comme souvent, la qualité de l'air est d’autant plus préoccupante au cœur des métropoles où la concentration de population accentue le phénomène, sous l’effet combiné du chauffage et du trafic routier.

 A Rennes, elle était qualifiée de « mauvaise » ce jeudi par l’association Air Breizh chargée de son suivi. Si elle est loin d’être la pire métropole française, la porte d’entrée de la Bretagne souffre de sa position de nœud routier. Une situation qui a poussé la préfecture et la métropole à se pencher sérieusement sur une piste : celle de renforcer le télétravail les jours de pollution. Faut-il rendre la mesure obligatoire ? Elle fait en tout cas partie d’une longue liste d’idées versée au dernier plan de protection de l’atmosphère

 « Pas prévu d’avoir recours à une mesure imposée »

Parmi les 36 actions de ce troisième « PPA », les partenaires proposent de « promouvoir activement le télétravail notamment lors des épisodes de pollution ». Contactée, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) détaille ses intentions. « Le principe est de proposer des actions aux entreprises et citoyens en les informant sur les gestes individuels à la portée de chacun, afin de contribuer à limiter les effets aigus des pics de pollution », explique le service de l’État, avant de préciser : « il s’agit d’une mesure incitative basée sur le volontariat, et il n’est pas prévu d’avoir recours à une mesure imposée », et notamment parce que « la situation en matière de pollution sur Rennes métropole ne l’exige pas ». 

Chaque année, le territoire n’est concerné que par une à trois journées d’alerte en moyenne. Ce qui ne veut pas dire que la qualité de l’air y est satisfaisante le reste du temps...

Avec l’épidémie de Covid-19, le recours au télétravail est désormais bien ancré. Les jours de grève, il est massivement recommandé. Il paraît donc assez simple de mettre en place la même mesure les jours de pollution. Mais pour quelle efficacité ? « Il n’est pas encore possible de l’estimer à ce stade pour Rennes. Mais, à titre d’illustration, l’application de la circulation différenciée abaisse la pollution de plus de 20 % alors que seuls 11 % des véhicules sont interdits de circulation (les plus polluants) », explique la Dreal.

« Le télétravail peut contribuer à limiter l’émission de polluants »

En 2020, l’association Air Breizh avait observé une nette baisse des concentrations en dioxyde d’azote lors du premier épisode de confinement. Pour les particules fines, le constat était plus difficile à dresser, notamment en raison de l’intensité de l’activité agricole à cette période. « Mais cela laisse penser qu’un recours massif au télétravail peut contribuer à limiter l’émission de polluants. D’autant plus que la mesure n’est pas compliquée à mettre en place », estime Jacques Le Letty, chargé de mission à la Maison de la consommation et l’environnement. Mais à quel seuil ? La question n'est pas tranchée. 


Dans les faits, certains appliquent déjà la mesure. La ville de Rennes et la métropole, qui font travailler plus de 5.000 personnes à elles deux, « encouragent le recours au télétravail en cas d’épisode de pollution atmosphérique » par le biais d’un mail adressé à tous les agents. Combien l’appliquent ? Impossible de le savoir. Pour que la mesure soit efficace, il faut pourtant qu’elle soit entendue et suivie par le plus grand nombre. 

Le grand défi des autorités sera donc de convaincre les employeurs, et notamment les plus gros, d’appliquer la même recette. Un travail déjà entrepris auprès d’environ 80.000 salariés dans le cadre d’un accompagnement aux mobilités. L’arrivée de la ligne B du métro, livrée cet hiver, devait ôter 50.000 voitures des routes de la métropole. Difficile de le vérifier.

« Bureaux à rallonge » et « à la bonne heure »

Depuis quelques mois, la métropole rennaise teste déjà deux dispositifs impliquant du télétravail ponctuel. Baptisées « Bureaux à rallonge » et « A la bonne heure », ces opérations ont pour objectif de décaler les horaires d’embauche et de débauche des salariés afin de leur éviter des embouteillages. Les personnes sont incitées à commencer ou à terminer leur journée chez eux ou dans un espace de coworking situé près de leur domicile ou près de l’école de leurs enfants. 

Parce qu'en période de pollution atmosphérique, la concentration en particules fines est accentuée par les phénomènes de congestion. Moins il y a de voiture, moins il y a d’embouteillages et plus ceux qui « doivent rouler » peuvent le faire en polluant moins. Alors que la pollution aux particules fines se poursuivra dans la moitié ouest de la France ce vendredi, seriez-vous prêt à télétravailler ? Et votre patron pourrait-il l’accepter ? C’est l’occasion de lui poser la question.