Sécheresse : La sobriété dans l’usage de l’eau, un passage obligé même en hiver ?

plus une goutte Sécheresse intense, sols secs comme de la paille… Face au manque de précipitations, quatre départements sont concernés par des restrictions d’eau, depuis près d’une semaine, en plein hiver. Une situation exceptionnelle, qui inquiète

Octave Odola
— 
Dans la Loire, entre Saumur et Angers, les berges devraient être immergées d'eau, mais la sécheresse frappe et les nappes phréatiques ne se remplissent pas.
Dans la Loire, entre Saumur et Angers, les berges devraient être immergées d'eau, mais la sécheresse frappe et les nappes phréatiques ne se remplissent pas. — SICCOLI PATRICK
  • L’hiver 2023 suit la même lignée que l’été 2022, particulièrement sec. La majorité des nappes phréatiques du pays ne parviennent pas à se remplir.
  • Face à cet évènement, en plein hiver, quatre départements (l’Isère, les Bouches-du-Rhône, le Var et les Pyrénées-Orientales) ont été placés en alerte renforcée.
  • Pour 20 Minutes, la climatologue Françoise Vimeux, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement, revient sur cet épisode de sécheresse hivernale.

Après avoir fait des ravages lors de la saison 1, l’été dernier, la sécheresse en France a envisagé une deuxième saison, d’ici quelques mois. Il faut croire que les scénaristes ont été trop impatients, car le show est arrivé bien plus tôt que prévu dans l’actualité. Plus sérieusement, après 32 jours consécutifs sans pluie à compter du 21 janvier, du jamais vu depuis le début des enregistrements en 1959, la situation semble déjà critique.

Les restrictions préfectorales d’usage de l’eau, habituellement prononcées en été, ont déjà touché quatre départements (l’Isère, les Bouches-du-Rhône, le Var et les Pyrénées-Orientales) en plein mois de février. L’usage de l’eau va-t-il désormais être restreint dès l’hiver ? Pour 20 Minutes, la climatologue Françoise Vimeux, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement, apporte son éclairage.

Pourquoi la situation est grave ?

Dans un bulletin de situation en date du 1er janvier, le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) a constaté des « niveaux très préoccupants sur une grande partie du territoire ». « La situation est plus grave que l’an dernier à la même époque et on a deux mois de retard sur la recharge des nappes phréatiques », a confirmé Christophe Béchu. Le ministre de la Transition écologique a prédit « entre 10 et 40 % d’eau disponible en moins » dans les prochaines années.

A cause du déficit de pluie, « les trois quarts des nappes phréatiques sont en dessous du niveau attendu à cette période », constate notre experte, qui rappelle qu’elles représentent une réserve d’eau potable de 60 à 70 %. « Certains écosystèmes aquatiques ou forestiers vont dépendre du niveau d’eau dans ces nappes », poursuit-elle.

D’ordinaire, les nappes ont profité de l’hiver, pour plusieurs raisons. « D’abord, il y a normalement des pluies volumineuses et continues. Ensuite, les températures en hiver sont plutôt basses, ça limite l’évaporation de l’eau des sols. Enfin, la végétation est en dormance. L’eau qui tombe peut s’infiltrer et atteindre les nappes phréatiques », détaille la climatologue. Sauf qu’avec la sécheresse de l’été 2022 et l’absence de précipitations actuelles, les sols secs ne se sont pas réhumidifiés et les niveaux n’ont pas été rehaussés.

Va-t-il falloir se serrer la ceinture, même en hiver ?

Le ministre de la Transition écologique a donné lundi aux préfets qui coordonnent les sept grands bassins du pays, une partie de la réponse. « Prenez les mesures qui permettent dès à présent de faire des économies d’eau », a recommandé Christophe Béchu, pour permettre de « s’assurer que la ressource en eau soit préservée pour cet été ».

Une étude scientifique menée par des chercheurs du CNRS et parue la semaine dernière a prouvé que la principale cause de l’épisode de sécheresse en France à l’été 2022 est le changement climatique. Une conclusion qui pourrait permettre de se préparer aux scénarios à venir.

« Le changement climatique va exacerber les phénomènes extrêmes comme les sécheresses. Il va y en avoir plus régulièrement, elles vont être plus intenses et surtout elles vont être plus longues. Avec une trajectoire de +3 degrés d’ici à la fin du siècle, on pourrait avoir en France des sécheresses qui dureraient plusieurs années de suite. Il va falloir vite s’adapter et mettre en place un plan pour les mois à venir », évoque notre spécialiste.

Placés au niveau d’alerte renforcé au 22 février, les particuliers des quatre départements concernés ont dû respecter des restrictions au niveau de l’arrosage des jardins, du lavage de voitures, etc... « Rassurez-vous, on ne pas vous interdire de boire de l’eau du robinet », précise la climatologue, alors que le ministère de la Transition écologique a estimé que près de 100 communes pourraient être concernées par une pénurie d’eau potable.

Quelles solutions pour faire face ?

Un seul mot-clé : l’adaptation, par exemple dans le secteur agricole, qui, comme le rappelle l’AFP, consomme 3,2 milliards de m3 d’eau par an sur les 30 disponibles. Soit moins que le refroidissement des centrales nucléaires ou la production d’eau potable, mais avec des besoins concentrés en été, là où la disponibilité est faible.

« Il y a plusieurs pistes possibles, notamment la diversification des cultures, une bonne gestion des sols qui va permettre de retenir l’eau, ou encore les techniques d’agroforesterie : planter des arbres fruitiers au milieu des champs de céréales pour apporter de l’ombre, couper le vent, apporter de l’humus. Les racines profondes des arbres vont aussi chercher l’eau pour la ramener au niveau de la surface », précise notre spécialiste.

La réponse politique, elle, est en cours. Présent samedi au Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron a appelé à un plan de « sobriété de l’eau ». « On sait qu’on sera confrontés, comme l’été dernier, à des problèmes de raréfaction (d’eau) : plutôt que de s’organiser sous la contrainte au dernier moment avec des conflits d’usage, on doit planifier tout ça », a commenté le chef de l’Etat.

En janvier, en présentant son plan antisécheresse, Christophe Béchu s’est fixé un objectif : diminuer de plus de 10 % le volume d’eau prélevée dans les sous-sols d’ici la fin du quinquennat, en 2027.