Lyon : « On est à la veille d’un scandale sanitaire important », s’inquiètent les paysans face aux polluants éternels

POLLUTION Des agriculteurs s’inquiètent d’une « catastrophe industrielle » qui va les toucher « durablement » après une haute concentration de Pfas, dits « polluants éternels » dans les sols, ce qui touche leur production

Elise Martin
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A Pierre-Bénite, les usines Arkema et Daikin sont deux sites de productions de Pfas (Illustration).
A Pierre-Bénite, les usines Arkema et Daikin sont deux sites de productions de Pfas (Illustration). — PASCAL GEORGE / AFP
  • Les études se multiplient au sujet des Pfas, ces per- et polyfluoroalkylées, appelés « polluants éternels » présents dans beaucoup d’objets du quotidien.
  • Deux usines de productions de ces polluants se situent à Pierre-Bénite, au sud de Lyon.
  • Des analyses des services de l’Etat ont montré récemment que les sols autour de ces usines étaient fortement contaminés, ce qui inquiète les producteurs.

« On est à la veille d’un scandale sanitaire important », s’exclame Jean-François Baudin, président du réseau régional des Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne). Il alerte les services de l’Etat depuis les premiers relevés de Pfas, perfluorés et polyfluorés, dans la commune de Pierre-Bénite, au sud de Lyon. Ces composés chimiques indestructibles sont appelés « polluants éternels », car ils ont été développés depuis les années 1940 pour résister à l’eau et à la chaleur.

Une enquête journalistique, publiée jeudi, a également révélé des sites contaminés en Europe, dont les « hot spots », ceux dont la concentration de ces produits toxiques détectée atteint un niveau que les experts estiment dangereux pour la santé, soit plus 100 ng/l. Pierre-Bénite en fait partie avec Arkema qui produit des Pfas et où 273.992ng/l ont été relevés et 16.054 ng/l pour l’usine d’à côté, Daikin.



« C’est très inquiétant de découvrir qu’il y a dans notre environnement des substances qui nous empoisonnent et qui peuvent accélérer ou être la source de maladies mortelles », affirme ce représentant des agriculteurs AMAP du Rhône. D’après l’agence européenne pour l’environnement, ces perfluorés et polyfluorés qui regroupent 4.700 produits chimiques, peuvent entraîner « des problèmes de santé tels que des lésions hépatiques, des maladies thyroïdiennes, de l’obésité, des problèmes de fertilité et des cancers ».

« Des dizaines de milliers de familles exposées »

Avant la publication de l’étude, les services de l’Etat avaient déjà fait des recherches sur cette zone géographique. Des substances chimiques ont alors été retrouvées dans les œufs et dans des légumes feuilles comme la mâche. « La fédération de pêche du département du Rhône a également fait des analyses sur les poissons qui ont conclu à des contaminations aux Pfas flagrantes et inquiétantes, poursuit le représentant de l’association. Elle déconseille de consommer les poissons pêchés dans le Rhône et le Garon. Cette catastrophe industrielle va donc toucher durablement les productions de nos paysans. »

Selon cette étude, les secteurs irrigués par le Syndicat mixte d’hydraulique agricole du Rhône (Smhar), sont également contaminés par ces polluants. « Ce qui veut dire que des personnes peuvent être touchées jusqu’en Camargue », lance Jean-François Baudin. Il estime alors qu’un « millier d’agriculteurs » sont concernés et, « par conséquent, des dizaines de milliers de familles sont exposées ».

Faire payer les usines et protéger les paysans

Le président du réseau régional Amap demande alors à l’Etat les moyens d’anticiper cette « crise » en accélérant les études et en mettant en œuvre des actions de dépollution. « Les agriculteurs bio, qui ont fait le choix d’avoir un impact moindre sur l’environnement en n’utilisant aucun pesticide néfaste pour la santé humaine et celle de la biodiversité, se retrouvent avec des polluants dans leur production, développe-t-il. Ce n’est pas de leur faute, c’est celle de ces industriels qui polluent. Les paysans sont inquiets, car ils ont peur qu’on se détourne de leurs produits en disant qu’ils sont impropres à la consommation. »

Il réclame la mise en place d’indemnités de la part d’Arkema et de Daikin envers ces paysans Amap si leur activité baisse à cause de ces relevés. « On ne peut pas continuer en toute impunité à polluer, à avoir un impact sur la vie des autres, sans qu’il y ait de conséquences. »

La Confédération paysanne du Rhône a, quant à elle, appelé les paysans à refuser les contrôles – qui se font sur la base du volontariat – de la Direction régionale de l’alimentation de l’agriculture et de la forêt (Draaf) sur les Pfas tant que « la préfecture ne propose rien en protection ou dédommagement si les contrôles sont positifs ». Elle demande également « d’anonymiser les résultats des analyses » en ne laissant que « les secteurs géographiques » afin de se « prémunir des préjudices subis ». « Il y a urgence à régler ce problème, à protéger les populations et les paysans », conclut-elle.