Incendies en Gironde : à Hostens, des galeries souterraines de lignite ont réussi à créer « un feu permanent »
PHENOMENE•D’importantes fumées se dégagent toujours du sous-sol du domaine départemental d’Hostens, sept mois après les grands incendies en GirondeMickaël Bosredon
L'essentiel
- En plein hiver, un feu couve toujours à Hostens, sur plusieurs centaines de mètres, dans le prolongement direct de l’incendie de Landiras de l’été 2022.
- Ce phénomène est rendu possible en raison de la présence de lignite en sous-sol, une sorte de charbon, qui à la faveur du manque de précipitations continue de se consumer.
- « Il n’y a pas de stratégie d’extinction pour ce type d’incendie, simplement car il n’y a pas d’autre référence en la matière » explique Franck Uteau, ingénieur à la direction environnement du département de la Gironde.
D’épaisses fumées qui s’échappent d’un sol fissuré de toutes parts, des températures de 380 degrés dans le sous-sol, et une odeur âcre qui attaque la gorge et monte rapidement à la tête… La scène est à peine croyable. En plein hiver, un feu couve toujours, sur plusieurs centaines de mètres, autour du lac de Bousquey à Hostens (Gironde). Un prolongement direct de l’incendie de Landiras de l’été 2022, il y a donc… sept mois de cela. Le feu qui avait ravagé 20.000 hectares de pin en juillet et en août, avait pourtant été déclaré officiellement éteint le 28 septembre dernier.
« Le feu a été éteint, hormis cette zone, qui est connue et bien délimitée autour du lac d’Hostens » confirme le patron des pompiers de la Gironde, Marc Vermeulen. « Nous sommes sur une ancienne mine de lignite [type de charbon utilisé pour générer de l’électricité], qui a servi à alimenter une centrale électrique à Hostens dès 1932, et dont l’extraction s’est arrêtée en 1960, explique Franck Uteau, ingénieur à la direction environnement du département de la Gironde. Il reste du lignite dans le sol, et à la faveur d’un système de galeries souterraines, d’appels d’air générés par un réseau racinaire qui se consume, nous avons un feu qui s’auto-alimente avec le vent, et tant qu’il n’y aura rien pour l’arrêter, il continuera de se consumer. »
Les autorités misaient sur les précipitations de l’automne et de l’hiver pour « noyer » le terrain, mais celles-ci ont été largement déficitaires. « Nous nous retrouvons ainsi avec un feu permanent » résume Franck Uteau. Inquiétant, quand on sait que la « saison » des incendies en Gironde, redémarre d’ordinaire dès le printemps sur le massif des Landes de Gascogne.
Risques de chute d’arbres et d’effondrement de terrain
Ce feu souterrain pourrait-il déclencher un nouvel incendie à la surface ? C’est la grande question. « Potentiellement oui » affirme Franck Uteau, qui indique qu’une souche d’arbre a pris feu il y a quelques jours, entraînant une intervention des pompiers. « Il y a un risque que cette situation favorise des reprises de feu au printemps, même si nous sommes sur un territoire qui a déjà brûlé, cela aurait donc peu de chance de s’étendre. »
Ce n’est pas tout. « Il y a un véritable danger de brûlure si l’on s’approche trop près, un risque de chutes d’arbre, et la qualité de l’air est altérée car nous avons du combustible lourd qui s’évapore » énumère Franck Uteau, qui rappelle que le site est fermé au public, même si des promeneurs n’hésitent pas à braver régulièrement cet interdit.
Les effondrements de terrain représentent un autre danger, et pourraient être fatals aux imprudents s’ils effectuaient une mauvaise chute. L’ingénieur affirme que, depuis le début de l’hiver, « la berge a déjà bougé de vingt centimètres à certains endroits », mesures rendues possibles par des relevés effectués via un drone équipé d’un lidar. Pis, ces effondrements pourraient « mettre au jour de nouveaux foyers enfouis plus profondément. »
Des zones à traiter « trop vastes » pour envisager de « noyer » le terrain
Quelle stratégie adopter face à cette situation ? La question fait débat. Le maire d’Hostens préconise de noyer cet incendie souterrain à l’aide de pompes positionnées dans le lac de Bousquey. Une solution « difficilement envisageable » pour le président du conseil départemental Jean-Luc Gleyze, surtout dans un contexte de sécheresse et de faibles réserves en eau. « Les zones à traiter sont trop vastes, la seule manière de noyer cet incendie est d’attendre une remontée des nappes phréatiques, soutient l’élu départemental. Pour l’instant ce n’est pas le cas, nous traitons donc les fumerons localement et nous surveillons attentivement la situation, pour éviter avant tout qu’un départ de feu atteigne une zone qui serait restée intacte. »
« La situation est sous surveillance, confirme le directeur du Sdis (Service départemental d’incendie et de secours), nous réalisons régulièrement des vols à l’aide de nos drones pour cartographier les risques et voir comment tout cela évolue. Nous verrons dans les prochaines semaines, en fonction de l’évolution de la météo, quels dispositifs complémentaires nous allons mettre en place. »
« Il n’y a pas de stratégie d’extinction pour ce type d’incendie, simplement car il n’y a pas de référence, explique de son côté Franck Uteau. Nous avons des exemples de mines de charbon qui continuent de se consumer depuis des décennies, comme à Centralia aux Etats-Unis ou à Jhara en Inde, mais du feu de lignite ça n’existe pas ailleurs. Noyer cet incendie est une option, comme d’autres, mais sans aucune garantie de succès. Après le départ de feu la semaine dernière, la zone tout autour a été noyée par les pompiers, et cela fume à nouveau aujourd’hui. »
Un refuge exceptionnel de biodiversité brûlé aux deux tiers
Sur le secteur de Bikini, le long du lac de Bousquey, le feu couve sur un linéaire de 400 mètres, mais ce n’est pas le seul endroit du domaine d’Hostens où des fumées ont été relevées. « Nous en avons aussi sur le secteur du petit lac de Bernadas sur 300 mètres de berge, et sur le secteur des Demoiselles » pointe Franck Uteau. Reste aussi à savoir jusqu’à quelle profondeur le feu s’enfonce. « On sait que le lignite a été exploité jusqu’à huit mètres de profondeur, dans la zone où se trouve aujourd’hui le lac de Bousquey. Sur la partie où ça brûle, nous sommes quand même en limite de gisement, nous espérons donc qu’il y ait moins d’épaisseur à cet endroit. »
Un projet de suivi du domaine départemental d’Hostens après les incendies a par ailleurs été mis en place. « Nous réalisons une mission thermique tous les mois, nous avons une mission d’observatoire photo, pour comparer le site avant et après l’incendie, et nous procédons à de la photographie aérienne pour faire un état des lieux écologique du site » explique encore l’ingénieur.
Refuge exceptionnel de biodiversité au milieu de la forêt des landes de Gascogne, le domaine départemental d’Hostens, qui accueille sur 750 hectares une base de loisirs et le plus grand espace naturel sensible de la Gironde, a été brûlé aux deux tiers après les deux incendies de Landiras. La partie réserve naturelle devrait rester fermée encore plusieurs mois.
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