Environnement : « L’Eco-score poussera une partie des consommateurs vers des achats plus durables »

INTERVIEW Au 1er janvier 2024, un Eco-score devra figurer sur les produits alimentaires et textiles. Entretien avec Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’Ecologie

Propos recueillis par Fabrice Pouliquen
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Berangere Couillard, secrétaire d'Etat à l'Ecologie lors d une interview, dans son bureau du Ministere de la Transition Ecologique, le 13 février 2023 a Paris.
Berangere Couillard, secrétaire d'Etat à l'Ecologie lors d une interview, dans son bureau du Ministere de la Transition Ecologique, le 13 février 2023 a Paris. — ISA HARSIN/SIPA
  • Gaz à effet de serre, consommation d’eau, pesticides, recyclabilité… Nos consommations ont de multiples impacts environnementaux, pas toujours bien connu des consommateurs.
  • Pour y remédier, la France instaurera, au 1er janvier prochain, un affichage environnemental obligatoire pour les produits des secteurs clés de l’alimentation et de l’habillement.
  • Reste à mettre tout le monde d’accord sur la méthode de calcul du score environnemental de chaque produit et la façon de le restituer aux consommateurs. La secrétaire d’Etat, Bérangère Couillard, fait le point pour « 20 Minutes ».

Mine de rien, le temps presse. Le gouvernement entend doter les secteurs de l’alimentation et du textile d’un affichage environnemental d’ici le 1er janvier 2024. En clair : un Eco-score, c’est-à-dire une note à l’image du Nutri-Score, sera apposé sur les produits pour renseigner les consommateurs sur les impacts environnementaux liés à leur fabrication.

Comment sera calculé ce score environnemental ? Et comment sera-t-il restitué aux consommateurs ? Une note sur 100, des lettres de A à E, des couleurs, la combinaison des trois ? « Ces points ne sont pas encore arrêtés », indique Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’Ecologie. Mais les concertations avancent, assure-t-elle, en se disant confiante sur la capacité à arriver à un affichage, dans les deux secteurs concernés, qui fasse consensus au 1er janvier prochain. Elle répond à 20 Minutes.



Pourquoi l’affichage environnemental est-il si important ?

C’est un outil clé dans la dynamique que nous voulons initier pour changer de modèle dans nos modes de consommation. Prenez le textile. Les Français renouvellent deux fois plus leurs vêtements qu’il y a vingt ans. Si on continue sur cette dynamique, ce secteur de l’habillement pourrait représenter un quart de nos émissions de gaz à effet de serre en 2050. Il nous faut changer de paradigme, sortir du tout jetable et de la fast fashion pour aller vers des modes plus vertueux. En ce sens, l’affichage environnemental a un rôle crucial à jouer, encore plus dans le textile où il y a assez peu de labels et où on n’imagine pas toujours les impacts environnementaux de nos vêtements. La fabrication d’un jean, par exemple, nécessite une consommation d’eau équivalente à 285 douches. L’affichage environnemental permettra cette prise de conscience et je suis certaine qu’elle poussera une partie des consommateurs vers des achats plus durables. Un récent sondage nous conforte dans cette idée : un tiers des Français sont prêts à le faire si on leur donne les bonnes informations.

Dans l’agroalimentaire, il y a déjà l’Eco-Score et le Planet-Score, des affichages environnementaux lancés à grandes échelles par des collectifs d’acteurs. En novembre, treize acteurs du textile se sont engagés à lancer le leur d’ici la fin 2023… Confirmez-vous qu’il n’y aura, in fine, qu’un seul affichage officiel ?

Oui, le but est bien de parvenir à ce que les secteurs du textile et de l’agroalimentaire aient chacun une méthode unique d’affichage environnemental. Et il sera obligatoire sur tous les produits concernés, au 1er janvier 2024. L’affichage environnemental n’a de sens que si la méthode de calcul des scores environnementaux est la même pour chaque produit et est la plus transparente possible. Sinon, on perd le consommateur et on perd en crédibilité.

Où en est-on dans l’élaboration de cet affichage officiel ?

Nous menons, en ce moment, des concertations avec toutes les parties prenantes. ONG, associations de consommateurs, représentants de producteurs… Sur le textile, j’ai réuni tous les acteurs du secteur en octobre. Depuis début février et jusqu’au 10 mars, on leur demande de répondre à un questionnaire dans lequel ils vont pouvoir exprimer leurs attentes. Nous en ferons le bilan, puis nous les recevrons tous à nouveau, mi-mars pour construire cet affichage. Le procédé est le même dans l’alimentaire. Dans les deux cas, l’objectif est d’arrêter une méthode de calcul et de restitution des scores d’ici cet été. Bien sûr, on pourra encore échanger sur les solutions retenues mais il faudra être prêt à les déployer au 1er janvier prochain.

Les impacts environnementaux de nos produits alimentaires et textiles ne se limitent pas aux gaz à effet de serre. Les synthétiser dans une même note globale n’est-ce pas mission impossible ?

C’est vrai, c’est complexe. Il faudra que l’étiquette apposée sur les produits soit la plus simple et la plus visible possible. C’est un premier enjeu mais pas le plus compliqué. Le plus difficile sera de s’accorder sur la bonne méthode de calcul, celle qui trouvera le bon équilibre entre tous les enjeux environnementaux : les gaz à effet de serre, la consommation d’eau, l’utilisation de pesticides, le bien-être animal, l’origine des produits, leur recyclabilité… Dans le textile, certains acteurs poussent par exemple pour qu’on favorise le « fabriqué en France ». De facto, ça le sera. Un jean 100 % made in France devrait logiquement avoir une meilleure note qu’un autre produit en Asie, puisqu’il aura engendré moins d’émissions de gaz à effet de serre liées à son transport et que les conditions d’utilisation de pesticides sont plus strictes chez nous. Pour autant, nous serons vigilants à ce que l’origine ne surplombe pas tous les autres enjeux. Car être fabriqué en France ne garantit pas toujours de méthodes de productions vertueuses. Et puis, même chez nous, un jean nécessite une consommation importante d’eau. Or, le but de l’affichage environnemental est justement de nous en faire prendre conscience et de nous inciter à les renouveler moins souvent. Il y aura d’autres défis du même style pour l’alimentaire.

Comment convaincre les acteurs qui ont lancé leur affichage environnemental ou s’apprêtent à le faire, de passer à la méthode officielle ?

Ces initiatives sont très positives. Toutes les expérimentations, les idées et les éclairages sont bons à prendre pour construire le futur affichage environnemental français. Et puis, ces projets permettent aux entreprises qui les portent d’anticiper les choses. Elles n’auront plus qu’à faire évoluer leur affichage pour reprendre celui qui sera adopté au 1er janvier. Je suis convaincue qu’on arrivera à trouver un mode d’affichage qui fera consensus. Les discussions se passent bien : beaucoup d’acteurs montrent leur envie de participer, de donner leurs avis et même donc d’expérimenter. Cela prouve que nous allons dans la bonne direction avec ce projet d’affichage et que les professionnels sont conscients de l’attente forte du consommateur.