Crise énergétique : Ces éleveurs de poulets traquent le soleil pour éviter de se faire plumer

Chicken Sun La coopérative des Poulets de Janzé vise l’indépendance énergétique avec l’installation de trackers photovoltaïques dans les champs

Camille Allain
Une soixantaine d'éleveurs de la coopérative des poulets de Janzé ont investi dans des trackers solaires comme celui-ci, implanté à Piré-Chancé, près de Rennes.
Une soixantaine d'éleveurs de la coopérative des poulets de Janzé ont investi dans des trackers solaires comme celui-ci, implanté à Piré-Chancé, près de Rennes. — C.Allain/20 Minutes
  • La coopérative des Poulets de Janzé a incité ses éleveurs à investir dans l’énergie photovoltaïque pour être autonomes en électricité.
  • Un choix qui se révèle payant pour les agriculteurs, confrontés à une forte hausse des prix.
  • Ces trackers permettent aux éleveurs de produire de l’énergie qu’ils utilisent en autoconsommation.

Quelques mètres cubes de béton, un solide poteau de métal et 117 mètres carré de panneaux solaires. Posé au milieu d’un champ enherbé d’une exploitation agricole de Piré-Chancé, au sud-est de Rennes, ce tout nouveau tracker photovoltaïque a coûté un peu plus de 50.000 euros à son nouveau propriétaire. Éleveur de poulets de Janzé, Nicolas Giboire n’a pourtant pas hésité longtemps à consentir cet investissement, tant il faisait sens à ses yeux. Confronté comme toute la profession à une flambée du coût de l’énergie, l’agriculteur peut désormais s’appuyer sur une production électrique solide qui devrait lui permettre d’être autonome à plus de 60 voire 70 %. « J’espère l’amortir en dix ou onze ans. Mais ce sera peut-être moins, ça dépendra beaucoup du prix de l’énergie », explique l’éleveur de 32 ans.

En ce froid lundi matin de février, Nicolas Giboire savoure le grand ciel bleu qui domine son exploitation mélangeant volailles et vaches laitières. Car depuis l’installation de ce fameux « tracker », l’éleveur peut surveiller en temps réel ce qu’il produit et ainsi adapter sa journée pour se brancher quand le soleil tape le plus fort. « J’ai changé certaines habitudes. J’ai programmé les chauffe-eau pour qu’ils s’allument en journée par exemple ». Pour la traite du matin, où sa consommation électrique est forte mais sa production faible, il peut compter sur un contrat de stockage avantageux proposé par Enedis. Bref, quand le soleil brille, l’éleveur jubile.



Le jeune agriculteur n’est pas le seul à avoir fait ce choix d’installer un tracker solaire. Au sein de sa coopérative des poulets de Janzé, qui regroupe 170 élevages, 64 autres installations ont été réalisées ces derniers mois. « La décision avait été prise avant la tourmente, mais avec les hausses de l’électricité, c’était devenu une évidence. Nous investissons pour être acteurs de notre autoconsommation et faire des économies d’énergie. D’autres éleveurs sont déjà intéressés », assure Marina Maussion. La nouvelle présidente de la coopérative a également fait le choix du tracker solaire pour fournir les cinq poulaillers de son exploitation en électricité. « On espère couvrir 100 % de nos besoins », assure-t-elle. Le véhicule électrique de la ferme est par exemple chargé en journée, avec une énergie 100 % renouvelable.

Une solution « sans subvention publique »

L’initiative collective de la coopérative émane d’un rapprochement avec la société OKWind, installée dans la commune voisine de Torcé (Ille-et-Vilaine). Fondée en 2009, l’entreprise est spécialisée dans l’installation de systèmes d’autoconsommation chez les particuliers et les agriculteurs. « Quand on produit de l’énergie, elle nous appartient. On a ainsi conscience qu’il faut mieux l’utiliser », explique son cofondateur Louis Maurice. Le président de la société se réjouit d’avoir trouvé une solution « qui a du sens » avec un modèle économique « sans subvention publique ».


Nicolas Giboire et son père ont investi dans un tracker photovoltaïque pour produire de l'électricité sur leur ferme à Piré-Chancé, près de Rennes.
Nicolas Giboire et son père ont investi dans un tracker photovoltaïque pour produire de l'électricité sur leur ferme à Piré-Chancé, près de Rennes. - C. Allain/20 Minutes

Le hic de l’histoire, c’est que les éleveurs de volailles sont davantage dépendants du gaz, essentiel pour chauffer leurs poulaillers. Une ressource dont le prix a flambé ces derniers mois, sur fond de conflit entre la Russie et l’Ukraine. « Nous ne sommes pas de gros consommateurs d’électricité », reconnaît Marina Maussion. Là aussi, sa coopérative a été maline, en investissant dans une unité de méthanisation, qui vient de produire ses premiers mètres cubes à Janzé. Cinquante-cinq éleveurs, dont 38 membres de la coopérative, sont réunis autour de ce projet qui leur offre un gaz plus vert et surtout moins cher.

Natif de la commune, le climatologue Jean Jouzel était présent pour apporter sa caution à ces deux projets. Pour le scientifique, ces investissements consentis par les agriculteurs vont dans le bon sens. « La France a pris du retard dans le développement des énergies renouvelables. Pour moi, leur développement passera par le dynamisme des territoires. Tout se passe dans le monde agricole car ce sont les agriculteurs qui sont propriétaires des terres ». Le milieu rural a décidément plein d’énergie à revendre.