Démolition du Signal à Soulac : « Dans l’appartement, on avait l’impression d’être dans un bateau », se souvient Marie

Reportage La destruction du bâtiment de 78 logements édifié en 1967, et devenu l’emblème de l’érosion côtière, a commencé ce vendredi à Soulac-sur-Mer

Elsa Provenzano
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La destruction de la résidence construire face à la mer en 1967 a commence ce vendredi 3 février 2023.
La destruction de la résidence construire face à la mer en 1967 a commence ce vendredi 3 février 2023. — E.Provenzano
  • Ce vendredi, la démolition de l’immeuble du Signal, devenu le symbole de l’érosion côtière, a commencé à Soulac-sur-Mer.
  • D’anciens propriétaires, indemnisés à 70 % de la valeur de leur bien, étaient présents et gardent une certaine rancune de la façon dont le dossier a été traité par l’Etat et la justice.
  • La ville compte régénérer le milieu dunaire, une que fois la dune sur laquelle l’immeuble était édifié, sera stabilisé. Elle espère aussi qu’on parlera davantage de sa plage que de cette résidence « verrue ».

« On avait un appartement tout au bout, au quatrième étage, pointe du doigt Danielle Duprat, 74 ans. Avec mon mari, on a acheté dans les années 1990 et personne ne disait alors qu’il y avait un risque d’érosion, il n’y a rien dans les actes qu’on a signé. »

Elle et beaucoup d’autres anciens résidents et habitants de Soulac sont venus assister avec émotion aux premières opérations de démolition du bâtiment Le Signal, construit en 1967 à 200 mètres de la mer et qui est maintenant à moins de 20 mètres des flots. Il faudra environ trois semaines pour faire tomber l’ossature en béton de la résidence qui a fait l’objet d’une opération de désamiantage, en 2019.



Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique avait fait le déplacement en Gironde pour ce premier coup de pelleteuse : « on met fin à une verrue et à un long combat mais il y a ensuite à regarder comment, partout ailleurs, la réalité du réchauffement climatique et son accélération nous conduisent aussi à prendre des décisions pour anticiper d’autres cas de ce type. » Le Signal, c’est vraiment l’exemple repoussoir, à éviter absolument.

Une accélération forte pendant les tempêtes de 2010 et 2014

« Quand on était dans son appartement on avait l’impression d’être dans un bateau, on voyait le phare c’était magistral ! », se souvient Marie, 77 ans, venue soutenir sa sœur Danielle, pour qui c’est un moment difficile. Installés à Bordeaux, Danielle et son mari venaient régulièrement dans leur appartement du Signal et à la retraite, ils y passaient six à sept mois. « Pour certains, cela devait être leur résidence principale après la retraite », souligne la septuagénaire.

Elle se souvient que les flots ont commencé à se rapprocher de plus en plus depuis 2005.  « Avant, c’était trois mètres par an à peu près et un peu plus lors des tempêtes », précise-t-elle. Les reculs du trait de côte subissent de grosses accélérations avec la tempête Xynthia en 2010 et les tempêtes de l’hiver 2014 qui vont conduire à l’évacuation des occupants de la résidence.  « J’ai consulté les archives départementales et dans les années 1930, des villas construites plus loin de la mer que le Signal avaient été détruites sur le front de mer mais on a construit devant », pointe Danielle Duprat, la gorge nouée.

« A moins de 20 mètres du rivage, il y avait un risque d’effondrement et notre cabinet de conseil nous a dit qu’il ne fallait pas le garder occupé, rappelle Xavier Pintat, le maire (LR) de Soulac-sur-Mer. Si on avait défendu d’une manière trop frontale (le Signal), on aurait pris le risque d’avoir une grosse érosion au nord de l’épi qui aurait pu couper la plage centrale en deux. »

« Du rêve au cauchemar »

Contraints à l’évacuation, les copropriétaires de la résidence se voient proposer en 2014, une indemnisation de 20.000 euros par logement par l’Etat, qu’ils jugent bien sûr très insuffisante. Le problème est que le fonds Barnier qui permet une indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ne prend pas en compte le risque dunaire. Ce vide juridique conduit les copropriétaires à mener un véritable parcours du combattant devant la justice.

Finalement, en décembre 2018, un amendement au budget 2019 débloque une enveloppe de sept millions d’euros qui permet d’indemniser les propriétaires à hauteur de 70 % de la valeur de leur bien. « 129.000 euros pour plus de 70 m2 avec vue sur mer si on m’en trouve un autre, sans les pieds dans l’eau, je le prends, ironise Danielle Duprat. Je suis écœurée de la façon dont on a été traités. C’est un rêve qui s’est transformé en cauchemar. » Si déjà plusieurs années ont passé, la rancune de cette copropriétaire qui s’est sentie abandonnée par les pouvoirs publics semble intacte.

« J’ai le sentiment qu’on met fin à un chapitre douloureux, d’abord pour les copropriétaires car il y a un préjudice moral mais aussi pour la ville, tente Xavier Pintat. On en avait assez d’être le symbole de l’érosion marine alors que juste à côté du Signal vous avez une des plus belles plages de la côte Atlantique, grâce à la gestion du trait de côte que l’on a faite. »

Lorsque le Signal aura été grignoté et mis à terre, il faudra une quinzaine de jours pour évacuer les gravats qui vont servir à reconstituer les passes d’accès au petit port de l’estuaire. Il faudra attendre après l’été, le temps que la dune se stabilise, avant d’y planter de la végétation adaptée. La municipalité a prévu de proposer deux belvédères à la place de la résidence mise sur le devant de la scène par de nombreux journaux télévisés. L’un pour découvrir la faune et la flore du milieu dunaire et l’autre face à la mer pour admirer le phare de Cordouan et, enfin sans obstacle, sa belle plage.