Qui sont les cocheurs, ces passionnés qui se prennent le bec pour des oiseaux rares ?

ORNITHOLOGIE Un documentaire de Baptiste Magontier, diffusé ce jeudi soir sur France 3 Bretagne, se penche sur cette communauté de doux dingues qui n’hésitent pas à traverser la France pour observer un oiseau rare

Jérôme Gicquel
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Cofondateur du site Cocheurs.fr, Antoine Rougeron a déjà observé 494 espèces d'oiseaux différentes en France dans toute sa carrière.
Cofondateur du site Cocheurs.fr, Antoine Rougeron a déjà observé 494 espèces d'oiseaux différentes en France dans toute sa carrière. — Antoine Rougeron
  • Passionnés d’ornithologie, les cocheurs sont un peu des collectionneurs d’oiseaux.
  • Ils se livrent une compétition féroce mais amicale en quête d’oiseaux rares, n’hésitant pas à traverser la France pour observer une espèce et la cocher.
  • A l’occasion de l’opération de comptage des oiseaux de jardins qui se déroule ce week-end, France 3 Bretagne diffuse ce jeudi soir le documentaire « Cocheurs » de Baptiste Magontier qui a suivi les traces de cette communauté un peu dingo.

Savez-vous faire la différence entre un pouillot de Pallas et un pouillot fitis, entre un bécasseau semipalmé et un bécasseau d’Alaska ? Si la réponse est « non », c’est que vous ne faites pas partie de la communauté des cocheurs. Derrière ce nom étrange se cache une tribu de passionnés d’ornithologie qui se livrent à une surprenante compétition en pleine nature. Leur but ? Observer le plus d’espèces d’oiseaux possibles pour les cocher ensuite et grimper au classement. Car oui, il existe bien un classement et même un règlement pour encadrer la discipline. Auparavant, celle-ci se pratiquait à l’aide d’un bon vieux guide ornitho dont on cochait les cases à chaque nouvelle espèce observée. Tout se fait désormais en ligne sur le site Cocheurs.fr qui fait office de référence en France. « On a lancé ce site en 2013 pour apporter un cadre à cette pratique, indique Antoine Rougeron, l’un des trois fondateurs. Car avant, il n’y avait aucune vérification et certains en profitaient pour gonfler leur score, c’était complètement bidon ! »

Le site compte aujourd’hui 1.600 inscrits, dont environ 500 particulièrement actifs. Des cocheurs fous qui n’hésitent pas à traverser la France entière en quête d’une nouvelle coche. Généralement, l’alerte est donnée sur Telegram ou Whatsapp par l’un des membres qui signale la présence d’un oiseau rare à tel endroit. Quand la nouvelle tombe, c’est alors la course pour se rendre le plus vite possible sur les lieux d’observation. Et tant pis si celui-ci trouve à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile. « Un soir, j’ai quitté Paris à 1 heure du matin en voiture pour aller observer un bruant à gorge blanche qui avait été signalé dans un petit village du Jura », raconte Baptiste Magontier.

580 espèces d’oiseaux sur le territoire

Pendant plusieurs mois, ce réalisateur a suivi les traces de cette communauté de doux dingues dont il raconte la passion dans son documentaire Cocheurs, diffusé ce jeudi soir à 23h45 sur l’antenne de France 3 Bretagne. « On pourrait croire qu’ils sont fous mais ce sont surtout des surdoués de l’ornithologique qui ont acquis des compétences incroyables », assure-t-il. A la sortie de son film en 2021, ce dernier s’est d’ailleurs pris au jeu. Avec 350 coches au compteur, il estime qu’il « commence à être un bon cocheur. » Mais il est encore loin de Laurent Spanneut, le GOAT français de la coche, qui a déjà observé 508 espèces d’oiseaux différentes sur le sol français durant toute sa carrière de cocheur.



Antoine Rougeron arrive deux rangs derrière avec 494 coches. « On progresse très vite au début et puis on stagne car il y a moins d’oiseaux à découvrir », assure-t-il. La France comptant environ 580 d’espèces d’oiseaux sur son territoire, il lui en reste néanmoins plusieurs dizaines à découvrir. Les plus rares bien sûr, celles que la communauté appelle les « blockers » comme le goéland ichthyaète ou le pélican frisé qui n’ont été observés qu’une seule fois en France. « Pour un cocheur, le rêve ultime c’est de découvrir une espèce pour la première fois en France, indique Antoine Rougeron. C’est un peu comme si un passionné d’astronomie découvrait une étoile, c’est le graal ! »

L’île d’Ouessant, « La Mecque de la coche »

Chaque cocheur qui se respecte a aussi son oiseau maudit. Celui pour qui on se tape des bornes et l’on va attendre pendant des heures pour peanuts. « Moi, c’est la bécasseau d’Alaska que j’ai loupée deux fois proprement, rigole Antoine Rougeron. Mais c’est ça qui rend la coche excitante aussi car on est sur du vivant et on ne maîtrise pas tout. » Baptiste Magontier s’est quant à lui mis en quête d’un vautour de Rüppell observé récemment entre la Lozère et l’Ardèche. « J’y étais déjà le week-end dernier et j’y retourne le week-end prochain », indique le réalisateur-cocheur, qui vit désormais en Normandie. Quand vient l’automne, toute la communauté ou presque se donne rendez-vous à la pointe bretonne, sur l’île d’Ouessant précisément. « C’est La Mecque de la coche, affirme Antoine Rougeron. L’endroit où l’on trouve le plus d’oiseaux rares. Mais il vaut mieux être dans le sud de la France quand c’est le printemps. »


Illustration d'un vautour de Rüppell, espèce observée récemment entre la Lozère et l'Ardèche.
Illustration d'un vautour de Rüppell, espèce observée récemment entre la Lozère et l'Ardèche. - N. Messyasz/SIPA

Comme toute passion, la coche demande donc d’avoir du temps. Mais aussi de l’argent, car il faut bien pouvoir payer les déplacements. Autant de trajets, souvent en voiture, qui ne sont pas sans poser un sacré dilemme à ces amoureux de la nature. « C’est vrai que ce n’est pas très écologique de traverser la France en voiture pour observer un oiseau », reconnaît Antoine Rougeron. Mais les mentalités commencent à changer au sein de la communauté. De plus en plus de cocheurs se limitent ainsi désormais à leur région pour l’observation des oiseaux. 

Sur le site Cocheurs.fr, de nouveaux classements plus verts ont également fait leur apparition comme le « zéro carbone » ou celui avec « émissions réduites ». « Et on fait désormais notre liste sur toute une vie et non plus sur un an comme avant », conclut Baptiste Magontier.

Un week-end pour compter les oiseaux des jardins

A l’initiative de la Ligue de protection des oiseaux, le grand public est invité à compter les oiseaux des jardins ce week-end. Il vous suffit pour cela de vous poser pendant une heure dans votre jardin, dans un parc ou sur votre balcon et de compter et de noter tous les oiseaux que vous observez. Pour les reconnaître plus facilement, des fiches sont à votre disposition sur le site de l’Observatoire des oiseaux des jardins. Il vous faudra ensuite transmettre vos données via un formulaire.