Chasse : Son interdiction le dimanche est-elle possible ?
COHABITATION Bérangère Couillard, secrétaire d’État à la biodiversité, doit présenter lundi un plan de 15 à 20 mesures pour sécuriser la chasse. Ira-t-on jusqu’à interdire la pratique le dimanche, comme le demandent les ONG ?
- C’est un sujet sensible qui revient régulièrement dans l’agenda politique : la sécurisation de la chasse et la bonne cohabitation entre chasseurs et promeneurs. Bérangère Couillard, secrétaire d’État à la biodiversité, présentera lundi une série de mesures sur ce sujet.
- La source principale d’inspiration sera le rapport publié mi-septembre par le Sénat. Il soumettait 30 mesures, renforçant notamment l’examen du permis de chasse ou en instaurant un certificat médical annuel pour les chasseurs, comme pour les autres sports avec arme.
- Mais, pour les associations de protection de la nature, une mesure est non négociable : la fin de la chasse le dimanche, « la journée, où il y a le plus d’accidents ». « La meilleure façon de mettre le bordel dans le pays », assure de son côté Willy Schraen, patron des chasseurs. Ambiance.
Cela devait être fin décembre, ça sera ce lundi à 11 heures. Bérangère Couillard, secrétaire d’État à la biodiversité annoncera une série de mesures en vue de sécuriser la pratique de la chasse en France.
Certes, depuis vingt ans, le nombre d’accidents de chasse a baissé de 46 % et celui des morts de 74 %, rappelle l’Office français de la biodiversité (OFB). Mais il a recensé 90 accidents lors de la saison 2021-2022. Ça reste 90 de trop, estime l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas). D’autant plus que dans le lot, huit ont été mortels. Et la saison en cours, démarrée en septembre, a déjà son lot de drames. « On compte 18 victimes dont un mort chez les non-chasseurs et 17 victimes dont deux morts chez les chasseurs », détaille Richard Holding, porte-parole de l’Aspas. Combien faudra-t-il de morts pour que le gouvernement réagisse enfin ? », interroge-t-il.
Sujet inévitable pour le gouvernement…
Ces dernières années, ce sujet de la sécurisation de la chasse revient régulièrement dans l’agenda politique. Y compris lors de la présidentielle, après la mort d’une randonneuse, tuée par une balle perdue lors d’une battue aux sangliers en février dernier dans le Cantal. Plusieurs candidats prônaient alors une interdiction de la chasse le dimanche, Yannick Jadot, le candidat EELV, allant jusqu’à évoquer tout le week-end et les vacances scolaires. Emmanuel Macron, lui, était parmi les candidats éludant le sujet.
La présidentielle passée, le sujet n’est pas retombée pour autant. Mi-septembre, le Sénat publiait un rapport comprenant trente propositions pour plus de sécurité à la chasse. Le 21 novembre, une quinzaine d’associations environnementales avaient aussi adressé un courrier à Emmanuel Macron pour lui demander deux jours sans chasse, dont le dimanche. Quelques jours plus tard, Charles Fournier, député EELV d’Indre-et-Loire, déposait une proposition de loi pour une chasse plus respectueuse de la nature et de ses usages. Les discussions à l’Assemblée nationale pourraient se tenir au printemps.
Fin de la chasse le dimanche, non négociable pour les ONG
Dans ce contexte, difficile, pour l’exécutif, de rester de marbre. Mais reste à savoir ce que Bérangère Couillard mettra exactement sur la table ce lundi. Une mesure est non négociable pour les ONG : la fin de la chasse le dimanche. « La moitié des accidents de chasse enregistrés ont lieu ce jour-là », justifie Richard Holding. « La Suisse, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal ont tous accordé un jour sans chasse voire plus, abonde Allain Bougrain Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Pourquoi la France resterait la dernière de la classe ? Ici aussi le contexte a changé et il est temps d’adapter les règles. Il y a de moins en moins de chasseurs – moins d’un million aujourd’hui- et, à l’inverse, de plus en plus de néoruraux et d’usagers de la nature (Vttistes, randonneurs, promeneurs du dimanche…) qui veulent en profiter en toute sérénité. » Ce ne serait pas le cas aujourd’hui, estiment les associations de protection de la nature. Dans le sondage Ifop qu’elles ont commandé et publié en début de semaine, 70 % des Français disent ne pas se sentir en sécurité lorsqu’ils se promènent dans la nature en période de chasse. « Et contrairement aux idées reçues, ce sont les ruraux qui apparaissent les plus inquiets », observe Allain Bougrain Dubourg.
Dès la semaine dernière, la LPO se montrait pessimiste, anticipant le « grand renoncement » sur la fin de la chasse le dimanche, les bruits de couloirs affirmant que la mesure serait écartée par le gouvernement. « C’est qu’en face, il y a le lobby de la chasse qui reste très puissant », peste Richard Holding. Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), ne s’en cache pas. « Je ne veux pas entendre parler de l’arrêt de la chasse le dimanche, pas même son expérimentation dans des territoires, assène-t-il. Ce serait la meilleure façon de mettre le bordel dans le pays. »
Quoi d’autres pour améliorer la sécurisation de la chasse ?
Pour autant, Willy Schraen assure que l’amélioration de la sécurité est la priorité des chasseurs. « Encore une fois, le nombre d’accidents baisse depuis 20 ans et est extrêmement faible malgré ce que l’on veut faire croire, commence-t-il. Et on travaille encore à les faire baisser. Nous avons commencé à appliquer la formation décennale [une remise à niveau de plusieurs heures sur les enjeux sécurité obligatoire tous les dix ans]. Nous ne nous opposerons pas, non plus, aux contrôles d’alcoolémie avant les parties de chasse, une mesure aussi dans l’air du temps. » Le patron de la FNC veut aussi travailler sur ce sentiment d’insécurité, « en améliorant la communication entre chasseurs et non-chasseurs », convient-il. Pour les assidus de nature (vttistes, joggeurs, randonneurs…), Willy Schraen est pour « le développement d’applications du type Waze » qui permettrait de signaler les chasses en cours ». Pour les promeneurs « occasionnels » du dimanche, il préconise bien plus de les orienter vers les territoires où ça ne chasse jamais. « Il y en a plein, assure-t-il. Le problème est qu’ils ne sont pas répertoriés et peu porté à la connaissance du grand public. »
Nul besoin d’aller plus loin ? Pour le Sénat, si tout de même. Son rapport de mi-septembre préconisait par exemple de renforcer l’examen du permis de chasser en rendant obligatoire la maîtrise des armes automatiques et une épreuve de performance de tir. Il proposait aussi de rendre obligatoire le certificat médical annuel pour les chasseurs, comme c’est le cas des autres sports avec armes. Autre demande : celle d’interdire l’alcool lors des parties de chasse, « alors qu’actuellement, chasser en état d’ébriété n’est pas formellement interdit », pointe le rapport.
Entre 15 et 20 mesures annoncées
C’est dans ce vivier de propositions que devrait piocher Berangère Couillard. « C’est une base intéressante, reconnait-on dans l’entourage de la secrétaire d’État. Mais la ministre mettra aussi sa patte, avec des mesures innovantes. » Le plan était toujours en cours de finalisation ce week-end et devrait comporter entre 15 et 20 mesures. Au cabinet de Bérangère Couillard, on le présente déjà comme historique. « On prendra toutes avancées sur la sécurisation de la chasse », indique Richard Holding qui préfère tout de même prévenir que le rapport du Sénat ne va pas assez loin. Il ne retient d’ailleurs pas l’idée d’un jour sans chasse au niveau national. On y revient ! « Tout est un peu gadget à côté de cette mesure », répète Allain Bougrain Dubourg.fwa