Climat : La moitié des glaciers de la planète disparaîtront d’ici à la fin du siècle

Vertigineux Une étude internationale prévoit la disparition de la moitié des glaciers d’ici à 2100. Tous ceux des Pyrénées sont condamnés à court terme. Et encore, il s’agit du scénario le plus optimiste

Hélène Ménal
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Une vue panoramique des glaciers de la face nord du mont Blanc. Illustration.
Une vue panoramique des glaciers de la face nord du mont Blanc. Illustration. — KONRAD K.
  • Une étude internationale parue jeudi dans la prestigieuse revue Science prévoit dans son scénario le plus optimiste que la moitié des glaciers de la planète auront disparu en 2100.
  • Un laboratoire toulousain a participé à ces travaux qui aggravent considérablement, grâce à la prise en compte de nouveaux phénomènes, les prévisions établies jusqu’ici.
  • Ces nouvelles données inquiétantes ne laissent aucun espoir aux glaciers des Pyrénées et assombrissent l’horizon de ceux des Alpes.

Un monde où il faudrait voyager jusque dans l’Himalaya, en Alaska ou dans l’Arctique russe pour avoir encore la chance d’apercevoir un vrai glacier. Il est décrit dans une étude internationale, à faire froid dans le dos, parue jeudi dans la prestigieuse revue Science. Ces travaux aggravent considérablement les prévisions disponibles jusqu’ici, y compris celles prises en compte dans le tout dernier rapport du Giec.

Dans le scénario le plus optimiste – celui d’une hausse globale des températures cantonnée à 1,5 degré –, les chercheurs estiment que 49 % des quelque 215.000 glaciers de la planète auront disparu en 2100. Dans l’hypothèse du pire, avec +4 degrés, 83 % des glaciers fondraient totalement. Sachant que le calcul qui tient la corde actuellement table sur un réchauffement d’environ 2,7 degrés, la réalité du moment se situe entre ces deux prévisions glaçantes, qui ont surpris jusqu’aux scientifiques qui les ont établies.

« Même dans le scénario le plus optimiste, les pertes de glace sont finalement plus fortes que ce qu’on attendait. L’équipe a surtout été étonnée des résultats en termes de nombre de glaciers disparus. Pour les petits glaciers inférieurs à 1 km2, les chiffres sont vertigineux », confie Etienne Berthier, glaciologue au Laboratoire d’étude en géophysique et océanographie spatiales (Legos*) de Toulouse. Ce dernier a fourni à l’équipe américaine ses observations satellitaires affinées, sur l’accélération de la perte de masse des glaciers entre 2000 et 2020. Globalement, elle passe de 14 % à 23 %.

Eviter la propagation

Par ailleurs, le modèle mathématique utilisé prend en compte deux nouveaux phénomènes. Le premier est la formation [le « vêlage »] des icebergs sur les fronts de fracturation des glaciers qui se terminent dans un lac ou dans la mer. Le deuxième est l’effet des débris sombres, rochers ou poussières, qui viennent couvrir les glaciers quand ils reculent, à l’image de ceux apparus dans la Mer de Glace du massif du Mont Blanc. « Ils peuvent avoir deux effets contradictoires, explique le chercheur toulousain. Soit la couche de poussière est très fine, elle assombrit le glacier, il capte mieux l’énergie solaire et il va fondre plus vite, c’est l’effet albédo. Soit, quand cette couche devient plus épaisse et dépasse quelques centimètres, elle devient isolante et empêche la fonte de la glace située en en dessous ».



Si le bouleversement futur de nos paysages de montagne est inéluctable, les auteurs des travaux veulent entretenir une touche d’optimisme. « Il est trop tard pour les petits glaciers mais pas trop tard pour éviter que cette perte se propage à toutes les régions glaciaires, assure Etienne Berthier. Maintenir la hausse des températures à des niveaux raisonnables compris entre +1,5 et +2 degrés, permet de préserver les plus grands glaciers des hautes altitudes. Et cela passe par la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. »

« Dans les Pyrénées, l’affaire est pliée »

Mais il sera toujours trop tard pour les Pyrénées où « l’affaire est pliée », selon le glaciologue, bien conscient d’être un oiseau de mauvais augure. « La vingtaine de glaciers qui reste est condamnée. Ils auront disparu d’ici dix à vingt ans », prédit-il. Pour les Alpes, il entretient une lueur d’espoir : « Il y a quand même des différences entre les scénarios. Si on arrive à maintenir la hausse des températures à seulement 1,5 degré, on conservera 15 % des glaciers. En revanche si on suit un scénario de hausse de 4 degrés, c’est quasiment 99 % des glaciers qui disparaîtront. ».

Evidemment, les travaux s’accompagnent d’une « fourchette » pour l’élévation du niveau des eaux due à la fonte des glaciers. Elle se situe entre 9 et 15,4 cm, mais ne tient pas compte de la fonte des calottes glaciaires ou de la dilatation des océans. Dans ce domaine, la prévision globale du Giec est d’une montée des eaux de 60 à 80 cm d’ici la fin du siècle, avec les risques de submersions qui vont avec.

Etienne Berthier attire aussi l’attention sur le rôle de « châteaux d’eau » que tiennent les glaciers avec leur capacité à stocker l’eau l’hiver sous forme de neige et à la restituer en aval l’été « au moment où les écosystèmes en ont le plus besoin ». Au-delà des paysages et du tourisme, ce sont des pans entiers de l’économie et de la vie montagnarde qui sont menacés.

* CNRS/Cnes/IRD/université Paul-Sabatier