Pays-de-la-Loire : « Plus d’un tiers des papillons sont considérés comme éteints ou menacés »

INTERVIEW La première liste rouge régionale des papillons confirme le déclin d’un certain nombre d’espèces

Le Grand nègre des bois serait en danger critique.
Le Grand nègre des bois serait en danger critique. — Antoine Avrilla
  • Sur les 114 espèces de papillons évaluées dans la région Pays-de-la-Loire, 13 sont considérées comme disparues, 9 en danger critique, 16 en danger, et 8 vulnérables.
  • Entretien avec Amélie Roux, chargée de projet Territoire et biodiversité au Conservatoire d’espaces naturels (CEN), qui a coordonné la liste rouge.

Il y a le Tircis, ce petit papillon brun que l’on croise en forêt, les blancs encore nombreux dans nos jardins, ou encore le Paon du jour avec ses taches sur les ailes qui ressemblent à des yeux… Mais pour une grande partie de leurs congénères, ça ne va pas très fort dans la région. Coordonnée par le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) des Pays-de-la-Loire et le Groupe d’études des invertébrés armoricains (Gretia), la première liste rouge des papillons de jour à l’échelle du territoire vient de paraître, après un travail effectué ces dernières années sur la base de près de 430.000 données. Et les résultats ne sont pas très bons, explique Amélie Roux, chargée de projet Territoire et biodiversité au CEN. Entretien.

Quels sont les grands enseignements de cette première liste des rouges des papillons dans les Pays-de-la-Loire ?

Nos experts constataient un déclin à l’échelle de la région, mais on ne s’attendait pas à ce qu’il soit aussi important : sur les 114 espèces évaluées, 13 sont considérées comme disparues, 9 en danger critique, 16 en danger, 8 vulnérables… Plus d’un tiers des papillons sont considérés comme éteints ou menacés de disparition. De mauvais résultats qui s’expliquent principalement par trois facteurs.

D’abord, la situation géographique des Pays-de-la-Loire, région qui se situe à l’interface entre le climat continental et le climat atlantique : cette limite d’aire de répartition rend les espèces plus fragiles qu’ailleurs. Il y a aussi l’intensification des pratiques agricoles, l’étalement urbain, l’uniformisation des paysages, etc. qui dégradent leur habitat ou les fragmentent. Certains papillons qui fonctionnent en métapopulation, c’est-à-dire qu’ils ont besoin d’être plusieurs à proximité, se trouvent isolés, ce qui peut aussi favoriser leur disparition. Enfin, le climat peut aussi jouer un rôle dans l’extinction de certaines espèces. Même si à l’inverse il peut en faire apparaître d’autres, des espèces méditerranéennes qui vont peu à peu remonter.


Que peut-on faire pour les espèces de papillons qui se trouvent aujourd’hui en danger critique ?

Pour les protéger il fallait déjà leur attribuer un statut, ce qui est fait. L’objectif est a minima de maintenir les populations, l’idéal serait de les accroître. Pour cela, il nous faut d’abord continuer à acquérir des connaissances, les recenser, sans oublier le volet préservation, en protégeant l’espèce et son habitat, avec une gestion adaptée du site. Parlons par exemple d’une espèce assez emblématique, l’Azuré des mouillères, qui est en danger critique. Si ce papillon apprécie les milieux humides, son aire de répartition ne fait que diminuer à tel point qu’on ne le retrouve désormais qu’en vallée des Cartes entre le Maine-et-Loire et la Sarthe.

On a une population de plusieurs centaines d’individus que l’on tente de maintenir grâce à une gestion appropriée du site, notamment en favorisant les plantes hôtes. Elles sont nécessaires à leur cycle de vie car c’est là où se développe la chenille du papillon pour grandir. L’Azuré des mouillères y pond, la chenille va consommer la plante. Elle va ensuite descendre au sol et être prise en charge par un certain type de fourmi.



Quel est l’impact de la disparition des papillons sur la biodiversité ?

Les papillons de jour sont des pollinisateurs, aident à la reproduction des plantes à fleurs, donc leur disparition peut amener un risque de voir disparaître certains cortèges d’espèces végétales. C’est aussi une ressource alimentaire pour les oiseaux, chauve-souris, etc., donc on comprend qu’il y a là aussi un impact. En attendant, il faut toujours continuer les inventaires car on ne cessera jamais d’améliorer nos connaissances, de découvrir de nouvelles populations… Il y a parfois de bonnes surprises, comme avec le Grand nègre des bois considéré comme disparu en région au vu des dernières données qui dataient de 1988. Entre-temps, on a eu un témoignage de sa présence en 2015 puis en 2021. Cette espèce serait donc plutôt en danger critique.