ZFE à Bordeaux : « Il paraît peu envisageable d’interdire les véhicules Crit’Air 3 dès 2025 », avance la métropole

CIRCULATION Le calendrier « volontariste » envisagé à un moment par Bordeaux Métropole concernant l’interdiction de circulation des véhicules polluants, a peu de chance d’être adopté au regard de la crise économique

Mickaël Bosredon
Embouteillage aux abords du pont Jacques Chaban-Delmas à Bordeaux. -
Embouteillage aux abords du pont Jacques Chaban-Delmas à Bordeaux. - — S. ORTOLA
  • A un moment envisagée dès le 1er janvier 2025, l’interdiction de circulation des véhicules Crit’Air 3 (diesel d’avant 2011 et essence d’avant 2006) ne devrait pas se faire avant 2027.
  • Pour les critères 4 et 5 (diesel d’avant 2006 et les essence d’avant 1997) la métropole se dirige vers une interdiction dans le courant de l’année 2024, mais avec une phase « pédagogique » dans un premier temps.
  • Rien n’est toutefois encore arrêté, et l’élu Modem Fabien Robert alerte de son côté sur le caractère « explosif » de ce dispositif, surtout si les mesures d’accompagnement pour les ménages concernés ne sont pas au rendez-vous.

On entre dans le vif du sujet. Après plusieurs métropoles comme Strasbourg, Grenoble ou Toulouse, ce sera bientôt au tour de Bordeaux de mettre en place une ZFE, Zone à faibles émissions, en application de la loi « Climat et résilience. » La ZFE doit exclure progressivement de la circulation des grandes métropoles, les véhicules les plus polluants.

Avant d’acter définitivement les modalités et le calendrier, Bordeaux Métropole entame ce mois-ci une phase de consultation du grand public, qui va démarrer mercredi 16 novembre avec un stand à Parempuyre, et se poursuivra avec une réunion publique à Bordeaux le 22 novembre.

Sujet hautement sensible, car potentiellement explosif au niveau social, la ZFE promet d’être un terrain d’affrontement entre les différents clans politiques de l’assemblée métropolitaine. Leader du Modem départemental, l’opposant Fabien Robert a décidé de démarrer les hostilités, en lançant ce jeudi une campagne d’affichage : « ZFE = Interdiction de circuler ? Moins polluer sans exclure, c’est possible. » Il recevra samedi le député Modem des Yvelines Bruno Millienne, qui a rendu une mission flash sur les mesures d’accompagnement des ZFE, avant d’aller à la rencontre des habitants et des élus.



« Attention à l’acceptabilité de cette mesure »

Comment la majorité écologiste et socialiste de Bordeaux Métropole, envisage-t-elle le déploiement de la ZFE, sachant que sa mise en œuvre doit intervenir au plus tard le 1er janvier 2025 ? On sait déjà que son périmètre se situera à l’intérieur de la rocade, celle-ci n’étant pas incluse dans le dispositif. « Deux propositions de calendrier ont été présentées aux élus, explique Claudine Bichet, vice-présidente EELV en charge du climat, de la transition énergétique et de la santé, avec dans les deux cas une première phase courant 2024 qui ne concernera que l’interdiction des véhicules Crit’Air 4 et 5 [c’est-à-dire les moteurs diesel d’avant 2006 et les essence d’avant 1997], soit 10 % des véhicules qui circulent dans la métropole. Après, nous avons un scénario qui inclut dès 2025 les Crit’Air 3 [diesel d’avant 2011 et essence d’avant 2006] et un autre plus progressif où elles ne seraient concernées qu’en 2027. »

Si l’élue assure « qu’à ce stade aucune décision n’a été prise », l’opposant Fabien Robert s’inquiète de son côté de ces options. « Je suis pour la ZFE, explique-t-il, mais suivant comme il est traité ce sujet peut être rejeté, voire provoquer l’indignation, notamment au sein de certains territoires. Au regard de la crise économique que nous traversons, il faut adapter le calendrier, et décaler au 31 décembre 2024 l’interdiction de circulation des Crit’Air 4 et 5, et à 2027 voire 2028 celle des Crit’Air 3. 38 % des ménages les plus pauvres possèdent une Crit’Air 4 ou 5, contre 15 % en moyenne des ménages métropolitains. On voit donc bien que les premiers qui seront touchés seront les ménages les plus pauvres. On a connu les "gilets jaunes", je dis : attention à l’acceptabilité de cette mesure. »

La pollution de l’air cause « 600 morts par an » sur la métropole

« Si on veut vraiment un impact significatif sur la qualité de l’air, les Crit’Air 3 sont la charnière, et c’est à partir de leur interdiction que l’on va mesurer de vrais bénéfices », analyse de son côté Claudine Bichet, qui rappelle que la pollution de l’air sur la métropole est responsable de « 600 morts par an avec un coût associé de 300 millions d’euros. »  « Mais il est vrai que dans le contexte actuel, nous avons conscience que cela paraît peu envisageable d’interdire les Crit’Air 3 dès 2025. Toutefois, le sujet reste ouvert, et nous avons la volonté d’en discuter. »

Pour les véhicules Crit’Air 4 et 5, le scénario le plus plausible serait « de démarrer leur interdiction de circulation courant 2024, mais avec une phase pédagogique dans un premier temps, pour être prêt le 1er janvier 2025, sachant que le système de contrôle automatisé que doit mettre en place l’Etat, ne sera pas prêt avant le second semestre 2024. »

La situation sur les bornes de recharge électrique « catastrophique »

Parallèlement, il faudra accompagner financièrement les ménages concernés au changement de leur véhicule, et l’élue écologiste pointe « les manquements de l’Etat en la matière » qui vont contraindre la métropole à sortir de sa poche autour de 40 millions d’euros. « Par ailleurs, les extra-métropolitains ne seront pas aidés au même niveau que les métropolitains, ce qui nous pose un sérieux problème d’équité dans le traitement des habitants. Tout ne s’arrête pas aux frontières de la métropole, c’est un sujet d’aire métropolitaine. »

Fabien Robert rappelle de son côté que le chef de l’Etat a annoncé son intention d’aider les ménages les plus modestes à acquérir un petit véhicule électrique pour 100 euros par mois. « Mais quid des bornes de recharge, demande-t-il. La situation sur la métropole est catastrophique, et cela n’a pour l’instant aucune chance d’être résolue puisque l’ambition de la majorité est la mise en place de 20 stations en 2023, et une « montée en puissance » en 2024 avec 25 stations… Quand est-ce qu’on va appuyer sur l’accélérateur ? Et je ne parle même pas du plan mobilité de la métropole, qui n’est pas au niveau. »

La vice-présidente EELV défend le rétrofit et le bio-GNV

Claudine Bichet défend de son côté « le retrofit des véhicules [passage des véhicules thermiques à l’électrique] plutôt que l’achat systématique d’un véhicule électrique neuf, et le bio-GNV pour les véhicules les plus lourds. » « Il n’y a pas que l’électrique, qui n’est pas la solution miracle. » Elle défend par ailleurs un plan mobilité « ambitieux », même si « la mise en œuvre d’infrastructures de transport prend du temps, reconnaît-elle. Et nous souhaiterions que sur le sujet des infrastructures ferroviaires, l’Etat investisse davantage également. »

Après la phase de consultation qui se tiendra dans les 14 villes de la métropole concernées, jusqu’à la fin du premier trimestre 2023, les décisions sur la mise en œuvre de la ZFE seront prises dans le courant de l’année prochaine.

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