Sécheresse dans les Alpes-Maritimes : Pourquoi des fissures peuvent apparaître sur les murs des bâtiments ?
CONSEQUENCES En quelques semaines, les demandes de communes de classement en catastrophe naturelle pour sécheresse explosent auprès de la préfecture
- Avec la sécheresse, de nombreux habitants de communes des Alpes-Maritimes ont constaté des fissures dans leur mur de maison.
- Les maires ont alors déposé des demandes en classement de catastrophe naturelle de leur commune pour permettre à leurs administrés d’être pris en charge par leur assurance au niveau des travaux à réaliser.
- Ces phénomènes sont dus aux sols où les habitations ont été construites, qui sont argileux. Avec la sécheresse puis les pluies intenses, la terre s’est rétractée et s’est regonflée, ce qui a créé les dégâts effectivement constatés, explique un architecte spécialisé dans le domaine.
« J’ai des demandes tous les jours. On en est à 150 aujourd’hui mais d’ici vendredi, ça montera facilement à 170 », s’exclame Jean-Bernard Mion, maire de La Colle-sur-Loup. En quelques semaines, des habitants de cette commune des Alpes-Maritimes, qui en compte presque 7.900, ont constaté « des fissures de plusieurs centimètres, parfois à plusieurs endroits sur leur maison », précise l’élu à la tête de cette ville depuis huit ans, qui assure vivre « une situation exceptionnelle ».
Une situation due à la sécheresse selon eux. Le maire va alors déposer à la préfecture une demande de classement de catastrophe naturelle pour permettre à ses « administrés de réaliser les travaux nécessaires pour leur sécurité ». « Ce classement est important pour les prises en charge des assurances, poursuit-il. La plupart des personnes qui constatent ces dégâts sont des retraités avec une faible pension et ne peuvent pas engendrer ces coûts importants. »
Un classement en « catnat » pas automatique
Mais une requête en préfecture ne signifie pas un classement en catastrophe naturelle (catnat) automatique. « Les demandes communales seront instruites en 2023 par le ministère de l’Intérieur, après envoi du rapport météorologique de Météo-France sur le phénomène, généralement au cours du premier semestre. L’analyse des dossiers sécheresse s’effectue par saison ou trimestre, afin de tenir compte de la cinétique lente du phénomène », précisent ainsi les services de l’Etat.
En 2019, douze avaient été enregistrées dans le département pour cette même cause et toutes avaient été rejetées. Pareil en 2020 et 2021, où six et onze dossiers avaient été déposés, une demande est encore en cours d’instruction.
D’après la préfecture, vingt communes ont fait des demandes pour cette année. Un nombre qui évolue aussi très rapidement. En une semaine, il a été multiplié par deux mais c’est encore peu comparé à 2017, où 48 communes avaient demandé la reconnaissance de canat pour la sécheresse, 70,83 % d’entre elles ont été reconnues, précise encore la préfecture.
Les sols argileux en cause
La situation dans les Alpes-Maritimes est effectivement particulière. Yves Justin, architecte et membre de la fondation Architectes de l’urgence, détaille : « Tout provient de la nature des sols. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a trouvé plusieurs zones d’argiles localement. Plus cette matière est sèche, plus elle se rétracte. C’est-à-dire que si un bâtiment est construit sur cette terre glaise, il peut descendre jusqu’à moins 60 cm. Mais il suffit de la moindre pluie pour qu’elle regonfle énormément. Et c’est ainsi que les fissures se créent. » En résumé, plus la différence entre la période de pluie et la période sèche est grande, plus les risques de dégâts sur les bâtiments sont grands.
A cela s’ajoute « la raréfaction des terrains ». « On a construit en zone argileuse faute de place et avec des matériaux qui jouent un rôle dans la fragilité des bâtiments, explique le spécialiste. Le bois est plus flexible que le béton ou la pierre et résiste donc mieux aux mouvements. On constate que les bâtiments contemporains se déforment plus facilement que les anciens mais qu’ils sont plus facilement réparables. »
Prévenir plutôt que guérir
Et pour réparer, c’est effectivement coûteux, confirme Yves Justin. Les techniques utilisées consistent à « injecter de la résine dans le sol ou installer des pieux métalliques, en béton, qui viennent se placer sous les bâtiments ». Afin de se prémunir de ces travaux, l’architecte souligne : « Avant d’établir un projet, il faut faire un sondage du sol, même s’il y a un coût supplémentaire, ça évite d’autres dépenses par la suite. »
Il ajoute : « Il faut toujours tenir compte du terrain. Pourquoi pas utiliser un radier, une plateforme stable, pour garder une homogénéité mais en pente, ça peut aggraver le phénomène. » Une spécificité courante dans l’arrière-pays niçois. « Il y a pas mal de zones argiles gonflantes mais également alluvionnaires, qui ont les mêmes effets face à l’eau », dit-il.
Et ces phénomènes pourraient s’accentuer. « D’après le Grec, le Giec local, les prédictions donnent de plus fortes précipitations dans les années à venir. » Selon l’expert, il faut alors davantage sensibiliser les corps de métiers qui bâtissent mais aussi le grand public sur « la culture du risque ». « Mettre en place des signaux de mémoire comme des stèles avec des repères de crues est très efficace, surtout localement où on a vécu de graves inondations. »