Le grand cormoran mieux protégé, les pêcheurs voient rouge
BIODIVERSITÉ Un arrêté du ministère de la Transition écologique vient de restreindre les conditions de régulation de cet oiseau, véritable cauchemar des pêcheurs
- Espèce protégée, le grand cormoran peut être chassé pour limiter son impact sur les populations de poissons.
- Un arrêté vient toutefois d’interdire l’abattage des grands cormorans dans les zones d’eaux libres.
- Furieuse, la Fédération nationale de pêche en France va attaquer l’arrêté.
Le Phalacrocorax carbo sinensis peut crier victoire. Plus connu sous le nom de grand cormoran terrestre, l’oiseau vient de sauver ses plumes grâce à un arrêté pris par le ministère de la Transition écologique. Daté du 19 septembre, le texte restreint drastiquement les conditions de régulation du grand cormoran. Protégée, l’espèce pouvait en effet être chassée afin de limiter ses dégâts sur les populations piscicoles. Tous les trois ans, les préfets de chaque département fixaient ainsi des quotas de cormorans pouvant être abattus autour des zones de pisciculture et sur les eaux libres. Entre 2019 et 2022, près de 151.000 cormorans ont ainsi été tués sur l’ensemble du territoire.
Mais le nouvel arrêté limite désormais la régulation aux seules zones de pisciculture, interdisant de fait l’abattage des cormorans dans les rivières et les étangs jusqu’en 2025. Un revirement qui fait suite à plusieurs victoires obtenues par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) devant la justice.
Un manque de preuves scientifiques
Dans une quinzaine de départements, l’association a en effet réussi à faire annuler l’arrêté précédent, faute de preuves scientifiques suffisantes sur l’impact du grand cormoran sur les populations de poissons. « Il est facile de blâmer les cormorans pour le déclin des populations de poissons, mais la réalité est beaucoup plus complexe », souligne la LPO, listant comme raisons « les espèces envahissantes, le changement climatique, la mauvaise qualité de l’eau, la pollution ou l’eutrophisation ».
Comme pour le choucas, les associations de protection de la nature estiment aussi qu’il existe des solutions moins radicales que l’abattage des cormorans pour protéger les poissons, comme des filets ou des moyens de dissuasion sonores et visuels. « Le grand cormoran est une espèce naturellement présente en Bretagne, intégrée à l’écosystème régional, souligne Barbara Deyme, de Bretagne Vivante. Sa destruction, au contraire de l’objectif recherché, peut générer d’autres impacts sur les populations proies ou diverses espèces, et déséquilibrer ainsi le milieu. »
L’arrêté va être attaqué par les pêcheurs
Du côté des pêcheurs, en revanche, la colère ne retombe pas. Car, à leurs yeux, le grand cormoran est bien « un prédateur » qui fait des ravages dans les étangs et les rivières, avalant quantité de poissons. « Alors que les effectifs sont en hausse, pourquoi le ministère accorde-t-il une importance prédominante au bon état des cormorans en dépit de celui d’espèces piscicoles tout aussi protégées telles que saumons, anguilles, brochets », s’interroge dans un communiqué la Fédération nationale de pêche en France (FNPF).
En pétard, ses administrateurs n’ont pas tardé à réagir en décidant « à l’unanimité » d’attaquer l’arrêté du ministère de la Transition écologique. « Nous ne comprenons pas cette décision décorrélée de la réalité du terrain », fulmine Claude Roustan, président de la FNPF, qui a demandé un entretien avec le président de la République.
En guise de représailles, les pêcheurs ont également approuvé « la séquestration » de la redevance milieux aquatiques versée par les pêcheurs « pour un montant approximatif de huit millions d’euros » et du règlement des baux de pêche publics. « Suite à ces premières décisions d’ampleur, la FNPF ne s’interdit en rien d’autres actions fortes à l’avenir », prévient-elle.