Bordeaux : Expérimenté sur les quais, le fret fluvial ne coule pas encore de source

Transports A Bordeaux, des liaisons ont été organisées lors d’un test mais l’acheminement régulier de marchandises via la Garonne n’est pas encore à l’ordre du jour

Elsa Provenzano
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Un déchargement de denrées alimentaires acheminées par voie fluviale a eu lieu sur les quais de la Garonne à Bordeaux ce mercredi.
Un déchargement de denrées alimentaires acheminées par voie fluviale a eu lieu sur les quais de la Garonne à Bordeaux ce mercredi. — E.Provenzano
  • Ce mercredi, une série d’expérimentations liées au fret fluvial et à la logistique urbaine du dernier kilomètre était menée à Bordeaux.
  • L’occasion de réunir tous les acteurs pour identifier les problèmes techniques et y trouver des solutions.
  • Métropole, ville et acteurs privés espèrent accélérer dès que possible sur ce dossier alors que le fret permet de sortir des camions des routes.

Une grue qui décharge des denrées alimentaires sur les quais de Bordeaux, ce n’est pas tous les jours qu’on voit ça. Ce mercredi, un test de fret fluvial était organisé par la métropole et la ville de Bordeaux avec différents acteurs, dont le collectif Garonne Fertile qui réunit producteurs, transporteurs, restaurants, etc. Les colis venus du Lot-et-Garonne par le fleuve ont été pris en charge par des vélos cargos pour les trajets les plus courts et des camionnettes pour les plus longs. Une alternative exemplaire pour gérer le fameux dernier kilomètre, tout en diminuant les émissions de CO2 et en désembouteillant les centres urbains. Après l’expérimentation de juin 2021, l’idée est de rentrer dans le vif du sujet de la logistique urbaine fluviale, même si beaucoup d’obstacles restent à franchir.

Des quais conçus pour la promenade

« Est-ce qu’on peut techniquement faire du transport de marchandises à Bordeaux ? C’est la question du jour », résume François Le Gac, directeur de la mission fleuve à la métropole bordelaise. Trois types de déchargement ont été testés en positionnant des grues depuis un bateau, un ponton et les quais. Différentes marchandises (matériaux, colis alimentaires et déchets) ont aussi été acheminées. Si les quais bordelais ont eu une vocation économique pendant longtemps, ils ont depuis été réaménagés pour la promenade et l’accostage de bateaux touristiques. Le flux des passants et transports doux devra forcément être pris en compte, dans un volet sécurité.

Le classement du secteur à l’Unesco complique aussi l’aménagement d’éventuels quais de déchargement car l’architecte des bâtiments de France doit donner son feu vert. Il faut également prendre en compte les spécificités de la Garonne et en particulier les variations de niveaux, de deux à six mètres, en fonction des marées. « L’idée c’est de donner lieu à une grille d’analyse fondée pour établir un cahier de charges et mettre en place un circuit logistique pérenne », précise François Le Gac.

Des « acteurs impatients »

« Nous avons des camions poids lourds qui rentrent tous les matins dans l’hypercentre (à 3 ou 4 heures du matin pour éviter les bouchons) pour collecter les denrées alimentaires jusqu’à Bassens (située près du fleuve), explique Daniel Folz, directeur de Restovalor, une société qui transforme les invendus alimentaires en biogaz et engrais. Et, on a un projet de précollecte à vélo cargos dans les restaurants dont les chargements pourraient ensuite être acheminés par bateaux ». Une solution de fret serait un gain de temps considérable pour cette PME de Cenon, près de Bordeaux.



Christophe Delpino, qui représente les 25 magasins Biocoop de la Gironde montre aussi beaucoup d’enthousiasme pour cette desserte vertueuse. « On a besoin d’infrastructures à mettre en place et on va voir quels sont les délais proposés », déclare-t-il précisant que le réseau pourrait s’engager à faire venir des marchandises une fois par mois dès 2023. « Le calendrier c’est "le plus vite possible", commente François Le Gac, il y a aussi le type de gouvernance à régler (en régie, par un opérateur privé ?) et il faut un nombre suffisant d’entreprises engagées, pour avoir du volume ». Olivier Escots, conseiller municipal délégué à l’économie du fleuve à Bordeaux, rappelle qu’un schéma directeur vient d’être voté à la métropole pour les aménagements fluviaux. « On n’est pas loin d’aligner les planètes, se réjouit-il, beaucoup d’acteurs sont impatients ».

A Strasbourg, plus avancé que Bordeaux en la matière, la société ULS (Urban Logistic solutions) s’est lancé en 2019 et gère aujourd’hui une plateforme de 25.000 m2. « Sur un bateau ULS d’une capacité d’emport de 122 tonnes (soit un équivalent de 680 palettes vélo compatibles), cela représente une économie de 150 camionnettes pour chaque rotation de bateau [trois par jour sont organisées actuellement] et plus de 90 % de CO2 en moins », a argumenté son directeur, Thomas Castan. Il a glissé que sa société venait de commander des bateaux électriques, espérant en voir naviguer certains prochainement, à Bordeaux.