La neige des Alpes et des Pyrénées fond plus vite à cause des poussières du Sahara et du carbone suie

PLANETE Une équipe de scientifiques français et américains a pu établir l’impact des poussières su Sahara et du carbone suie sur la fonte du manteau neigeux des deux massifs français au cours des 40 dernières années

Béatrice Colin
Lors d'un épisode de nuage de sable en provenance du Sahara, ici dans les Pyrénées.
Lors d'un épisode de nuage de sable en provenance du Sahara, ici dans les Pyrénées. — Borja Delgado/Dersu.uz/Cover Ima
  • Les dépôts de poussières en provenance du Sahara et les particules de carbone suie issues de la combustion absorbent une plus grande proportion d’énergie solaire et accélèrent la fonte du manteau neigeux.
  • Selon une étude menée par une équipe de chercheurs français et américains, dans les Alpes et les Pyrénées, ce phénomène a avancé la date de fonte de 17 jours en moyenne par an entre 1979 à 2018.
  • Au vu du réchauffement climatique, la situation aurait pu être encore pire si les dépôts de carbone suie n’avaient pas diminué au cours des dernières décennies.

Au cours des deux derniers hivers, les images de pistes de ski recouvertes d’une légère couleur ocre ont fait le tour des réseaux sociaux. Si elles donnent un côté apocalyptique aux stations, ces poussières naturelles en provenance du Sahara jouent aussi un rôle non négligeable dans la fonte du manteau neigeux. Tout comme les dépôts de carbone suie, ces particules issues eux de la combustion et qui pourraient faire croire parfois que les glaciers, teintés d’un léger film noir, se trouvent à côté d’une autoroute très fréquentée.

Un phénomène facile à comprendre, car plus une couleur est sombre plus elle absorbe le rayonnement lumineux. C’est comme lorsqu’on commet l’erreur de porter un tee-shirt noir en plein cagnard, regrettant immédiatement de ne pas avoir eu la bonne idée d’opter pour du blanc. Lorsqu’il est recouvert d’une fine pellicule de poussières en provenance du Sahara, ou de particules de « black carbon », le manteau neigeux absorbe une plus grande proportion d’énergie solaire et fond plus rapidement. Ajoutés aux fortes chaleurs et aux faibles précipitations, symptômes du réchauffement climatique, ces dépôts aggravent la situation.


Pour déterminer quel est l’impact réel de ces impuretés sur la fonte de l’or blanc dans les Alpes et les Pyrénées, une équipe de chercheurs français et américains a passé au crible les observations de la neige aux stations météo réalisées entre 1979 et 2018 sur les deux massifs, ainsi que les images satellites. Ces données, combinées aux modélisations climatiques et à celles du manteau neigeux, ont permis aux scientifiques de déterminer que « ces poussières et dépôts de carbone suie ont tendance à avancer la date de fonte du manteau neigeux de 17 jours en moyenne par an sur les quarante dernières années », indique Simon Gascoin, chercheur CNRS au Centre d’études spatiales de la biosphère à Toulouse, et coauteur d’une étude sur le sujet parue dans la revue Nature Communications.

Comme c’est une moyenne, certaines années, à certaines altitudes, cette fonte a été parfois anticipée de 50 jours. Parfois de seulement quelques jours.

Baisse des dépôts de carbone entre 1979 et 2018

Mais, selon les chercheurs qui se sont penchés sur le sujet, cela aurait pu être pire. « Le changement climatique, en raison des hausses des températures, accélère la fonte. Nous avons pu observer que cet impact est, en partie, compensé par la diminution du carbone suie au cours des 40 dernières années. Si on avait eu aujourd’hui le même niveau de dépôt de particules que dans les années 1980, cette accélération de la fonte du manteau neigeux serait encore plus marquée », complète Marion Réveillet de l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble.



Les efforts pour limiter la pollution des industries ou encore ceux déployés pour améliorer les émissions des véhicules, notamment l’obligation d’avoir des pots catalytiques et des filtres à particules, ont donc une incidence bien réelle sur notre environnement. Et c’est loin d’être négligeable quand on sait l’importance du rôle de la fonte du manteau neigeux sur la ressource en eau. Elle permet d’alimenter les barrages hydroélectriques, et donc de produire de l’énergie qui fait cruellement défaut en ce moment. Elle est aussi récupérée par des barrages en montagne, d’où sont réalisés des lâchers d’eau régulièrement pour réalimenter les rivières en cas de sécheresse. Les mêmes rivières et fleuves qui servent à irriguer les champs des agriculteurs mais aussi certaines stations d’eau potable en communes françaises.