Astronomie : « Je veux amener la science là où elle ne va pas », affirme Éric Lagadec aux 88.000 abonnés
PORTRAIT Éric Lagadec est astrophysicien, président de la Société française d’astronomie et d’astrophysique et sûrement l’un des scientifiques les plus suivis sur Twitter
- Expliquer le trou noir, pourquoi Pluton n’est plus considérée comme une planète du système solaire et poster une photo du ciel chaque jour.
- C’est ce que, entre autres, Eric Lagadec, astrophysicien, enseignant-chercheur, président de la Société française d’astronomie et d’astrophysique, publie sur son compte Twitter.
- Un contenu de qualité puisqu’il est suivi par presque 100.000 personnes sur ce réseau social.
Pourquoi Pluton n’est plus considérée comme une planète du système solaire ? Qu’est-ce que le trou noir ? Pourquoi le ciel est bleu ? Quelle est l’origine astronomique du mot canicule ? C’est le genre de questions auxquelles Éric Lagadec, astrophysicien à l’Observatoire de la Côte d’Azur de Nice, essaie de répondre pratiquement chaque jour sur Twitter.
Breton, avec des parents qui n’ont pas fait d’études, enfant de la pop culture et guitariste, ce « monsieur tout le monde » avec trois années de thèse, huit en postdoctorat à Manchester, Munich puis Cornell, poste régulièrement des « fils à dérouler » pour permettre à tous de « mieux comprendre » et « aimer l’astronomie ».
Le trou noir expliqué grâce au Kouign-amann
Sur ce réseau social, depuis 2009, il était « plus un observateur » jusqu’au jour où Elon Musk a envoyé des satellites dans l’espace et qu’il a proposé une réponse des astronomes avec les dangers que cela représenterait. « Twitter est un très bon outil d’information, commente-t-il. Le fait qu’on soit limité dans les caractères permet d’être concis et clair. Ainsi, je mets une idée par tweet, avec une image (ou un GIF) pour capter l’attention des gens. J’essaie de leur parler avec des mots simples et souvent par l’humour. C’est aussi de cette façon que je fais mes cours. J’ai l’impression qu’on retient mieux quand on passe un bon moment ». En moins d’un an, il a « gagné » 84.500 abonnés, « il y a deux mois, j’en ai eu 20.000 d’un coup », lâche-t-il.
Humble, il assure ne pas savoir ce qu’est la recette de ce succès. Peut-être se cache-t-elle dans celle du Kouign-amann lorsqu’il l’a comparé au trou noir pour expliquer cet objet céleste aux internautes ?
Et même avant ses tweets, Éric Lagadec avait déjà fait parler de lui à travers le monde. Notamment avec une photo (ci-dessus) surnommée « le pacman de la lune » qu’il a prise lorsqu’il était au Chili mais aussi grâce à sa découverte d’une étoile au diamètre environ mille fois plus grand que celui de notre Soleil, « la nébuleuse de l’œuf au plat », qui a inspiré le nom d’un groupe de rock.
« L’astronomie se conjugue au féminin et en couleur »
Enseignant-chercheur, le « Twitto » (utilisateur de Twitter) a déjà donné des conférences, mais avoue qu’avec ce réseau social, il peut « toucher un public plus large ». Il reprend : « Mes tweets peuvent parfois atteindre 300.000 profils différents. Mon intention est vraiment d’amener la science là où elle ne va pas d’habitude. »
Et il ne s’arrête pas à une diffusion sur Internet. Éric Lagadec fait partie de l’association Science pour tous 06 qui fait des interventions dans les villages du département. Il travaille également avec Mamadou N’Diaye pour permettre le développement de l’astronomie et l’astrophysique en Afrique. « Pour moi, c’est hyperimportant de rendre accessible la science à tous et toutes, souligne-t-il. L’astronomie se conjugue au féminin et en couleur. » Il a récemment publié sur son site gratuit en ligne des portraits de femmes de sciences.
Et pour un plus grand impact, il intervient régulièrement dans les médias à la télévision comme à la radio. Il prépare également un livre qui sera « dans le style de son compte Twitter » mais aussi un spectacle humoristique. « J’ai envie de rendre ce qu’on m’a donné, que les gens comprennent et qu’ils se réapproprient le ciel », résume-t-il simplement.
L’astronomie pour comprendre les enjeux environnementaux
Pour lui, il y a également un vrai enjeu dans cette diffusion. « C’est très important de rendre la science accessible, surtout quand on est face à des défis sociétaux et environnementaux comme ceux qui nous attendent, développe le scientifique. La vie sur Terre est un chemin long de 13,8 milliards d’années. Et on est en train de détruire les conditions de vie sur cette planète en quelque 200 années. Ce serait dommage de tout gâcher. Le message important, c’est de permettre une prise de conscience de l’urgence de la situation pour résoudre le problème ensemble. »
L’astrophysicien ajoute : « En tant que chercheur, c’est un devoir d’alerter sur la situation et de montrer également à quel point l’astronomie et l’écologie sont liées ». Il est conscient de la « chance » de ne pas avoir une communauté malveillante lorsqu’il évoque ce sujet comme c’est le cas pour d’autres personnalités sur ce réseau social.
Il conclut de la même manière qu’il termine ses « threads » : « La Terre est la seule planète connue où il y a de la bière et les crêpes de ma mère donc c’est important de prendre soin d’elle ».