Marseille : Des vignettes Crit'Air pour les bateaux pour lutter contre la pollution de l'air ? Pas si simple...

POLLUTION DE L'AIR La mairie de Marseille a lancé une pétition sur le site de la ville qui demande notamment l’interdiction des bateaux les plus polluants pendant les pics de pollution

Mathilde Ceilles
Un bateau de croisière entre au port de Marseille
Un bateau de croisière entre au port de Marseille — SOPA Images/SIPA
  • Dans une pétition lancée sur le site de la ville de Marseille, la mairie demande que les bateaux les plus polluants soient interdits d’escale lors des pics de pollution à l’ozone, comme la cité phocéenne connaît actuellement.
  • Le hic ? Cette mesure relève du bon vouloir de la préfecture.
  • Et même, selon l’adjoint au maire en charge de l’économie, il n’existe pas à l’heure actuelle d’études scientifiques pourtant promises par l’Etat, mesurant l’impact, notamment sanitaire, de ces bateaux.

C’est une première depuis que la gauche a pris les rênes de la deuxième ville de France. Ce mercredi, le maire de Marseille a annoncé le lancement d’une pétition contre les navires polluants. Dans ce texte, Benoît Payan demande notamment d’interdire les escales de ces navires lors des pics de pollution à l’ozone. En raison des températures caniculaires actuelles, le département des Bouches-du-Rhône enregistre en effet depuis plusieurs jours des concentrations élevées en ozone, qui ont conduit la préfecture à activer une « procédure d’alerte de niveau 2 », soit une « vigilance renforcée tout public ». Et depuis plusieurs jours, impossible pour les véhicules qui ne sont pas équipés de la vignette Crit’Air adéquate de circuler dans le centre-ville de Marseille.

« Aujourd’hui, on demande des efforts conséquents aux Marseillais, estime Laurent Lhardit, adjoint au maire en charge de l’économie. On va même bientôt passer en zone à faibles émissions dans le centre-ville de Marseille. On va jusqu’à demander aux Marseillais qui n’en ont pas toujours les moyens d’abandonner des véhicules extrêmement polluants. Et donc, il n’est pas question d’exiger de leur part à travers une loi ce type de comportement alors qu’ils peuvent constater que 100 mètres plus loin, des navires polluent avec des fumées conséquentes. »

Pas de thermomètre

Mais sur le papier, l’interdiction pure et simple semble un poil compliquée. Déjà, parce que, du propre aveu de Laurent Lhardit, il n’existerait pas de « thermomètre » commun et reconnu par tous les acteurs du secteur permettant de mesurer l’impact, notamment sanitaire, des différents bateaux, qu’ils soient gros ou moins gros, lorsqu’ils font escale dans le port de Marseille.

« On demande à l’Etat la mise en place de moyens de mesures d’évaluation des études épidémiologiques qui auraient dû être menées déjà avant le confinement dans les quartiers près du port et qui n’ont pas abouti, affirme Laurent Lhardit. Cela nous permettrait d’avoir tous les mêmes chiffres et le même constat sur la problématique de santé publique et les émissions des différents navires, de manière ensuite à pouvoir prendre tous ensemble des décisions en conséquence. »

Une décision de l’Etat

Et, tout comme l’application de la vignette Crit’Air sur les voitures, l’interdiction d’escale d’un bateau pourrait se faire qu’avec la volonté, non pas de la mairie, mais de l’Etat français. Ou plutôt ici de son représentant local, le préfet des Bouches-du-Rhône.

« L’Etat français a la main sur les eaux territoriales et donc sur les ports de France, rappelle Nathalie Chaudon, directrice de France Nature Environnement (FNE) en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Selon FNE, il serait donc possible pour la préfecture d’intégrer un pan maritime au plan de protection atmosphérique que prend chaque année la préfecture. Il est toujours possible en droit d’avoir des normes plus strictes au niveau local, si la préfecture a la volonté de prendre cette initiative. »

En attendant la zone Eca

Mais, comme le note Nathalie Chaudon, « si la préfecture prend cette décision, c’est un premier pas, mais ce n’est pas assez ambitieux. Il faut une véritable avancée au niveau européen voire international. En effet, en l’état, si un bateau est interdit d’escale à Marseille, il fera escale ailleurs. »

Certes, en décembre dernier, la COP22 a acté l’instauration en Méditerranée une zone à faible émission de soufre, dite zone Eca. Sa mise en application n’est pas prévue avant 2025, afin de laisser le temps aux armateurs de réaliser les investissements nécessaires. Insatisfaite, la ville de Marseille demande à l’Organisation maritime internationale d’accélérer le processus. « Il faut aujourd’hui des contrôles plus systématiques sur les bateaux, pour faire pression, réclame Laurent Lhardit. Il n’y a aujourd’hui que 200 contrôles par an. C’est très peu de chose. » A l’heure où ces lignes sont écrites, plus de 17.000 personnes ont signé la pétition lancée par la mairie.