Incendies en Gironde : Des écologistes se sont-ils « félicités d’avoir empêché des aménagements souhaités par les pompiers » ? Non

FAKE OFF Sur les réseaux sociaux, Mac Lesggy, dans un tweet très relayé, s’en est pris aux « écologistes » qui se seraient opposés à l’élargissement de voies d’accès pour les pompiers dans la forêt de La Teste-de-Buch

Emilie Jehanno
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Depuis le 12 juillet, quelque 6.500 hectares ont été détruits à La Teste-de-Buch, près d'Arcachon.
Depuis le 12 juillet, quelque 6.500 hectares ont été détruits à La Teste-de-Buch, près d'Arcachon. — NICOLAS MATHYS/ZEPPELIN/SIPA
  • Dans un tweet très relayé, Mac Lesggy dénonce les actions des « écologistes » qui « se félicitaient » en juillet 2021 « d’avoir empêché les aménagements souhaités par les pompiers pour protéger la forêt de La Teste-de-Buch».
  • « Ces accusations ne sont absolument pas fondées », s’indigne Monique de Marco, sénatrice EELV de Gironde.
  • Elles mêlent deux problématiques : celle de l’opposition d’élus de tous bords et de l’Addufu, une association d’usagers de la forêt, à un plan simple de gestion et un recours mené par cette même association concernant la procédure des travaux de défense contre les incendies de forêts.

Edit du 21 juillet à 11h15 : Nous avons ajouté des éléments d'un nouveau communiqué de presse de l’Addufu, envoyé le 20 juillet au soir.

Les incendies en Gironde sont loin d’être éteints, mais la polémique s’est enflammée sur les réseaux sociaux. Dans un tweet partagé plus de 4.400 fois, également relayé sur Facebook, Mac Lesggy a dénoncé les « écologistes » qui « se félicitaient » en juillet 2021 « d’avoir empêché les aménagements souhaités par les pompiers pour protéger la forêt de la Teste de Buch du feu ». Cette forêt, qui bordait la célèbre dune du Pilat, a été très largement détruite par les feux.

Pour preuve, l’ex-présentateur de M6 cite Vital Baude, conseiller écologiste régional de Nouvelle-Aquitaine. L’année dernière, ce dernier saluait sur Twitter l’intervention de la sénatrice EELV, Monique de Marco, qui avait permis la suspension « du plan simple de gestion de la forêt usagère de la Teste-de-Buch » et conduit à la mise en œuvre d’une mission d’expertise, mandatée par le gouvernement.


FAKE OFF

Ces propos des élus écologistes ont été sortis leur contexte. Et les allégations sur les réseaux sociaux mêlent aussi deux problématiques : celle de l’opposition d’élus de tous bords et de l’Addufu, une association d’usagers de la forêt, à un plan simple de gestion et un recours mené par cette même association concernant la procédure des travaux de défense contre les incendies de forêts (DFCI).

« Ces accusations ne sont absolument pas fondées », s’indigne Monique de Marco, sénatrice EELV, auprès de 20 Minutes. Vital Baude dénonce aussi sur Twitter des « attaques indécentes » pour « avoir défendu les droits d’usage de la forêt usagère », qui constitue une partie du massif forestier de la Teste-de-Buch. En 2021, d’autres personnalités politiques comme Patrick Davet, maire LR de la Teste-de-Buch, ou la députée LREM Sophie Panonacle s’étaient aussi opposés au plan simple de gestion (PSG) déposé par l’entreprise Athanor, propriétaire d’une parcelle de 43 ha.

Une intervention pour « clarifier le statut de la forêt usagère »

Qu’est-ce que ce plan ? Il permet à un propriétaire forestier de programmer des coupes et des travaux et, s’il est agréé par l’Etat, de bénéficier d’exonérations fiscales et d’aides. Lors de l’adoption en conseil municipal d’une motion d'opposition au PSG en juin 2021, Patrick Davet estimait qu’il faisait courir un « risque », avec « des coupes d’hectares entiers dans cette forêt qui mettraient en danger l’équilibre, la biodiversité et même la sécurité ».

La sénatrice EELV explique qu’empêcher les aménagements des voies pour les pompiers n’était pas « du tout le sens de [s] on intervention lors des questions au gouvernement », une autre séquence devenue virale. En juillet 2021, elle a demandé à Barbara Pompili, alors ministre de la Transition écologique, de « clarifier la situation du statut de cette forêt usagère de la Teste ». « Il y avait un plan simple de gestion forestière qui était déposé pour faire des coupes d’arbres et celui-ci ne faisait pas référence au mode de gestion ancestrale qui date du XVe siècle », poursuit-elle.

Une gestion unique héritée du Moyen-Age

En effet, la forêt usagère de la Teste-de-Buch, d’une surface de près de 3.900 hectares, a une gestion unique en France, héritée du Moyen-Age. Privée, elle est régie par un ensemble de « baillettes et transactions », des textes détaillant les droits et devoirs des propriétaires et des usagers de la forêt, qui pour le plus ancien remonte à 1468. Les habitants de plus de dix ans de l’ancien Captalat de Buch, qui recouvre aujourd’hui les communes de La Teste-de-Buch, Gujan-Mestras, Arcachon et Lège Cap-Ferret, bénéficient d’un droit d’usage. Ils peuvent utiliser le bois mort de la forêt pour le chauffage et, sous certaines conditions, le bois d’œuvre pour la construction. Les propriétaires des parcelles sont les seuls à pouvoir récolter la résine des pins, une activité qui a disparu au cours du XXe siècle.

Comme le remarque le rapport remis en janvier 2022 au gouvernement, usagers et propriétaires « veillent jalousement sur leurs droits respectifs conduisant régulièrement à des périodes de tensions accrues ». La mission des deux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts devait éclaircir « le cadre juridique opposable aux propriétaires et aux bénéficiaires du droit d’usage » et « proposer un cadre de concertation », après avoir rencontré une soixantaine de parties prenantes.

Les travaux de défense contre les incendies ont pris du retard

« Je n’étais pas du tout contre l’abattage des arbres, ajoute Monique de Marco. Là, c’était un abattage commercial [sur la parcelle de 43 ha] et il fallait qu’il se réfère à des règles particulières. » Pour elle, le rapport a reconnu le droit des usagers, « mais expliquait qu’il fallait adapter ce système ». Il a aussi été recommandé de réaliser les travaux « urgents » de défense des forêts contre les incendies (DFCI) et de décider des modalités de dévolution les concernant.

Car ces travaux, prévus début 2021, avaient pris du retard, comme le pointe le rapport. L’Association des droits des usagers de la forêt usagère (Addufu) avait déposé un recours au tribunal administratif de Bordeaux contre l’autorisation préalable délivrée par le maire de la Teste. Non pas contre les travaux en eux-mêmes, mais parce qu’ils « n’avaient pas été planifiés dans le respect des dispositions des baillettes et transactions », détaille le rapport. La procédure pour organiser ces coupes n’ayant pas été prévue dans les textes, les auteurs pressent les syndics des usagers et des propriétaires de trouver un accord pour les réaliser, notamment l’élargissement des voies d’accès.

Le 20 juillet, l’Addufu a précisé, dans un communiqué, avoir été débouté en avril 2021 et que « depuis lors, ces travaux ne sont pas intervenus » et n’ont été entamés qu’en juillet 2022, « sans aucune opposition sur place » de leur part. Elle ajoute que le rassemblement prévu le 13 juillet devant la sous-préfecture visait à demander « l’application des textes sur les modalités de vente des bois coupés », et qu’elle était « parfaitement favorable » aux travaux de défense contre les incendies de forêts. A notre demande d’interview, l’association répond qu’elle ne fera pas « pour l’instant » de déclaration ni de conférence de presse.

L’Addufu se défend dans un communiqué

Mise en cause sur les réseaux sociaux, l’Addufu refuse d’être un « bouc émissaire », déclare-t-elle dans un précédent communiqué du 18 juillet. Elle condamne des propos jugés « calomnieux et injurieux » et précise qu’elle apportera « en temps voulu » les éléments démontrant son approbation des travaux de DFCI. Elle explique avoir soutenu « de manière constante le projet d’élargissement des chemins forestiers ». Et défend sa position : « Il suffisait que les arbres à abattre soient marqués par les syndics, que les volumes soient estimés par eux et que la vente des bois se fasse par adjudication au plus offrant », écrit-elle.

Elle tient aussi à rappeler que « les températures exceptionnellement élevées (+40 °C), l’hygrométrie anormalement basse (<30 %) ou encore le bilan hydrique déficitaire (-19 %) sur l’année dans la région » peuvent figurer parmi les causes de cet incendie.

Interrogé sur BFMTV, le maire de La Teste-de-Buch reconnaissait, mardi, que « peut-être que si la forêt avait été mieux entretenue, peut-être que le feu aurait été d’une ampleur totalement différente ». Et d’ajouter que « le temps des discussions, des responsabilités va venir », une fois l’incendie éteint. En Gironde, plus de 20.600 hectares ont brûlé, dont 7.000 du côté de La Teste-de-Buch et 13.600 dans la forêt de Landiras.