Changement climatique : En Allemagne, « la dernière génération » passe à la désobéissance civile
JEUNES ET VERTS De jeunes militants pour le climat multiplient les actions pour dénoncer les solutions provisoires du gouvernement
Ils se nomment Letzte Generation, comme « la dernière génération » à pouvoir empêcher le bouleversement climatique et l’effondrement de la biodiversité de la planète. Le visage neuf d’un militantisme plus radical, plus pressant face à l’urgence écologique. Depuis le début de l’année, les images des actions coup de poing de ces jeunes allemands font le tour des médias du pays, qu’ils se collent la main sur les routes pour bloquer le trafic à Berlin ou sabotent des oléoducs à la campagne. Leur credo : revendications ciblées, discours alarmiste et désobéissance civile.
« Le gouvernement a ignoré tout le reste : des pétitions ont été écrites, un million de personnes sont descendues dans la rue », se désespère Lina Joansen, étudiante de 24 ans. Mercredi devant la chancellerie allemande, qu’ils viennent d’asperger de peinture noire, une douzaine de militants en gilet orange et casque de chantier entament un sit-in, scandant : « Economisons le pétrole au lieu de forer ». « Nous devons nous asseoir ici et entrer en résistance », soupire Lina calmement, indifférente aux policiers qui relèvent les identités du petit groupe.
Au mois de juin, ces activistes ont fait campagne contre la menace de nouveaux forages pétroliers en mer du Nord, alors que l’Europe tente de se passer des combustibles fossiles russes, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Cette semaine, Berlin a dû se résoudre à annoncer un retour accru au charbon, le temps de réduire sa dépendance au gaz importé de Russie.
« Nous n’avons plus le temps pour des solutions provisoires »
Au début de l’année, ils ont mené un cycle d’actions contre le gaspillage alimentaire. Soucieux de concentrer leur message sur des thèmes concrets, ils demandaient au gouvernement allemand une loi pour interdire aux supermarchés de détruire leurs invendus. Résultat de cette campagne selon le groupe : plus de 250 interpellations pour des blocages de ports, autoroutes, ronds-points. « C’est un petit mouvement en nombre, mais qui arrive à susciter une attention disproportionnée », observe le sociologue Dieter Rucht, professeur honoraire à la Freie Universität de Berlin.
Le mouvement est né dans le sillage d’une grève de la faim de plusieurs semaines menée par une poignée d’entre eux, près du siège du gouvernement et du parlement, en pleine campagne des élections législatives à la fin de l’été dernier. « Spectaculaire et moins prévisible, la désobéissance civile attire plus l’attention que les manifestations », explique le sociologue Dieter Rucht, alors que la mobilisation autour du mouvement Friday for Future, qui rassemblait des centaines de milliers d’Allemands, avait décru avec le Covid-19 et la guerre en Ukraine.
L’action du nouveau gouvernement, où les écologistes font partie du gouvernement, ne convainc pas ces militants. Myriam Herrmann, 25 ans, venue soutenir ses camarades, se dit « incroyablement déçue » par la coalition. « On a un ministre Vert de l’Economie et du Climat, mais il veut importer du gaz du Qatar, forer dans la mer du Nord et construire des terminaux de gaz liquéfié comme solution provisoire », s’insurge-t-elle. « Nous n’avons plus le temps pour des solutions provisoires ».