Transports : Paris parmi les villes européennes les plus avancées vers la mobilité zéro carbone ?

INFO "20 MINUTES" Une coalition de soixante ONG a passé au crible 36 villes européennes pour savoir où elles en étaient sur le chemin vers la mobilité zéro-carbone. Le palmarès est publié ce jeudi

Fabrice Pouliquen
Une cycliste à Paris le 10 mai 2020.
Une cycliste à Paris le 10 mai 2020. — ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
  • Oslo, Amsterdam, et Helsinki. C’est le podium dans l’ordre du « Clean cities campaign », palmarès publié ce jeudi par 60 ONG européennes qui se sont penchées sur 36 villes pour savoir où elles en étaient dans le chemin vers la mobilité zéro carbone.
  • La qualité de l’air, la place faite aux cyclistes et marcheurs, la congestion automobile, l’offre de transports publics, les politiques mises en place pour favoriser la mobilité douce. Au total, onze critères ont été pris en compte.
  • Parmi les quatre villes françaises classées, Paris s’en sort le mieux (5e). Suivent Lyon (11e), Strasbourg (20e) et Marseille (26e).

Le chemin vers la neutralité carbone, ce grand objectif que l’Union européenne s’est engagé à atteindre en 2050, passe inévitablement par les villes. C’est là que vivent trois Européens sur quatre aujourd’hui, là aussi qu’est généré près d’un quart des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports… Le seul secteur dont les émissions ont augmenté depuis 1990.

De quoi alors faire de l’avènement de la mobilité zéro carbone en ville – comprendre sans moteur thermique- « l’un des challenges les plus pressants de notre époque », glisse Barbara Stoll, directrice de « Clean Cities », campagne lancée par  l’ONG Transport & Environment et à laquelle se sont greffées une 60 d’autres associations environnementales européennes. L’enjeu n’est d’ailleurs pas seulement climatique. Il est aussi de réduire la pollution de l’air « alors que les seuils en la matière fixés par l’UE sont toujours régulièrement dépassés dans plus d’une centaine de villes sur ce continent. »

Aucune ville ne mérite un « A »

Au regard de ces enjeux, Clean Cities Campaign a cherché à savoir quelles villes européennes se démenaient le plus pour créer les conditions propices à l’avènement de la mobilité zéro carbone sur leurs territoires. Le palmarès, publié ce jeudi et dont 20 Minutes dévoile en exclusivité pour la France, a passé au crible 36 villes parmi les 440 de plus de 100.000 habitants que compte l’Europe. « Nous avons choisi celles qui nous semblaient les plus pertinentes à étudier, au regard de leur taille et/ou des mesures qu’elles mettent en place dans ce domaine de la mobilité urbaine », détaille Pierre Dornier, qui a coordonné l’étude pour la France où quatre villes -Paris, Lyon, Marseille et Strasbourg ont été classées.

La qualité de l’air, les niveaux de facilité et de sécurité avec lesquels on peut s’y déplacer à pied ou à vélo, la congestion automobile, l’offre de transports publics, les politiques mises en place pour favoriser la mobilité douce… Au total, onze critères classés en cinq grandes catégories ont été pris en compte pour classer ces 36 villes. Le tout ramené à un score global sur 100 associé à une lettre. Il fallait avoir entre 80 et 100 % pour décrocher un A. « C’est le premier enseignement de ce baromètre, aucune des 36 villes ne l’obtient, tout simplement parce qu’elles sont toutes encore assez loin d’atteindre cette mobilité zéro carbone », souligne Pierre Dornier.

Oslo, premier sans surprise

Même Oslo, qui monte sur la première marche du podium avec un score de 71,50 % . Zone à faible émission (ZFE), péage urbain, suppression de places de stationnements, conversion de rues en zones piétonnes, interdiction déjà effective des diesels… La capitale norvégienne est souvent cité en exemple pour les efforts qu’elle fournit pour sortir au plus vite des véhicules thermiques. « Clean Cities » lui donne un 18,5/20 sur ce critère, le plus important parmi les onze pris en compte. En revanche, Oslo voit sa note moyenne plombée par le peu d’infrastructures qu’elle offre aux cyclistes. Elle décroche à 1,2 sur 10 sur cet indicateur. Le scénario est quasiment identique pour Amsterdam, deuxième de ce palmarès. Elle fait preuve de bonne volonté, mais se prête encore assez peu à la marche et n’offre pas toujours un cadre très sécurisé à ses cyclistes, estiment les auteurs du rapport. Enfin Helsinki termine troisième et avait tout pour faire mieux, si ce n’est un manque de volonté politique pour planifier la sortie des véhicules thermiques, juge Clean Cities. Tout l’inverse d’Oslo et Amsterdam autrement dit.



Paris s’en sort le mieux… côté français

Voilà pour le podium. Très vite, ensuite, on tombe sur Paris, cinquième au palmarès avec un score global de 61,90 % qui lui permet tout juste de rester en catégorie B. « Cette place dans la partie haute du classement s’explique entre autres par un réseau en transport en commun peu cher et accessible, mais aussi parce que la ville est l’une des rares à avoir acté l’interdiction des moteurs diesels prévues pour 2024 et des moteurs thermiques tout court en 2030 (l’une des rares villes à avoir été jusque-là) », décrypte Pierre Dornier. En revanche, Paris pêche encore par sa forte congestion automobile et la faible qualité de son air qui en découle. « C’est la quatrième ville la plus polluée en dioxyde d’azote (NO2) – un indicateur de la pollution automobile- de notre classement », précise « Clean Cities » . Certes, Paris est dans une zone urbaine bien plus peuplée que la majorité des 36 villes de ce classement, en particulier des cinq qui la devancent au classement. « Mais des progrès sont possibles, notamment en donnant plus de place encore aux cyclistes et piétons, assure Pierre Dornier, Seules 11,5 % des rues parisiennes ont une piste cyclable et l’infrastructure séparée pour piétonne représente l’équivalent de 36 % de la voirie seulement en moyenne, pointe notamment l’étude.

Lyon, pour sa part, arrive onzième de ce classement. Comme pour Paris, « Clean Cities » prend note des mesures prises récemment par la métropole pour rendre sa mobilité plus propre. En particulier l’instauration d’une ZFE sur une partie de son territoire et dont seront exclus tous les diesels à partir de 2026. En revanche, il n’y a aucune date de sortie complète des moteurs thermiques aujourd’hui arrêtée, regrette l’étude qui pointe aussi, comme leviers d’amélioration, celui de donner plus de place aux cyclistes et marcheurs.

Marseille, une nouvelle fois parmi les mauvais élèves

Strasbourg, de son côté, arrive 20e de ce palmarès. La capitale alsacienne est pourtant dans le peloton de tête sur le critère du cadre sécuritaire offert aux piétons et cyclistes. « Elle fait aussi partie, comme Lyon et Marseille, de ces rares villes à avoir fixé une date de sortie du diesel, complète Pierre Dornier. C’est prévu pour 2028, un peu tard à notre goût, mais ça reste tout de même ambitieux comparé à celles qui n’ont toujours rien acté. » Mais sur les autres critères, Strasbourg récolte des notes moyennes, voire faibles en ce qui concerne de l’accès aux transports en commun (nombre d’arrêts par km²) avec un 2,8/10 et de l’accès aux bornes de recharge électrique (1,4/10).

Il reste à parler de Marseille, habituel mal classé de ce genre de palmarès. Celui « Clean Cities » ne fait pas exception, la cité phocéenne y tombant à la 26e place avec un score de 46,60 % qui lui vaut un D. Certes, elle devance Prague, Manchester, Grenade, Rome… ainsi que les trois villes polonaises intégrées dans ce classement ou encore Naples bonne derrière. Mais ce n’est pas glorieux pour autant, pour Pierre Dornier, qui range Marseille dans le groupe des villes exposées à des concentrations en NO2 dangereuses pour ses habitants et qui, pour autant, n’agissent pas en conséquence. « On est dans la politique des petits pas, fustige-t-il. La métropole vient par exemple, de présenter un plan de ZFE pour le moins modeste. La surface proposée ne concerne que 19,5 des 240 km² du territoire de la ville de Marseille. Et à ce jour, aucune interdiction complète des diesels n’est prévue. »