France 2030 : Les annonces d’Emmanuel Macron vont-elles dans le sens de la transition écologique ?
FUTUR Les associations de protection de l’environnement pointent une logique productiviste et l’oubli de la rénovation thermique des logements
Réacteurs nucléaires de petite taille en série, avion vert, agriculture robotisée, médecine prédictive… Si « l’imaginaire français », l’un des thèmes du plan de relance France 2030, est soi-disant à la peine, celui d’ Emmanuel Macron tourne à plein régime pour esquisser le futur du pays. Le chef de l’Etat a décliné ce mardi une dizaine d'objectifs à moyen terme qui changeraient radicalement le visage de l’industrie, de l’agriculture ou de la médecine française. Mais ces mesures sont-elles à la hauteur de l’enjeu climatique ?
« On reste dans une logique productiviste qui ne répond pas à l’enjeu de sobriété » pour sauvegarder la planète, dénonce Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique chez Greenpeace. Emmanuel Macron « part du principe qu’on devra produire toujours plus et consommer toujours plus d’énergie et de ressources », souligne également Samuel Léré, de la Fondation Nicolas Hulot. Pour lui, la vision du chef de l’Etat relève du « mirage tout technologique, comme si une technologie magique allait faire la transition écologique sans avoir besoin de s’interroger sur notre consommation et nos modes de vie ».
La rénovation des logements, grande oubliée
Sans camper sur une position anti-nuclaire, les deux organisations regrettent l’absence d’annonces sur la rénovation des logements, « qui concentrent 40 % de notre consommation d’énergie », calcule Samuel Léré. Le milliard d’euro mis sur les réacteurs SMR – « une technologie qu’on ne maîtrise pas en France », rappelle Nicolas Nace – semble ainsi à contre-emploi : au lieu de chercher à consommer moins, Emmanuel Macron veut produire plus. Greenpeace réclame d’ailleurs un « plan Marshall du logement, pour sortir 12 millions de personnes de la précarité énergétique ». « Ce serait à la fois créateur d’emploi et une mesure écologique, sanitaire et sociale », défend Nicolas Nace.
Mais non, le chef de l’Etat préfère chercher « des solutions qui n’existent pas, ou verront peut-être le jour en 2035 » (et pas avant en tout cas pour l’avion vert ou l’hydrogène), selon les chercheurs. D’autres sujets, pourtant essentiels dans une logique de développement durable, sont absents du discours d’Emmanuel Macron : « Où sont les financements pour la rénovation des bâtiments et le ferroviaire ? Ce sont pourtant des piliers de la transition écologique qui représentent de réels enjeux industriels et d’emplois… », s'interrogeait ainsi ce mardi le Réseau Action Climat sur Twitter.
Biodiversité en danger
Certaines de ses propositions sont même néfastes pour l’environnement, selon les deux écologistes. « Il va mettre deux milliards, soit le double de l’investissement dans le nucléaire, pour la génétique, la robotique et le digital dans l’agriculture. C’est à l’opposé de ce qu’il faudrait faire », s’alarme Samuel Léré. La Fondation Nicolas Hulot défend plutôt une « révolution sur l’ agro-écologie », basée sur la diversification des espèces et la rotation des cultures. Là encore, pour l’ONG, les solutions du chef de l’Etat ont tout de la fiction dystopique, où les abeilles en voie d’extinction seraient remplacées par « des drones qui viennent poser des pesticides sur la plante ».
En s’éloignant des terres cultivables, le panorama n’est pas plus vendeur. A demi-mot, le chef de l’Etat a évoqué la possibilité d’exploiter les fonds marins, après exploration bien sûr. Objectif : trouver des métaux rares pour les semi-conducteurs. « Cela pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la biodiversité et l’équilibre des océans », prédit Nicolas Nace, qui regrette aussi que le président « ne parle du bois que pour l’exploiter ».
« La réindustrialisation est une bonne chose »
Toutes ces mesures seraient donc totalement contraires avec la transition écologique ? Non, admettent less deux écologistes. « C’est une bonne nouvelle de vouloir créer des emplois industriels en France », avance Samuel Léré. Alors que le secteur ne représente plus que 11 % des emplois dans l’Hexagone, « cela permettrait de mieux contrôler les émissions », explique Nicolas Nace. Autrement dit, mieux vaut une industrie décarbonée en France qu’une industrie polluante en Chine.
Mais là encore, Emmanuel Macron déçoit. Produire deux millions de voitures électriques par an sur le territoire, mais si c’est pour produire des SUV… « C’est là aussi incompatible avec la sobriété nécessaire » pour atteindre la neutralité carbone, pointe Samuel Léré. Dans l’automobile, il regrette plutôt « qu’on mette 0 euro sur le rétro-fit, une technologie de réemploi qui réduit les émissions de CO2 et qui est presque prête ». C’est bien, mais sans doute pas assez « disruptif » pour la France du futur d’Emmanuel Macron.