Les cinq chiffres de 2020 qui peuvent donner le sourire à l’agriculture bio

ALIMENTATION Parts de marché, nombre d’exploitations, emplois… L’Agence Bio publie ce vendredi les chiffres de l’agriculture biologique en 2020. Malgré la pandémie, ou plutôt grâce à elle, le bio a continué globalement de progresser l’an dernier

Fabrice Pouliquen
Des clients d'un supermarché de la région francilienne choisissent leurs fruits et légumes au rayon bio.
Des clients d'un supermarché de la région francilienne choisissent leurs fruits et légumes au rayon bio. — THOMAS SAMSON / AFP
  • Sans surprise, la pandémie de Covid-19 a eu pour effet de faire chuter les achats de produits bio de la restauration. Mais le recours accru aux circuits courts pendant les confinements a pleinement profité au bio, dont le marché a progressé en 2020.
  • En 2020, l’agriculture bio a franchi le cap des 50.000 fermes engagées dans ce mode de production. On en a compté 5.994 supplémentaires l’an dernier, et 9,5 % de la surface agricole française est désormais cultivée en bio.
  • Autre satisfaction : l’agriculture bio gagne du terrain dans les territoires. En particulier dans ceux historiquement moins engagés, comme le Grand Est, les Hauts-de-France, l’Ile-de-France…

Où en est la France sur le bio après une année 2020 si atypique, en raison de la pandémie de Covid-19 et des périodes de confinement ? L’Agence Bio, organisme public en charge du développement et de la promotion de l’agriculture biologique française, publie ce vendredi midi le bilan chiffré de 2020. Qui a de quoi, dans l’ensemble, donner le sourire à Laure Verdeau.

La directrice de l’Agence Bio passe en revue les chiffres marquants de l’année 2020 pour 20 Minutes.



13,2 milliards d’euros, la taille du marché bio

Pour la première fois, le marché du bio a franchi, en 2020, le cap des 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Soit + 10,4 % par rapport en 2019. Sans surprise, avec la pandémie, les achats de produits bio de la restauration ont chuté en 2020, de 21 points. Elles sont ainsi passées d’un montant total de 640 millions d’euros en 2019 à 505 millions d’euros.

« Mais la restauration n’est qu’une petite part du gâteau bio, indique Laure Verdeau. Bien plus petite que celle des achats des ménages pour leur consommation à domicile. » Et celle-ci a continué de progresser en 2020. Certes, la consommation alimentaire des ménages a globalement augmenté en 2020, de 3,4 %, mais celle de produits bio a elle fait un bond de 12,2 % par rapport à 2019, pour atteindre 12,67 milliards d’euros. Le signe que la bio s’ancre de plus en plus dans les habitudes des Français et qu’elle a su surtout tirer profit de la pandémie. « Beaucoup de Français se sont tournés vers les circuits courts pendant le confinement, rappelle Laure Verdeau. Or, les agriculteurs bio y sont très présents, c’est dans leur ADN. Par exemple, 20 % des agriculteurs français font de la vente en direct. C’est un sur deux dans le bio. »

33,5 %, la part des importations

C’est la statistique qui donne le plus le sourire à Laure Verdeau. Ces 33,5 % représentent le taux d’importation des produits biologiques en 2020 en France. « Un chiffre stable par rapport à 2019 malgré une forte hausse de la demande », insiste-t-elle. Ce taux d’importation descend même à 20,9 % si l’on enlève les produits tropicaux, pour lesquels produire en France est compliqué voire impossible, précise l’Agence Bio.

Pas rien selon Laure Verdeau, alors qu’on ne s’est jamais autant préoccupé de souveraineté alimentaire que depuis le début de la pandémie de Covid-19. « Le bio s’impose comme un acteur incontournable de cette souveraineté française, insiste-t-elle. On crée des filières qui remplissent le garde-manger des Français. 78 % des légumes bio consommés en France en 2020 étaient d’origine France. »

53.255, le nombre de fermes bio

En 2020, l’agriculture bio a franchi le cap des 50.000 fermes bio. Au 1er janvier 2021, on en comptait exactement 53.255, soit 5.994 de plus qu’en 2019. « Une progression semblable à celles enregistrées les années passées », reprend la directrice de l’Agence Bio. Sur les quelque 430.000 fermes françaises (chiffre 2016 de l'Insee), 12 % sont désormais engagées en bio, une part qui a triplé depuis 2010. Elles représentent 18 % de l’emploi agricole, leur besoin en main-d’œuvre étant un peu plus important qu’en conventionnel.

Et il n’y a pas que les fermes qui progressent. Les entreprises de l’aval (transformateurs industriels, artisans, conditionneurs…) font de même. 2.704 acteurs supplémentaires ont été enregistrés en 2020, portant leur nombre total à 25.763. Une progression de 12 % par rapport à 2019. De quoi élargir l’offre de produits ? L’Agence Bio cite en tout cas, parmi ceux dont la croissance a été la plus dynamique en 2020, les bières (+ 33 % par rapport à 2019, déjà une belle année) et les surgelés (+30 %). « On a un cercle vertueux, puisque la demande croissante des Français en produits bio et à tous les étages du garde-manger pousse les entreprises de l’aval à se développer, lance Laure Verdeau. Or, elles-mêmes se fournissent en matières premières en France, contribuant un peu plus à faire décoller la production agricole bio. » Au total, la filière bio – fermes comme entreprises de l’aval – représente 200.000 emplois en France.

2,5 millions, le nombre d’hectares engagés en bio

Cela représente 9,5 % de la surface agricole utilisée (SAU) française. Ces 2,5 millions d’hectares comprennent les surfaces déjà certifiées bio. Elles ont doublé en cinq ans, passant de 1 à 2 millions d’hectares. S’ajoutent les surfaces en conversion, c'est-à-dire pas encore certifiées mais sur lesquelles le cahier des charges bio est déjà appliqué. 592.592 hectares étaient ainsi en conversion en 2020, un chiffre relativement stable.

La France a une croissance du bio plus forte et plus régulière que dans le reste de l’Europe, vante l’Agence Bio. L’an passé, la dynamique a été particulièrement importante dans les grandes cultures (céréales, oléagineux, protéagineux, légumes secs), avec 29 % de surfaces certifiées bio en plus par rapport à 2019. « + 64 %, même, sur les oléagineux (lin, soja, et tournesol) », insiste Laure Verdeau. Ce n’est pas rien alors que sur certaines de ces productions, la France est aujourd’hui très dépendante de l’étranger. C’est vrai en particulier pour le soja, importé principalement du Brésil, où cette culture est source de déforestation, pour nourrir nos animaux d’élevage.

Belle progression aussi pour la vigne, avec une croissance de 22 % des surfaces engagées en bio. Les légumes frais bio continuent sur leur lancée, avec un + 16 %. A l’inverse, les fruits affichent une progression de 8 %, et plusieurs filières d’élevage accusent également le coup. Celle des vaches laitières, par exemple, où le nombre d’exploitation en conversion a baissé de 5 % l’an dernier.

14, le nombre de départements qui dépassent les 1.000 agriculteurs bio

Autre satisfaction : l’agriculture bio gagne du terrain dans les territoires. Y compris ceux historiquement moins engagés, comme le Grand Est, les Hauts-de-France, le Centre-Val-de-Loire, la Bourgogne-Franche-Comté, l’Ile-de-France, les Outremers. Pour le mesurer, l’Agence Bio regarde notamment la part des surfaces en conversion sur la totalité de celles engagées en bio. Dans ces régions jusque-là à la traîne, on tourne autour 30 %, voire 38 % pour l’Ile-de-France.

Les régions les plus engagées – pour l’essentiel sur le pourtour méditerranéen – maintiennent de belles progressions. Un tiers de la SAU est ainsi conduit en bio en région PACA, et un cinquième (18 %) en Occitanie. Le club des départements dépassant les 1.000 agriculteurs bio s’est aussi considérablement élargi. Il est passé de 4 en 2018 à 14 en 2020.

20 %, la statistique bonus

Bonus, car ce pourcentage ne ramène pas à 2020, mais bien plus aux perspectives de développement pour l’agriculture biologique. 20 % est la part minimale de produits bio (certifiés ou en conversion) que la loi Egalim demande à la restauration publique collective d’introduire d’ici à 2022. Soit les cantines scolaires, celle des Ehpad, des hôpitaux…

« Le bio va continuer de progresser dans les habitudes de consommation à domicile des Français, glisse Laure Verdeau. Notamment parce que ces consommateurs de produits bio sont de plus en plus jeunes et le font tant pour des motifs de santé que d’environnement, deux thématiques qui vont continuer de nous préoccuper ». Dès lors, le « gros » chantier pour l’agriculture bio française est de parvenir à ce que la restauration hors domicile s’empare aussi des produits bio. « Cet objectif fixé par la loi Egalim devrait considérablement aider alors que la part de produits bio dans la restauration collective tourne autour de 5 ou 6 %, reprend Laure Verdeau. Il restera à impulser cette même progression dans la restauration collective privée et la restauration commerciale (bistrots…). » La directrice de l’Agence Bio identifie alors deux défis : « Celui d’aider ces restaurateurs à mettre sur pied des réseaux de fournisseurs bio, et celui de former, en école de restauration, à cuisiner ces produits bio, qui peuvent nécessiter des gestes particuliers. »