Marseille : La gauche freine sur la Zone à faible émission, craignant « une zone à forte exclusion »

ENVIRONNEMENT La coalition de gauche à la tête de la mairie de Marseille reporte la mise en place d’une zone à faible émission dans la deuxième ville de France, de peur qu’elle exclue les plus précaires

Mathilde Ceilles
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Un nuage de pollution, ici à Marseille. (illustration)
Un nuage de pollution, ici à Marseille. (illustration) — BORIS HORVAT / AFP
  • Une zone à faible émission, interdisant l’accès au centre-ville de Marseille aux véhicules les plus polluants, devait être mise en place en décembre 2021.
  • Mais la nouvelle majorité de gauche a décalé cette mise en place à 2022.
  • Benoît Payan et ses adjoints craignent notamment que cette mesure soit discriminante envers les plus pauvres.

ZFE. Trois petites lettres qui font couler beaucoup d’encre. En décembre prochain, les voitures ​les plus polluantes étaient, théoriquement, persona non grata dans une superficie de 19, 5 km2 de Marseille, dont l’essentiel de son hypercentre. Ce projet avait en effet été rendu obligatoire par le gouvernement en fin d’année dernière, comme dans six autres métropoles de l’Hexagone, afin de lutter contre la pollution atmosphérique.

Dessinée par la métropole d’Aix-Marseille Provence, présidée par l’ancienne candidate LR aux municipales Martine Vassal, cette ZFE devait faire l’objet, comme ultime étape avant sa mise en œuvre, d’une consultation au printemps 2021, lancée par la ville de Marseille. Mais ce vendredi, lors du conseil municipal, le Printemps marseillais, la coalition de gauche qui dirige désormais la deuxième ville de France, a décidé de reporter cette consultation… à plus tard.

Des consultations reportées en raison de la crise sanitaire

« Les conditions actuelles liées à la gestion de la crise sanitaire ne permettent pas d’engager dans de bonnes conditions cette étape de consultation » , estime l’adjointe à la mobilité Audrey Gatian, dans un rapport voté ce vendredi. Dans ce même rapport, la ville de Marseille propose ainsi de « reporter à la sortie de la crise sanitaire cette étape de consultation dont la durée est fixée à 3 mois, pour une mise en œuvre effective de la ZFE décalée courant 2022. »

« Il s’agit pour nous d’un reniement, tempête Catherine Pila, présidente du groupe LR d’opposition au conseil municipal. La ZFE est en lien avec l’écologie, avec le mieux vivre, avec la santé. Qui aurait pu croire que vous décideriez cela ? Cela correspond à votre programme ! Vous avez peur d’aller jusqu’au bout, peur d’annoncer à des publics précaires qu’ils vont devoir se séparer de leurs véhicules trop vieux. »

« Un privilège de riches »

« Bien évidemment que nous sommes pour la ZFE, peste le maire auprès de celle qui est aussi présidente de la RTM. Mais ça ne se fera pas au détriment des Marseillais les plus humbles et les plus pauvres. Les centaines de milliers de Marseillais qui n’ont pas d’autres choix que d’avoir une voiture polluante, vous en faites quoi ? On va dire quoi ? Tant pis, vous marcherez ? Vous allez courir ? »

« La ZFE comporte un biais social, craint l’écologiste Sébastien Barles, adjoint en charge de la transition écologique. Il ne faut pas que ça se transforme en une zone à forte exclusion. » « Une ZFE punitive est contraire à notre projet et à notre vision de la ville, abonde Audrey Gatian. Cela ne doit pas être un privilège de riche qui peut renouveler son véhicule en utilisant la prime à conversion et les autres, et en assignant les autres à domicile. Cette ZFE doit être accompagnée d’une accélération d’un développement des transports. »

« On va vous parler de la ZFM, la zone à faible mobilité, s’agace Benoît Payan. Ça, c’est votre travail. C’est votre responsabilité ! » Et de prévenir : « A Marseille, il n’y a pas de piste cyclable, il y a deux lignes de tramway, deux lignes de métro ! La ZFE se fera à condition que vous vous y mettiez sur le plan des transports. » Pas moins de 300.000 Marseillais seraient concernés, à terme, par la mise en œuvre de ce projet.