Accord de Paris : Cinq ans après, que reste-t-il de ce texte historique ?
POINT D'ETAPE Plein de promesses et d’espoir lors de sa validation, l’accord de Paris, premier texte universel sur le climat, s’apprête à fêter ses cinq ans d’existence
«L'accord de Paris pour le climat est accepté ! ». C’était le 12 décembre 2015. Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, annonçait avec force et détermination, sous le tonnerre d’applaudissement d’un public exalté, la validation d’un texte historique : celui du premier accord universel sur le climat.
Après treize jours d’intenses négociations sous présidence française, ce document de 17 pages avait été présenté comme « différencié, juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant ». Cinq ans plus tard, le taux des émissions de gaz à effet de serre a continué d'augmenter et la planète a connu ses années les plus chaudes depuis 1850.
Des promesses non tenues
« Ce que je dirais aujourd’hui, c’est… Merde, quoi ! ». Députée et coprésidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale à l’époque de la signature de l’accord sur le climat, Cécile Duflot est, aujourd’hui, partagée entre « la rage et la stupéfaction ». « Si on m’avait dit, il y a cinq ans, qu’on en serait là où on en est aujourd’hui, j’aurais sûrement parié sur mieux que ça. Vraiment », s’exclame-t-elle.
Et pour cause. Alors que l’accord de Paris invitait les Etats signataires à « poursuivre les efforts » pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré de plus maximum, la trajectoire prise aujourd'hui par nombre de pays, principalement les plus riches, ne permettra pas de tenir cet engagement. « Rien de structurel n’a été fait » assure Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement. « Nous sommes extrêmement loin des objectifs. Aujourd’hui, on est déjà à 1,3 degré de plus au niveau mondial, donc l’espoir de se limiter à 1,5 degré est très faible », ajoute-t-elle.
Un accord peu contraignant
La France, pourtant initiatrice de cet engagement climatique majeur, est loin d’être exemplaire. Dans son rapport annuel sur la neutralité carbone, publié en septembre dernier, le Haut Conseil pour le Climat avait estimé les actions climatiques mises en place ces dernières années dans l’Hexagone, « pas à la hauteur des enjeux ni des objectifs » qu’il s’est donnés.
« Aujourd’hui, non seulement l’accord de Paris n’est pas respecté, mais en plus, même ce qu’il prévoit est insuffisant », affirme Delphine Batho, députée et présidente de Génération écologie. L’ancienne ministre de l’écologie entre 2012 et 2013 est catégorique : « cet accord était historique d’un point de vue diplomatique et politique, mais pas au regard de ce qu’on sait et de ce que disent les rapports du Giec sur le climat ». Car c’est bien là que le bât blesse. Si le texte de l’accord de Paris est bel et bien contraignant sur la forme, il est loin de l’être sur le fond, et ses effets ne tiennent, dans le texte, qu’à des « contributions volontaires » de la part des Etats signataires.
L’inaction climatique devant la justice
Néanmoins, depuis sa signature par 195 pays, un certain nombre de combats judiciaires ont été initiés sur cette base, si branlante soit-elle. « On voit des tribunaux prendre des décisions, prononcer des jugements qui sont basés sur la référence que constitue l’accord de Paris. Donc tout ça n’a pas servi à rien », juge Delphine Batho.
C’est le cas de « l'Affaire du siècle », dont la procédure est toujours en cours, ou encore de la décision historique prononcée par le Conseil d'Etat après un recours de la commune de Grande-Synthe contre l’Etat. Attaqué pour inaction climatique, ce dernier a été condamné à justifier, dans un délai de trois mois, que la trajectoire de réduction des émissions à l’horizon 2030 pourrait être respectée. « Pas de bol, parce que les juges considèrent qu’un engagement a été pris et que les promesses n’engagent pas seulement ceux qui y croient » jubile Corinne Lepage, avocate de la commune de Grande-Synthe dans cette affaire.
Plus riches, moins exposés
Si les gouvernements des pays les plus riches risquent donc, désormais, d’être contraints de respecter leurs engagements climatiques, qu’en est-il de leurs obligations envers les pays les plus pauvres ? « De ce point de vue là, cet accord de Paris peut-être amélioré. D’abord sur l'adaptation climatique qui doit être financée davantage. Car nous sommes déjà dans le dérèglement. Et surtout, il faut le faire bien plus sous forme de dons que sous forme de prêts » affirme Cécile Duflot.
Aujourd’hui, seulement 3 % des financements de la France à destination des pays en voie de développement les plus touchés par le réchauffement climatique se font sous forme de dons, contre une moyenne de 35 % pour l’ensemble des pays de l’OCDE. En 2009, les pays du Nord s’étaient également engagés à porter à 100 milliards de dollars d’ici 2020 l’assistance aux pays du Sud pour s’adapter aux impacts du changement climatique et réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais pour l’heure, le compte n’y est pas.