Erika : Vingt ans après, comment s’organise-t-on pour éviter des marées noires en Méditerranée ?
MEDITERRANÉE•Equipe d'évaluation et d'intervention, barrages flottants, protection des sites sensibles... En cas d'accident maritime, les autorités préfectorales disposent de différents moyens d'action pour lutter contre la pollution aux hydrocarburesJonathan Hauvel
L'essentiel
- Le 12 décembre 1999, l’Erika faisait naufrage au Sud du Finistère avec 30.884 tonnes de fioul à son bord.
- 400 km de côtes atlantiques, de la Bretagne à l’île de Ré, ont été touchées par l’une des pires marées noires françaises.
- Vingt ans plus tard, le dispositif POLMAR (POLlution MARine) prévoit une série de mesures pour faire face à ce type d’accident
L'Erika naufragé, 400 km de côtes atlantiques touchées par les hydrocarbures, et des oiseaux englués dans les galettes de mazout. Ces images de la marée noire ont choqué la France. Vingt ans plus tard, comment les autorités peuvent-elles réagir si un tel accident se produit au large de la Méditerranée ? « La première règle, c’est d’agir vite », répond la capitaine de frégate Christine Ribbe, porte-parole de la préfecture maritime de la Méditerranée.
Lorsqu’un bateau est en difficulté, son capitaine a pour obligation de prévenir le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de la Méditerranée (CROSS MED) en appelant le 196. Dans le cadre du dispositif POLMAR (POLlution MARine) Mer, le préfet maritime décide de l’envoi de l’équipe d’évaluation et d’intervention (EII) basée à Toulon.
« Ce sont des militaires qui sont disponibles 24h sur 24. En cas d’alerte, ils sont hélitreuillés pour faire une expertise à bord du navire concerné et pour nous donner l’état de la situation. Le Préfet maritime [Laurent Isnard] doit disposer d’une appréciation autonome de la situation pour décider des opérations », précise-t-on à la préfecture maritime. Le Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution (CEPPOL) de la Marine nationale prendra ensuite le relais en dépêchant ses propres experts.
« Les polluants ne s’arrêtent pas aux limites territoriales »
S’il y a un risque de pollution immédiate, la cellule antipollution de la base navale de Toulon entre en jeu. Trois navires dédiés à l’intervention en haute mer peuvent alors être envoyés sur zone : le remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage « Abeille Flandre » et les bâtiments de soutien, d’assistance et de dépollution « Jason » et « Ailette ».
« Ils embarquent tout le matériel nécessaire. En fonction du type de polluants (pétrole brut, gasoil léger, huiles, solvants,… chaque nature de polluant correspondant à une technique de lutte adaptée), ils ne vont pas déployer les mêmes moyens. Ça peut aller du simple barrage flottant où ils vont pomper avec un écrémeur, à des systèmes de récupération par absorption, ou dans certains cas à des produits dispersants pour fragmenter le polluant », explique la préfecture maritime.
L’activation de dispositifs de collaboration internationaux peut aussi être décidée car « les polluants ne s’arrêtent pas aux limites territoriales », note la capitaine de frégate Christine Ribbe. Depuis 1993, le plan RAMOGE POL (pour Saint-RAphaël – MOnaco – GÊnes) prévoit la coordination des opérations entre la France, la principauté de Monaco et l’Italie. De la même manière, le LION Plan permet depuis 2002 une action conjointe entre la France et l’Espagne.
Malgré la mise en place de ces moyens, les hydrocarbures peuvent poursuivre leur dérive jusqu’aux côtes. « Si elles se rapprochent dangereusement, la préfecture peut compter sur les pêcheurs. La mer, leur outil de travail, pourrait être touchée. Ils deviennent acteurs de la lutte en déployant par exemple un filet antipollution », précise le service de communication. Ils sont alors formés pour mettre en œuvre ces techniques.
« Il n’y a jamais deux pollutions identiques »
Côté littoral, lorsque la pollution est de grande ampleur, les préfectures des départements concernés prennent le relais. Les préfets peuvent alors déclencher le POLMAR Terre, rattaché au dispositif Orsec (Organisation de la réponse de Sécurité civile).
« Le type de réponse est adapté à chaque situation car il n’y a jamais deux pollutions identiques. La première phase consiste à identifier les sites sensibles, que ce soit pour des raisons environnementales (faune, flore), socio-économiques (activité balnéaire, zone de baignade) ou purement économiques (zone d’aquaculture), explique Arnaud Fredefon, responsable du service maritime de la DDTM des Alpes-Maritimes. La phase suivante sera la protection des sites (les entrées de port, les embouchures avec des zones de biodiversité). Enfin, le plan prévoit l’organisation du nettoyage de manière technique. On ne nettoie pas de la même manière une plage de galets qu’une plage de sable. »
Sur ce dernier point, la population a souvent envie d’agir lorsqu’un tel événement se produit. Ce fut le cas en octobre 2018 à Ramatuelle, où des boulettes d’hydrocarbures avaient souillé les plages après la collision d’un navire et d’un porte-conteneurs au large de la Corse.
« Tout le monde voulait participer au nettoyage », se souvient-on à la mairie. Pourtant, « la première chose à faire est d’empêcher l’accès aux sites pour éviter que la population accède à ces produits dangereux pour la santé, explique Arnaud Fredefon. C’est seulement quand on est conscient de la nature du produit, de sa dangerosité et des moyens de lutte que les bénévoles peuvent intervenir. »