Convention citoyenne pour le climat : Les grands débuts d’une « expérience de démocratie inédite »

REPORTAGE Les 150 citoyens tirés au sort pour former la convention citoyenne pour le climat ont entamé ce vendredi le premier des six week-ends de travail au palais Iena à Paris (16e)

Fabrice Pouliquen
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Premier jour de travail pour la convention citoyenne pour le climat, ce vendredi 4 octobre au Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Premier jour de travail pour la convention citoyenne pour le climat, ce vendredi 4 octobre au Conseil économique, social et environnemental (Cese). — Katrin Baumann / Convention citoyenne pour le climat
  • C’est le jour J pour les 150 citoyens tirés au sort de la convention citoyenne pour le climat. Le premier week-end de travail a commencé ce vendredi.
  • Leur mission : proposer des solutions pour baisser de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et transmettre des propositions, d’ici fin janvier, qui seront soumises à référendum ou au vote du Parlement.
  • « Il y a des moments que l’on ne veut pas louper dans l’histoire de la démocratie », a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe venu rencontrer ces 150 citoyens ce vendredi après-midi.

Se faire tirer le portrait, remplir un questionnaire d’entrée, retirer ses étiquettes, se trouver une place dans l’hémicycle, découvrir ses voisins de table. Il flottait un parfum de rentrée des classes ce vendredi après-midi au palais Iéna, à Paris. C’est ici, au siège du CESE (le Conseil économique, sociale et environnementale) que la convention citoyenne pour le climat a fait sa rentrée et c’est ici qu’elle se retrouvera pour six week-ends de travail [vendredi-samedi-dimanche à chaque fois] jusqu’à fin janvier.

Dans la salle, 150 citoyens, tous tirés au sort : 51 % de femmes, 5 jeunes de 16 à 17 ans, 25 % de non-diplômés, 5 % de Bretons, 3 % de Normands, deux agriculteurs, 27 % de retraités… Si les chiffres sont si précis, c’est qu’il s’agit d’un gage de réussite de cette convention citoyenne, le premier : former, avec cette assemblée, la représentation la plus parfaite de la société française.

« Des moments que l’on ne veut pas louper dans l’histoire d’une démocratie »

A 14 heures, l’agitation retombe dans la salle, c’est le moment du mot d’accueil. Pas un d’ailleurs, mais plusieurs. Celui de Patrick Bernasconi, président du CESE, suivi de ceux de la diplomate Laurence Tubiana, architecte de l’ Accord de Paris sur le climat de 2015, et de Thierry Pech, directeur général de la fondation Terra Nova, tous deux co-présidents du comité de gouvernance de cette convention citoyenne pour le climat. Puis celui du rapporteur général, Julien Blanchet, et ceux encore des trois garants de cette convention, parmi lesquels le réalisateur Cyril Dion.

Ajoutez à cela un parterre de journalistes et de chercheurs venus suivre ces premiers échanges et cela donne l’idée des attentes placées dans cette convention citoyenne pour le climat. « Il y a des moments que l’on ne veut pas louper dans l’histoire de la démocratie », dira même le Premier ministre Edouard Philippe, venu rencontrer ces 150 citoyens et exprimer le soutien de l’État à cette expérience de démocratie inédite.

« Changer de méthode » sur la transition écologique

Voulue par Emmanuel Macron et annoncée lors de sa conférence de presse concluant le grand débat, le 25 avril, cette convention vise à « changer plus fortement de méthode pour répondre plus concrètement et de manière plus radicale aux attentes » sur cette thématique de la transition écologique.

« Votre mission est double, précise dans l’hémicycle Thierry Pech. Elle est de répondre à cette question : comment réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 ? Et d’y répondre par des propositions rédigées sous la forme législative pour qu’elles puissent être transmises sans filtre, soit au Parlement, soit directement aux Français, via référendum. » « C’est ce qui rend cette convention inédite, poursuit Laurence Tubiana. Elle opère un transfert de pouvoir formidable puisque, cette fois-ci, c’est vous, citoyens, qui allez devoir émettre des avis et recommandations sur lesquelles l’État devra se prononcer. »

Une mission lourde pour 150 paires d’épaules ?

De quoi faire peser de fortes responsabilités sur ces 150 citoyens. Elles sont d’autant plus lourdes sur leurs épaules « que l’enjeu climatique est colossal, a rappelé Cyril Dion. Nous sommes sur une trajectoire [d’émissions de CO2] qui fera qu’une partie de cette planète sera invivable d’ici la fin du siècle. Un Français émet en moyenne 11 tonnes de CO2 par an. Il faudrait arriver à 2 ou 3. Comment on passe de l’un à l’autre ? Personne ne le sait aujourd’hui, parce que ça demande des évolutions tellement radicales que la plupart de nos dirigeants politiques n’ont pas le courage de les prendre. »

Ambiance… A la première pause, avant l’arrivée du Premier ministre, Pascal, 61 ans, l’un de ces 150 citoyens, ne se dit pas groggy. « J’ai passé l’âge d’être impressionné, confie-t-il dans un rire. En revanche, ce pilote d’avion, venu du Cher, a du mal à voir ce qui pourrait advenir de cette convention. « 2030, c’est demain, rappelle-t-il. Je ne suis pas sûr que le temps soit encore à des débats philosophiques mais bien plus à trouver des innovations technologiques. »

La taxe carbone… Inévitablement ?

« Vous ne partez pas de rien, il existe déjà des instruments », a rassuré Edouard Philippe, lors d’un temps de questions/réponses avec les 150 citoyens. Avant de donner plusieurs exemples sur le volet mobilité : « la prime à la conversion qui incite les Français à passer à des véhicules moins polluants, le « forfait mobilité » qui permet aux employeurs, dès l’an prochain, de verser jusqu’à 400 euros par an, sans charges ni fiscalité aux salariés en covoiturage ou à vélo, ou encore « les objectifs pris avec les constructeurs automobiles pour réduire drastiquement les émissions de CO2 des véhicules ».

Le Premier ministre assure qu’il n’y aura aucun interdit à cette convention citoyenne pour le climat, aucun domaine qui ne pourra pas être abordé dans la quête de solutions. Pas même l’épineuse taxe carbone à l’origine de la crise des « gilets jaunes » l’automne dernier. « Lors du troisième week-end de travail, on fera entrer cette question au débat et plus largement les questions liées à la fiscalité », indique Thierry Pech.

« Et si nos mesures concernent de grands industriels ? »

Ces 150 citoyens devront transmettre leurs propositions d’ici fin janvier, à l’issue des six week-ends de travail. « Ce qui sortira de cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe », a assuré Emmanuel Macron, le 25 avril .

Une promesse sur laquelle ces 150 citoyens sont plusieurs fois revenus ce vendredi après-midi. « Même si nos mesures concernent de grands industriels ? », a demandé Delphine, de Rouen. « J’espère qu’un suivi post-convention sera fait pour savoir ce que deviennent nos recommandations », confiait ainsi, à 20 Minutes, Tristan, Réunionnais de 25 ans, étudiant à Clermont-Ferrand.

Il y a déjà un point de gagné pour cette convention. A la question « Pour qui le réchauffement climatique n’est pas une préoccupation majeure », une seule personne s’est levée dans la salle. On a trouvé le cancre ?