Pourquoi des communes urbaines prennent-elles des arrêtés antipesticides ?

ENVIRONNEMENT Une vingtaine de communes d’Ile-de-France, dont Paris, a pris des arrêtés interdisant l’utilisation de pesticides chimiques sur leur territoire

Caroline Politi
Manifestation contre les pesticides chimiques
Manifestation contre les pesticides chimiques — REMY GABALDA / AFP
  • De plus en plus de communes prennent des arrêtés pour limiter ou interdire l’usage des pesticides chimiques sur leur territoire.
  • Ces arrêtés visent à pallier les carences législatives.
  • Ils ont également un aspect symbolique et permettent aux communes de se positionner dans le débat sur l’usage du glyphosate.

Des maires de droite, du centre ou de gauche. Des petites communes ou des grandes villes, y compris Paris. Certaines rurales, d’autres urbaines. Difficile de dresser un portrait-robot de ces villes d’ Ile-de-France qui ont pris, depuis le printemps, des arrêtés interdisant ou réduisant  l’usage des pesticides chimiques sur leur territoire tant les profils sont variés. Certaines se sont inspirées du combat particulièrement médiatisé du maire breton de Langouët, en Ile-et-Villaine, pour limiter  l'usage de ces produits à proximité des habitations, d’autres avaient pris leur arrêté avant.

Elles sont aujourd’hui un peu plus d’une cinquantaine en France, dont une vingtaine en région parisienne à avoir pris depuis le mois de mai des arrêtés de ce type. Deux départements, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, ont fait de même. En la matière, la législation est pourtant de plus en plus stricte. Depuis le 1er janvier 2017, les communes n’ont plus le droit d’utiliser de pesticides de synthèse chimique dans les espaces verts, forêts, cours d’écoles ou le long de routes et depuis le 1er janvier 2019, cet interdit a été étendu à tous les particuliers. La décision d’interdire ces produits en zone urbaine est-elle un coup de communication à six mois des municipales comme le dénonce la ministre de l’Environnement, Elizabeth Borne ou revêt-elle un véritable enjeu sanitaire ?

Copropriétés et espaces verts des entreprises

En Ile-de-France, la ville de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine, a été la première à prendre un tel arrêté, le 20 mai. « Au moment où nous avons pris cette décision, je n’avais pas entendu parler de Langouët, cela s’inscrivait dans le cadre d’une concertation citoyenne », assure le maire UDI, Philippe Laurent. Si quelques villes de grande couronne sont entourées par les champs, ce n’est pas le cas de cette commune. « Certains habitants avaient remarqué que les espaces verts de leur copropriété ou les voies du RER étaient entretenus avec du glyphosate », précise l’édile. Car la loi qui encadre l’utilisation de ces produits ne couvre pas tous les domaines. Ce type de produits peut encore être utilisé dans l’entretien des cimetières, des copropriétés ou des espaces verts des entreprises. Les arrêtés municipaux visent donc à pallier ces carences.

Pour plusieurs villes de la petite couronne, traversées par des voies de RER ou de métro et tramway, la SNCF et la RATP sont dans le viseur. Pour assurer la sécurité, les voies doivent être régulièrement désherbées. A la RATP, cet épandage a lieu deux fois par an, au printemps et à l’automne. Mais depuis juin, l’entreprise a demandé à ses sous-traitants de ne plus utiliser de produits phytosanitaires. En attendant de trouver des solutions pérennes, l’entreprise procède au cas par cas : des équipes de maintenance sont envoyées sur les lieux où la végétation pourrait poser un problème. La SNCF, en revanche, continue d’utiliser ces produits le long des rails tout en assurant avoir diminué par quatre la consommation de ces pesticides en vingt ans (au niveau national).

Un aspect symbolique

Dans le Val-de-Marne, l’arrêté a été pris au niveau du département mais plusieurs édiles ont décidé de prendre en plus un arrêté municipal. A Chennevières, il est paru en début de semaine. « Nous avons environ 20 hectares de champs à proximité d’un des quartiers de la ville, donc pour ces habitants il y a un enjeu sanitaire évident, mais c’est également une manière de prendre parti dans ce débat et de réaffirmer notre position environnementale », explique le maire Jean-Pierre Barnaud (MoDem).

A Sceaux également, le maire le reconnaît, hormis quelques cas spécifiques, la décision de prendre un tel arrêté revêt avant tout un aspect symbolique. D’autant que dans la commune, le glyphosate, un autre pesticide chimique, a été banni depuis 2015 et dans le parc de Sceaux, géré par le département, aucun produit de ce type n’est utilisé depuis 2013. « Lorsque nous sommes passés à un entretien plus vert, je n’ai pas eu que des retours positifs, se remémore l’édile. Des habitants sont venus se plaindre qu’il y avait de l’herbe sur les trottoirs ou avait l’impression qu’on n’entretenait plus le cimetière. C’est sûr que désherber à la main, c’est moins efficace, mais il y a des priorités ! »

Aucun arrêté n’a été suspendu

Tous ces arrêtés pourraient pourtant être invalidés par le tribunal administratif comme le fut, fin août, celui émis par le maire de Langouët. Pour l’heure, en Ile-de-France, aucun n’a été suspendu même si une décision est attendue au Perray-en-Yvelines en début de semaine prochaine. Les édiles de Sceaux et de Gennevilliers ont été contactés par le préfet pour retirer leurs arrêtés dans le courant de l’été. « On lui a répondu conjointement en listant les arguments, pour l’instant nous n’avons pas été informés d’un recours devant le tribunal administratif. »

Pour le maire de Chennevières, prendre un arrêté en plus de celui du département est également un moyen de prendre les devants si l’arrêté pris par le conseil départemental venait à être suspendu. « C’est une double détente, explique l’édile. Le nôtre pourra bien évidemment faire l’objet d’une suspension mais ça contraint le tribunal à répondre à l’ensemble des arguments que nous avançons. »