Bretagne : Les petites moules, un problème caché au fond de la baie du Mont Saint-Michel
PECHE Les mytiliculteurs déversent dans la baie du Mont Saint-Michel les coquillages qui ne répondent pas aux critères du marché
- Quinze à 30 % des moules pêchées doivent être rejetées dans la baie du Mont Saint-Michel car elles sont jugées trop petites.
- Déversées sur le sable, elles pourrissent et dégagent une odeur nauséabonde. Les goélands adorent mais pas les riverains.
- Une société basée à Cancale souhaite valoriser ces « moules sous-taille » et investit dans une usine de transformation.
Les millions de visiteurs qui se pressent chaque année au Mont Saint-Michel ne les voient pas. Mais elles sont bien là, tapies au fond de l’estran, libérant leur douce odeur de coquillage en putréfaction. Les professionnels les appellent les « moules sous taille ». Disons simplement qu’elles ne répondent pas aux exigences de l’AOP (Appellation d’origine protégée) qui réclame que les moules de la baie du Mont dépassent les quatre centimètres.
Pour gagner en productivité et faciliter la « cueillette », la plupart des mytiliculteurs ont investi dans des bras mécaniques qui viennent décrocher les moules de leur pieu en bois. Le problème, c’est que les plus petites moules situées au plus près du pieu, à l’étroit et sans nourriture, sont arrachées en même temps.
« On rejette des déchets vivants »
Une mécanisation qui génère entre 15 et 30 % de pertes, qui finissent à pourrir sur le sable de la baie. « On rejette des déchets vivants. Le nombre de goélands a explosé, l’odeur est nauséabonde et le risque sanitaire existe. Les impacts sont là », estime Marie Feuvrier, présidente de l’Apeme (association pays d’Emeraude – mer – environnement).
Son association lutte depuis plusieurs années contre la pêche des moules sous-taille. « Nous ne sommes pas opposés à la conchyliculture. Nous sommes opposés à certaines pratiques qui mettent en danger la biodiversité de la baie ». Dix mille tonnes de moules de bouchot AOP sont produites chaque année par une petite cinquantaine de pêcheurs.
Peut-être une solution de valorisation
La pression sur les professionnels grandit à mesure que le nombre de goélands s’accroît. « Nous voulons travailler à une solution écologique mais il nous faut trouver un modèle économique », explique Antoine Prévost, directeur de l’innovation chez Mytilimer. La société a développé une solution pour transformer la chair en nourriture pour poissons et broyer les coquilles pour les réutiliser dans le bâtiment ou l’agriculture. Une usine capable de transformer 330 tonnes de moules sous-taille par an verra le jour à l’été 2020 à Cancale. « Il y a un potentiel en Europe mais aussi à l’international », assure le directeur de l’innovation. Si les tests sont concluants, l’outil sera agrandi pour absorber 1.500 tonnes.
L’innovation laisse cependant perplexe la militante de l’Apeme. « Pourquoi valoriser ? Ce qu’il faut, c’est changer la manière de produire. Et d’où elles viendront les 1.500 tonnes ? », s’interroge Marie Feuvrier. Pas plus loin que Saint-Brieuc et la Normandie, promet la société mytilicole.